(Ariane) J'ai changé d'avis

Je n’arrive pas à croire que j’ai changé d’avis… Louise a eu raison de moi, elle et ses magouilles. Je me replonge tête baissée dans un sport que je souhaitais oublier, un sport qui m’a toujours passionné, un sport qui me rend fou dès que j’en entends parler et je vais entraîner des filles. Je peux encore faire marche arrière, envoyer un message à Ariane pour lui dire que c’est foutu, que je n’y arriverais finalement pas, que c’était stupide de ma part d’avoir songé, rien que ça. J’y pense sérieusement, m’arrête alors que j’entre dans la forêt d’Iraty, là où elles s’entrainent. C’est me rappeler qu’elles doivent se contenter d’un terrain minable pour jouer qui me fait reprendre ma marche. Je rêve. On ne leur accorde pas un stade, un bon terrain, parce qu’elles sont des filles, parce que leur équipe ne semble pas être officielle des autres, parce que les hommes ont pris toute la place. En tant que joueur, je me mets à leur place. Ne pas pouvoir être pris au sérieux, alors qu’il y a du potentiel dans le jeu, c’est juste… frustrant. Voilà. Avec ma réputation, je pourrais peut-être réserver au moins un petit terrain. Le nom Berroya est pris avec sérieux. Même à l’arrêt, les fans de rugby continuent de me regarder avec un petit sourire et ça me resserre le cœur. J’étais apprécié. Je peux jouer de ça pour les aider. J’arrive face à leur terrain improvisé, les regarde rejoindre le terrain. Elles viennent juste de débuter, ou alors elles viennent de reprendre l’entraînement après une pause, je n’en sais rien. « Tellier ! » crié-je, assez fort pour que la coach temporaire se tourne vers moi, qu’elle me voie. Je m’avance, alors qu’elle se met à l’écart. « Salut. » Je lui tends une feuille, mes horaires de la semaine. Il y a des soirs où je bosse à partir de 17 heures pour faire la nuit, d’autres fois où je termine à 18 heures. Tout dépend de si je fais la journée, ou la soirée, rares sont les fois où j’enchaîne les deux, mais ça peut arriver lorsqu’il y a des manques. Ce ne sont cependant pas mes horaires habituels. « Je ne peux pas faire autrement pour le moment. Je peux négocier, à condition d’avoir vos disponibilités à toutes, pour savoir comment je gère ça. » Je m’impose. Si elle souhaite m’avoir comme entraîneur, alors il va falloir qu’elle fasse avec les inconvénients. Je ne peux pas abandonner mon boulot, j’en ai bien trop besoin et les horaires de nuit sont bien payés. J’ai besoin de cet argent, je ne peux pas tout foutre en l’air pour le rugby, pas cette fois. « Si ça vous convient, on peut commencer dès maintenant. Toi et ton équipe, vous me montrez ce que vous savez faire, que je vois où vous en êtes, mais avant j’aimerais que tu m’expliques un peu. Il y a forcément des choses que je dois savoir. Où vous en êtes dans la saison, par exemple ? » Est-ce qu’elles sont inscrites ? On parle tellement peu d’elles. Ce sport est considéré comme étant un sport masculin, ce qui explique cela. « C’est ici votre terrain officiel ? » C’est la deuxième fois que je les vois ici, mais j’aimerais avoir confirmation. « Et ça, votre tenue ? » C’est uniforme. C’est elle qui a payé ?

