(Maylee-Rose) Des nouvelles de June ?

C’est un ouragan de sentiments qui prend possession de moi lorsque je franchis les portes automatiques du bâtiment blanc. Mon cœur ne cesse de battre, mon inquiétude se lit aisément sur mon visage, mais pour le moment, ça m’est égal. Je presse le pas vers l’accueil qui est occupé par un type. L’autre femme est disponible, mais parle chiffon au téléphone, me voit pourtant m’impatienter, mais ne raccroche pas. Je la fusille du regard, pose ma main sur le comptoir, tapote mes doigts dessus, histoire de lui faire comprendre que je n’attendrai pas très longtemps comme ça. Pas une seule seconde de plus, même. « Oh, y’a moyen que vous fassiez votre boulot, là ? » Elle enroule son index autour d’une de ses mèches de cheveux, mâche son chewing-gum, lentement, en me regardant, puis souffle à son ami de patienter, qu’il y a quelqu’un a l’accueil, quelqu’un d’impatient. S’il n’y avait pas cette vitre entre nous, je n’aurais pas hésité à appuyer sur le bouton pour mettre fin à sa communication. C’est qui cette incompétente qui me prend pour un con ? « C’est pour quoi ? » « Merci de daigner me donner de l’importance. » dis-je, avec amertume. « June Garnier. Sa chambre. » Pas un s’il vous plaît, elle ne le mérite pas. La face de pizza se tourne vers son écran, tape sur son clavier. « Elle est en salle d’opération. Il va falloir attendre. » Elle me précise tout de même par où passer. Les murs blancs, l’odeur. S’il y a un endroit dans lequel je déteste passer mon temps, c’est ici, dans cet hôpital et quand ça concerne June, je me sens… minable, voilà. Inquiet, pas confiant du tout. Ce couloir me rappelle la dernière fois où on m’a annoncé qu’elle ne pourrait plus remarcher, ni bouger, là où on m’a annoncé sa tétraplégie et j’ai peur de ce qui va venir. Au bout du couloir, j’aperçois Maylee-Rose. Je ne l’ai jamais trop aimé, à cause de la relation cachée qu’elle entretenait avec June qui, elle, s’assumait pleinement, à cause de leur séparation qui a tout de même bouleversé ma meilleure amie, mais surtout… Surtout à cause du fait qu’elle se met du côté de June en essayant de me faire changer d’avis sur l’avenir de ma meilleure amie. Il n’est pas question que je la laisse partir, que je donne mon autorisation pour qu’on la fasse mourir, dans un autre pays, là où on l’autorise. C’est vrai qu’elle n’a pas la possibilité de marcher, c’est vrai qu’elle ne peut plus courir dans les plaines, qu’elle ne peut plus sauter dans les flaques d’eau, c’est vrai qu’elle est dépendante des gens, mais c’est June. J’ai besoin d’elle. Arrivé près de Maylee, j’agrippe son bras, sans me rendre compte de ma force, de la douleur que je pourrais lui infliger. « Qu’est-ce qui s’est passé, est-ce que tu sais ? » C’est elle qui m’a prévenu qu’elle était là. Je ne sais même pas ce qui a bien pu se passer pour qu’elle se trouve à l’hôpital aujourd’hui, je n’ai aucun détail. « Tu as des nouvelles ? » J’ai mal. Je ne ressens pourtant aucune douleur physique, mais j’ai mal. Mon cœur a mal.

C'est une journée de travail aujourd'hui. Encore. Ça ne te dérange puisque tu aimes ton travail mais, parfois, tu aimerais bien pouvoir prendre du temps pour toi. Tainer chez toi en pyjama, gros chignon et sans maquillages. Tu aimerais pouvoir aller dépenser des sous dans des boutiques de fringues, de chaussures. Les chaussures c'est ton petit pêché mignon. T'en as au moins plus de cinquante paires. Malheureusement, tu ne peux pas toutes les mettre. Mais ce matin, tu chausses ta paire de basket fraichement acheté du mois dernier, tu enfiles ton pantalon de jogging, un tee-shirt blanc et une veste aussi. Tu files courir un peu. Ça te fait du bien. Tu aimerais pouvoir courir plus souvent mais c'est impossible. Ce matin, tu en profites de commencer tard pour aller courir et t'oxygéner un peu. Tes écouteurs sur les oreilles, tu te coupes du monde extérieur. Tu es égoïste un peu. Tu ne penses qu'à toi pendant au moins une heure. Ça peut paraitre long pour certains mais pas pour le temps. Une heure de course te semble raisonnable. Après donc cette petite – grande en fait – course à pieds – tu rentres chez toi. Tu te déshabilles dans la salle de bain et sautes rapidement dans la douche. T'es pas vraiment en avance. Tu te dépêches donc de te laver. En sortant de la douche, tu enroules ta serviette autour de toi et files dans ta chambre. Vu que tu vas être en tenue d'infirmières toute l'après-midi, tu enfiles simplement un jean et un débardeur blanc. Par-dessus tu mettras ton perfecto noir et ça ira très bien. Tu passes vite fait par la case maquillage. Tu fais ton teint correctement, un peu de maquillage et un rouge à lèvres nude. Voilà, t'es prête. Un rapide coup de peigne pour discipliner tes cheveux et te voilà prête totalement. Tu passes rapidement par la cuisine pour te préparer un truc à manger avant de partir. Pour ce midi, ça sera une salade de quinoa que tu as préparé hier soir. Tu manges ta petite salade et un yaourt avec des morceaux de fraises dedans. Bientôt treize heures. Ça va être l'heure d'aller travailler. Tu prends ton sac à main et enfiles une paire de ballerines avant de partir de ton appartement. Tu prends bien soin de fermer la porte, évidemment.


T’arrive à l’hôpital. Ça semble calme aujourd'hui. Tant mieux, t'as pas envie de courir partout. Dans les vestiaires, tu poses tes affaires et enfiles la tenue réglementaire pour une infirmière. C'est l'heure des consignes. Tu y vas donc. Tu prends des notes, tu écoutes les autres. Et puis tu t'en vas prendre ton poste. C'est vraiment calme cet après-midi. Quelques rondes dans les chambres dont tu as la charge mais rien de transcendant. L'après-midi, il y a des visites. Ça grouille de monde qui vienne voir leurs proches. Certains s'en sortiront, d'autres sont mourants. Tu détestes la polémique de "il faut sauver le patient à tout prix". Quand il n'y a plus d'espoir, ce n'est vraiment pas la peine d’insister. Tu connais des personnes qui refusent qu'on s’acharnent sur eux. Être un légume sur un lit d'hôpital, il n'y a rien de plus horrible. Perdue dans tes pensées, tu sens qu'on t'attrape le bras. Sûrement un patient qui a peur de marcher. T'allais dire un truc mais en te retournant et en voyant le visage de cette personne, tu vis bien que ce n'était pas un patient. C'était lui. Loeiz. Le meilleur ami de June. Cette fille qui ne peut plus marcher et qui souhaiterait en finir. Mais voilà, dans ce pays, on ne tue pas les gens comme ça. Parce qu'ils le demandent. C'est débile d'ailleurs. Enfin bref. "Je viens de prendre mon service Loeiz. Mais il me semble qu'elle a fait un léger malaise un peu avant midi. Elle refuse de s'alimenter depuis deux jours.." June tu la connais bien. T'as eu une histoire avec elle. Mais le truc c'est que t'assumes pas trop ton attirance pour les femmes. C'est la faute de tes parents ça. Trop stricts. Trop autoritaire. C'est vrai que t'as prévenu Loeiz mais t'es pas en charge de June. Tu la connais. Tu peux pas t'occuper d'elle mais parfois, tu viens la voir. Comme ça. Pendant ta pause. Bref. Tu détaches son bras de sa main. Tu l’assoies sur un des fauteuils dans le couloir et te place à côté de lui. "J'ai pas de nouvelles, je viens de prendre mon service. Mais jpeux rester avec toi en attendant que le médecin sorte de la salle d'opération.." Tu ne veux pas aborder la question qui fâche. Tu lui en as déjà fait part plusieurs fois. Ça sera mieux pour elle qu'elle parte. C'est ce qu'elle veut mais non, Loeiz refuse de la laisser mourir. D'un côté, tu peux le comprendre mais d'un autre, t'as un peu de mal à le faire.

« Il te semble ? » Voilà pourquoi cette fille m’insupporte. June, c’était une fille parmi d’autres. Elle n’a pas d’importance pour Maylee. Elle s’en fiche. Si elle crevait demain, ça lui serait complètement égal, ce qui explique sans doute pourquoi elle se met du côté de ma meilleure amie en essayant de me faire changer d’avis. Mais June, elle compte pour moi. C’est la personne la plus importante dans ma vie, celle pour qui je serai capable de décrocher la lune. Je ne peux pas la voir partir, alors qu’elle est bien en vie. Etre tétraplégique, c’est horrible, mais certains vivent bien avec. Ce type dans le film « Intouchables », par exemple. Il a même une famille, des enfants ! June pourrait très bien trouver la femme de sa vie d’ici quelques mois, quelques années. Elle pourrait ne pas finir toute seule. Et je suis là… « On voit que tu tiens à elle. » craché-je, amer, en m’appuyant contre le mur, non loin d’elle. Je penche la tête en arrière, inquiet. « Je sais qu’elle refuse de s’alimenter, mais… Oh bon sang. » Je souffle et fais quelques pas dans le couloir, en frottant ma nuque. J’aimerais que les choses soient plus simples, j’aimerais qu’un miracle puisse naître, qu’elle puisse remarquer, qu’une opération soit possible pour l’y aider, mais même avec tout l’argent du monde, je crains que ce soit impossible. Je me suis renseigné, je n’ai pas entendu parler d’un type qui s’est remis de ce genre de séquelles. June restera à vie dans un fauteuil, à être dépendante des autres, des médecins, de moi. « Elle t’a dit quelque chose récemment ? » June me dit tout, même les choses les plus désagréables, mais je sais qu’elle parle à Maylee de son envie de partir à l’étranger pour qu’on la laisse partir. A moi, ça fait bien longtemps qu’elle ne m’a pas parlé à ce propos, parce qu’elle connait mon avis là-dessus et qu’elle se doute que ce n’est pas le moment de se risquer à en parler une nouvelle fois. A chaque fois, June laisse bien deux semaines.

Théoriquement, t'as pas le droit de t'occuper de June. Tu la connais. T'as eu un passé avec elle. T'as pas le droit de te mêler de ce dossier. Mais ça ne t'empêche de te tenir au courant de son état. Ni de venir la voir dès que tu as un moment de libre. T'aimes bien te mettre assise à son chevet et la regarder. Lui tenir la main. La lui caresser doucement. Tu imagines à quoi elle peut bien penser. Tu aimerais tellement qu'elle aille mieux. Qu'elle s'en sorte. Mais non. C'est toujours pareil. Toujours dans le même état. Son meilleur ami, Loeiz, il vient la voir très souvent. Et très souvent, vous vous prenez la tête. Pourquoi ? Parce que toi, tu préférerais – enfin non, pas vraiment – qu'elle parte. Après tout, c'est elle qui le demande. Enfin, t'es convaincue que c'est ce qu'elle voudrait. Tu la connais bien June. Tu l'as fréquenté un bon moment. Loeiz, t'as rien contre lui spécialement. C'est lui qui te déteste. Et puis, votre différent sur l'avenir de June n'arrange rien. T'es qu'une infirmière mais quand il n'y a plus d'espoir pour quelqu'un pourquoi insister à le maintenir en vie ?! Vous vous disputez souvent avec Loeiz. Mais tu n'y fais pas trop attention. C'est comme ça avec les plupart des famille. June est consciente. Elle se voit être devenue un légume sur son lit d'hôpital. C'est une sensation sans doute horrible pour qui que ce soit. Toi, tu n'aimeras pas devenir comme ça. Et tu aimerais que quelqu'un prenne cette décision pour toi. Bref.


T'es en poste aujourd'hui. Tu es censé travailler mais l'état de détresse dans lequel se trouve June actuellement, te préoccupe pas mal. Beaucoup même. T'attends que les médecins reviennent du bloc. Loeiz doit penser que June n'est qu'une fille parmi tant d'autres. Déjà, t'en ai pas eu beaucoup de femmes dans ta vie. Et quand t'aimes, c'est pour de vrai. T'es pas le genre de personnes à faire semblant. Sauf avec tes parents. Mais ça, c'est une autre histoire. Loeiz ne semble pas patient et ne se gêne pas pour se montrer désagréable avec toi. "Oh c'est bon ! Je viens de prendre mon service !!" Réponds-tu assez sèchement. Bon, ce n'est pas une attitude très professionnelle. Tu te reprends donc. Tu comprends son état de détresse mais pour le moment, t'as pas plus de nouvelles que lui. T'es pas là pour être l'ennemi de Loeiz. Vous êtes tous dans le même bateau. On espère tous que June s'en sorte mais bon, faut pas trop se voiler la face non plus. Tu soupires en essayant de te contenir. "Nan pas grand chose.. Elle parle pas beaucoup.. Elle voudrait juste qu'on la laisse partir.." Finis-tu par dire au jeune homme. Tu sais très bien qu'il ne veut pas en entendre parler mais c'est une des deux options possible. Malheureusement, on ne laisse pas mourir les gens comme ça dans ce pays. Oui vous parlez de temps en temps June et toi. Loeiz a tort. Ça te briserait le coeur de voir June partir. Ça serait sûrement pour elle de toute façon. "Ecoute, je comprends que tu ne veuille pas la laisser partir. Moi non plus, jveux pas qu'elle parte. Mais imagine toi à sa place. Tu es tétraplégique et tu sais que y'a pu d'espoir. Tu feras quoi à sa place ? Tu voudrais rester comme ça toute ta vie ?"

Qu’est-ce que j’en ai faire qu’elle vient juste de prendre son service ? C’est June. Tout le monde devrait être là pour elle, devrait faire ce qu’il peut pour la sortir de là, pour l’aider à mieux vivre. Un médecin devrait être assez professionnel et efficace pour la convaincre de se nourrir normalement, de se battre. « J’en ai rien à faire. » dis-je, tout aussi sèchement. Pour qui elle se prend à me parler comme ça ? Elle m’annonce des choses que je connais déjà, des choses qu’elle répète, que je ne veux pas entendre. June veut partir. Ce n’est pas nouveau. Je secoue la tête, comme si elle attendait une réponse de ma part. Je sens qu’elle appuie sa demande, qu’elle vient en aide à son ex, mais si elle tenait à June, comme moi je tiens à elle, May comprendrait que je ne peux pas adhérer. J’essaie de la stopper d’un signe de la main, mais elle continue son discours. « Stop. Stop. » C’est bon, je ne veux pas en entendre davantage. Je ne peux pas me mettre à sa place, je ne le suis pas. Impossible de m’imaginer dans un fauteuil roulant. « Tu te rends compte des absurdités que tu me balances ? Comment tu oses ? » Sévère, je fais un pas vers elle, la fusillant du regard à quelques centimètres de sa silhouette seulement. « C’est la porte ouverte à tous les tétraplégiques. Ils ont tous le droit de crever parce qu’ils ne peuvent rien faire, ils ont tous le droit au malheur, parce qu’ils sont cloués dans un fauteuil, alors vaut mieux les amener dans un pays étranger pour qu’ils nous foutent la paix ! » C’est peut-être extrême, mais bordel, c’est comme ça que je le ressens. June doit se battre, point. La vie, c’est de la merde, elle l’a toujours su, mais elle qui a gardé la tête haute durant des années, elle qui s’est battue pour réussir, pour faire quelque chose de bien de sa vie, il faut qu’elle relève la tête. Je veux bien l’aider, je ne demande que ça. « T’es infirmière putain ! C’est pas ton job de donner le couteau à un mec qui veut se trancher la gorge ! » June lui demanderait d’ouvrir la fenêtre pour qu’elle se jette du cinquième étage, qu’elle le ferait. J’ai toujours su que je ne pouvais pas lui faire confiance. « Ne t’avise plus jamais de me reparler de ça. Je refuse. Tu entends ? Je refuse qu’elle se foute en l’air sous prétexte que sa tentative de suicide a échoué, sous prétexte qu’elle en paie les conséquences maintenant. » Je passe ma main sur mon visage, puis fais quelques pas dans le couloir. Je viens vraiment de dire ça ? La colère, l’impuissance. « Je me demande où t'as eu tes diplômes. Dans une pochette surprise ? » La colère de nouveau.

Au début de son hospitalisation, tu passais tes journées à l'hôpital. Tu ne voulais pa sla laisser seule. June a comptée pour toi. Elle a réparée ton coeur. Tu l'as aimé. C'est à croire que tu es maudite en amour. D'abord Ivy. Ensuite June. Stop ! Ça suffit. Tu refuses de tomber amoureuse de qui que ce soit maintenant. Juste du sexe, c'est tout. Bref. June, tu l'as aimé. Elle a comptée pour toi. Son hospitalisation a été très dur à vivre pour toi. Tellement. Tu te souviens de son sourire. De sa gentilesse. Tu te souviens de ce que tu ressentais avec elle. Un sentiment de légéreté. De bien-être aussi. Loeiz, il te tient pour responsable de l'hospitalisation de June. Il tient tout le monde pour responsable. Stop ! Ça aussi ça suffit. On est pas là pour se battre. June a besoin de vous. Elle a besoin de votre soutien et de votre courage. Chaque fois que tu travailles, tu trouves toujours un moment pour venir la voir. T'aimes rester avec elle dans sa petite chambre. Tu lui tiens la main. Tu lui fais la lecture. Tu lui ramènes des fleurs aussi. Des tulipes. Roses ou blanches qu'importe. Parfois, June sourit. Son sourire. Il te fait fondre. Tu aimerais pouvoir l'embrasser mais tu te retiens. June compte encore énormément pour toi. Tellement. La voir partir, tu ne le supporteras pas. Mais c'est sûrement la meilleure solution pour elle. Toi-même tu ne souhaiterais pas rester comme ça. Tétraplégique. Être un légume sur ton lit d'hôpital. Personne ne mérite ça.


Mais Loeiz commence à te prendre la tête. T'es pas vraiment d'humeur. T'as envie de l'envoyer promener. De le mettre à la porte de l'hôpital. Mais t'as pas le droit. C'est un lieu public. Tu soupires tout en essayant de conserver ton calme. "J'ai pas dit ça !! Mais June c'est ce qu'elle veut Loeiz !!" Le jeune homme s'approche de toi. Il a un air menaçant mais ça ne t'impressionne pas vraiment. T'as connue plus menaçant. Et puis, toi aussi t'as un fort caractère. Mais tu le comprends. June c'est sa meilleure amie. Il ne veut pas la perdre et c'est normal. En fait, tu ne sais pas trop de quel côté de te ranger ? D'un côté, tu t'entends bien avec June. C'est elle qui veut en finir. C'est sa décision. Mais bon, dans ce pays, on ne tue pas les gens comme ça. Sinon, direction la prison. Et de l'autre il y a Loeiz. Le meilleur ami de June. L'état de la jeune femme lui fait mal. Très mal. Tu comprend. T'aimerais pas voir un de tes proches dans un tel état. Les propos du jeune homme te font mal. En gros, tu fais mal ton travail. En gros, t'es une mauvaise infirmière. Vraiment ?! Ça te fait mal d'entendre cela. T'as envie de pleurer. Mais non, tu ne pleureras pas. Tu refuses de montrer à qui que ce soit qu'il t'as blessé. Beaucoup de gens cherchent à blesser les autres. Mais même s'ils te blessent, tu ne montreras rien. Sourire, c'est tout ce qu'ils verront de toi. "C'est bon ?! T'as finis ?! J'ai pas envie qu'elle meurt mais si c'est ce qu'elle veut, pourquoi on l'en empêcherait ? Tu sais au moins pourquoi elle a essayé de se suicider ?" C'est vrai quoi. Si elle a voulu se suicider, il y a bien une raison. Ça te fait mal de penser qu'elle ait pu faire ça. Tu t'en veux. T'aurais dû voir son mal être. C'est souvent trop tard qu'on voit que nos proches vont mal. "On est vraiment obligés de se battre ?! On pourrait pas se serrer les coudes ? Pour elle. Pour June.." Dis-tu sur un ton un peu blasé.

« Et alors ? Un mec qui veut se jeter par la fenêtre parce que sa vie est trop dure, tu vas faire quoi ? Lui ouvrir la fenêtre ? » Que June souhaite se foutre en l’air ne changera rien au fait qu’elle n’a pas le droit de nous laisser, d’abandonner, de baisser les bras comme ça. Elle peut vivre, elle peut être heureuse. J’entends ce qu’elle dit, son malheur, sa douleur, j’en suis témoin tous les jours de la semaine, mais je ne peux pas gentiment acquiescer à sa requête et baisser les bras à mon tour. Un jour, elle se réveillera un matin en se disant que la vie est devant elle, qu’elle peut encore vivre heureuse, trouver une personne qui l’acceptera telle qu’elle est, qui lui donnera tout l’amour dont elle a besoin. Ca existe. Ce ne sera pas facile tous les jours, mais elle peut trouver le bonheur dans les bras de quelqu’un. Elle nous a déjà nous, moi. « Tu me prends pour qui ? T’as cru que je ne m’étais pas intéressée à son acte ? T’as cru que j’étais ingrat, égoïste, au point de ne pas l’écouter ? T’es sérieuse ? » J’en reviens pas. Mais c’est qui cette fille ? Comment est-ce que June a pu s’intéresser à elle ? Comment a-t-elle pu tenir un peu à elle ? Elle est imparfaite, sur tous les points. Elle n’a aucun charisme, n’a aucun bon argument et maintenant, elle se permet de me poser une question qu’elle n’aurait pas dû prononcer. « Comment tu veux que je me serre les coudes avec l’ennemi ? Parce que c’est ce que tu es. Tu ne te bats pas dans le même camp. » Pourquoi on l’en empêcherait ? Mais elle s’entend quand elle parle ? « Bordel Maylee, au nom de ce que vous avez vécu toutes les deux, tu pourrais au moins tenter de lui faire comprendre que ce n’est pas une solution. » Au lieu d’aller dans son sens. J’ai parfois l’impression d’être le seul à me battre. « Toi, tout ce que t’as l’air de vouloir, c’est qu’on fasse ce que demande June et qu’on te foute la paix. Si sa situation à l’air de t’ennuyer, tu sais, je ne te retiens pas, tu peux te casser. Je pourrais expliquer à June les raisons, lui dire que j’avais raison depuis le début sur ton compte. » Et de toute façon, personne ne pourra me faire changer d’avis : pour moi, Maylee n’a jamais tenu à June. Si c’était le cas, elle ne prendrait pas cette histoire avec tant de légèreté.

Tu soupires. Cette conversation que tu as avec Loeiz, tu l'as déjà eu. Des milliers de fois. Et jamais ça n'a aboutie à quelque chose. Ça n'a servie à rien. Aujourd'hui, c'est pareil. Ça ne sert à rien. Vous ne serez jamais d'accord. Tu ne veux pas t'énerver. Généralement, t'aimes pas trop qu'on vienne te chercher des ennuis. Surtout sur ton lieu de travail. C'est vrai, tu fais juste ton boulot. Tranquillement. Mais apparemment, Loeiz, il s'en fiche complètement. Tout ce qu'il veut ? Te prendre la tête avec June. Combien de fois encore devrais-tu entendre son éternel refrain ? Tu connais son point de vue. Il connait le tien. Tu soupires. T'as des patients à soigner. À t'occuper. Et peut-être même à sauver. Le sort de June te préoccupe tout autant que lui mais tu ne peut pas t'arrêter de vivre pour elle. Ça te fait mal tout de même. Très mal. La voir dans ce lit d'hôpital. C'est tellement horrible. Elle ne sourit plus en plus. C'est tellement dommage. Son sourire était si magnifique. Un rayon de soleil dans ta journée. Mais il est parti.


Ton sang se fige dans tes veines. C'est la remarque de trop. Ce que vient de te dire Loeiz, s'en est trop. Tu essaie tout de même de conserver ton calme. Tu n'aimerais pas perdre ton poste pour une bêtise de la sorte. Tu inspires et expires plusieurs fois de suite. Tu restes calme même si tu as une folle envie de le gifler. "Nan !!! Jvais pas lui ouvrir la fenêtre et le pousser. J'essaierais déjà de comprendre pourquoi il veut sauter." Mais ça ne sers à rien de parler avec lui. Tu parles à un mur. Dans le vide. T'as pas envie que June meurt. Tu te mets simplement à sa place. T'aimerais pas te trouver là, allongé sur un lit d'hôpital. Tes jambes qui ne répondent plus quand tu leur ordonnes de marcher. Nan. Tu ne veux pas être comme ça. Tu ne sais pas ce qui lui a pris. Tu ne sais pas si tu veux savoir. Ça t'intéresse. Mais ça t'effraie aussi. Tellement. T'as peur d'entendre sa raison. Ou ses raisons. Tu te sens coupable aussi. Coupable de ne pas avoir vu son mal-être. Loeiz, t'as rien contre lui. Il a pas une tête de mauvais garçon. C'est juste une tête à claque qui, à chaque fois que tu le vois, te donne des envies de meurtre. Mais t'es pas une méchante. T'es la gentille toi. Celle qui sauve des vies et qui fait le plus de bien qu'elle peut autour d'elle. "Oh ça va ! Jposais juste une question !" Dis-tu en soupirant lourdement. Va-t-il comprendre qu'il commence à t'énerver ? Va-t-il te laisser travailler ? Des gens ont besoin de toi ici.


D'un coup, tu vois rouge. L'ennemi ? Il est sérieux là ? T'es vraiment une ennemie ? Tu ne dis rien mais n'en penses pas moins. Et puis d'un coup, tes larmes coulent le long de tes joues. Il te rappelle ce que tu as vécus avec elle. C'était beau, passionné. D'excellents souvenirs que tu ne veux jamais effacés de ta mémoire. Tu t'asseois sur l'une des chaises dans le couloir en passant tes mains sur ton visage. "J'ai essayé de l'en dissuader. De lui dire que la vie vaut le coup de se battre. Mais, j'ai l'impression de parler à un mur.. C'est dur aussi pour moi de la voir dans ce lit, tu crois quoi. T'es pas le seul à tenir à elle." Dis-tu sur un ton légèrement sec. En même temps, lui, il ne te parle pas gentiment. Alors pourquoi ferais-tu pareil ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité là. "Quoi ? Mais t'es vraiment un sale con de faire ça !!! Qui te dit que jtiens pas à elle ?? Je bosse ici tous les jours. Je vois des milliers de personnes qui souffrent. June, elle souffre peut-être pas mais franchement, ça te plairait d'être allongé toute la journée ?!!" Tu soupires encore. C'est toujours la même chose avec lui. La même conversation. Encore et encore.

J’ai essayé aussi et ça ne marche pas, ça ne lui retire pas cette idée de la tête et… Je me sens impuissant, démuni, je ne sais pas quoi faire. Tout ce qui me vient en tête, c’est… me défouler, rejeter la faute sur les autres, me rejeter la faute. Je m’assois sur la chaise à ses côtés, passe ma main sur mon visage et me calme aussitôt. La colère est toujours là, mais elle n’est pas dirigée contre la blonde, mais contre toutes ces personnes qui ont contribué au mal être de June. Mon frère. Ses potes. Ceux qui ont fait d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Les responsables de sa tentative de suicide. Ils ne lui ont pas demandé de le faire, mais ils lui ont tellement fait de mal qu’elle s’est sentie obligée d’en finir. June. « Je ne veux juste pas qu’elle parle. » Qu’elle m’abandonne. C’est l’une des rares personnes à me comprendre, à me connaître sur le bout des doigts, à me faire marrer, à ne pas me juger. Je ne veux pas que demain soit sans elle. Mon monde n’existe plus sans June. Je me raccroche à sa vie comme si je ne dépendais plus que de ça et j’ai l’impression que c’est le cas. Les souvenirs entre elle et moi ne me suffisent pas. On a vécu trop de choses pour que ça s’arrête en si bon chemin. Egoïstement, j’aimerais qu’elle supporte l’état dans lequel elle est. Pour moi. Mais je n’arrive pas à trouver les mots exacts pour la faire changer d’avis… Comme Maylee le dit si bien, c’est parler à un mur. Elle est tellement décidée. J’appuie mes coudes sur mes genoux, frotte mon visage avec mes mains pour me reprendre et je me lève. « Il faut que j’aille la voir. » dis-je, simplement, en m’engageant dans le couloir, sans regarder derrière moi. Oui c’est ça, j’ai besoin de la voir, de lui parler, de m’assurer qu’elle va bien, de lui parler, encore une fois, tenter de la faire changer d’avis, tenter de lui faire comprendre qu’on peut l’aider à retrouver son sourire, que ne pas s’alimenter, se laisser mourir, n’est pas une solution. Faut que je tente, que je ne baisse pas les bras. Je ne peux pas faire ça. June compte beaucoup trop pour que j’abandonne.