« ALLER ! du nerfs les meufs, on se bouge le popotin putain, c'est pas comme ça qu'on va finir le championnat, j'vous le dis moi ! » que tu gueules sur le côté du terrain. encore un entraînement comme un autre finalement, tu es là au bord du terrain et tu essaies d'agiter tes petites troupes. tu essaies de jouer le rôle du coach comme tu peux. tu cries, tu fais de grands gestes et tu te démènes, c'est un bon échauffement. tu finis par rejoindre le terrain pour une séance avant de finalement déclarer une pause; elle dure cinq petites minutes, très brèves avant que vous vous relanciez dans l'entraînement. « Tellier ! » que tu entends derrière toi, tu te retournes, prête à entendre des insultes d'un type, parce que c'est souvent comme ça quand un mec se pointe, il vous insulte sauf que lorsque tu te retournes tu entrevois Judd Berroya. tu t'empresses de t'écarter du terrain alors qu'il arrive. « Salut. » tu n'as pas le temps de répondre qu'il te tend une feuille, tu la prends, la zieute rapidement.  « Je ne peux pas faire autrement pour le moment. Je peux négocier, à condition d’avoir vos disponibilités à toutes, pour savoir comment je gère ça. » « ok ok, c'est bon t'inquiète, on se pliera à ton emploi du temps, faut juste que je vois avec celle qui est maman pour voir ce qui l'arrange mais .. j'pense que c'est bon. »  tu relèves tes yeux brillants sur lui. sérieusement, il va vous aider ? t'aider ? « Si ça vous convient, on peut commencer dès maintenant. Toi et ton équipe, vous me montrez ce que vous savez faire, que je vois où vous en êtes, mais avant j’aimerais que tu m’expliques un peu. Il y a forcément des choses que je dois savoir. Où vous en êtes dans la saison, par exemple ? C’est ici votre terrain officiel ?  Et ça, votre tenue ? » tu souris, parce que tu es comme ça, tu ne peux pas t'empêcher de sourire même quand ça va mal, pour le coup, on ne sait jamais quand ça va mal.  « alors oui, on est dans le championnat régional en ce moment mais c'est bientôt la fin de la saison. on est pas mal classée, exactement 6ème sur les 15 équipes dans la course .. sinon euh oui, c'est notre terrain "officiel" c'est le seul auquel on a accès sans avoir à nous prostituer enfin façon de parler hein. et c'est bien notre maillot, je sais, ils ne sont pas géniaux, mais on s'est toute cotisée pour en avoir. au moins avoir des maillots unis tu vois. »  que tu l'informes en marchant vers les autres joueuses qui ne se sont pas arrêtées d'ailleurs.  « Les filles ! votre attention, je vous présente Judd Berroya, il est là pour voir de quoi on est capable alors donnez tout ce que vous pouvez. » que tu les motives simplement.  « observe bien ! » que tu souffles; vous faites rapidement deux équipes et le match se lance. toi, t'es toujours sur le côté, t'es l’ailière en même temps, ton talent c'est courir et ce n'est pas pour rien qu'on t'appelle la fusée.

« Sixième ? » Dans un classement de quinze équipes, c’est bien, d’autant plus quand je vois comment elles bossent là. Elles n’ont aucune bonne condition. « C’est pas mal… » dis-je, sérieusement. Mais elles peuvent faire mieux que ça, elles ont du potentiel. Je l’ai déjà remarqué la dernière fois que je suis passé par inadvertance. Je la suis jusqu’au terrain, en l’écoutant, observant les tenues qu’elles portent, qui suffisent pour le moment, mais il faudrait en changer. Ca, c’est mon job. Je croise les bras, sans un mot, me contente de toutes les observer lorsqu’elles posent leur regard sur moi. Certaines ont un large sourire, d’autres semblent plus dans la réserve, mais ce qui m’intéresse, c’est ce qu’elles valent sur le terrain. Je me positionne sur le côté du terrain et ne perds pas une miette de l’organisation, du poste de chacune. Tout au long, je repère certaines failles de quelques joueuses dont se sont sans doute servies les adversaires. Il va falloir que je me procure les vidéos des matchs, que je regarde en détail et pas seulement sur une séance d’entraînement. Elles sont douées. Elles savent ce qu’elles ont à faire. Le travail d’équipe est là et il n’y en a pas une seule mis de côté. Je ne sais pas ce que je suis en train de faire là… Je ne sais même pas pourquoi je suis là, simplement. Je ne souhaitais pas l’admettre, mais ça me manque. Je pensais pouvoir passer à autre chose, faire avec ma jambe, mais c’était me mentir. Je suis trop passionné, j’aime bien trop le rugby pour être constamment sur la touche et quelque part, c’est une façon de se tenir au courant et de rester dans le jeu que d’être l’entraîneur de ces filles. Je bouge pendant qu’elles jouent afin de regarder le match sous différents angles. Et quand tout se termine, quand le dernier essai est marqué, je m’avance en milieu de terrain. « Bien… Je suis Judd Berroya, votre nouvel entraîneur. Ariane, je te destitue de ton poste, concentre-toi sur le jeu, maintenant. » Les règles, c’est maintenant moi qui les donne. « S’il y a des interrogations sur ma façon de faire, posez-les. Je suis exigeant, perfectionniste, je n’ai pas ma langue dans ma poche et si j’ai envie de vous dire merde, je le ferai, mais je ne mords pas. » commencé-je, pour bien faire comprendre que je ne suis pas leur pote, mais plutôt quelqu’un qui pourra les épauler si elles ont besoin. Je désigne le pied d’une joueuse dont je ne connais pas encore le prénom. « Tu as la cheville fragile. Tu as dû te faire mal ces derniers jours et en forçant trop, tu risques d’aggraver le problème. Prends rendez-vous chez ton médecin. En attendant, je ne veux plus te voir sur le terrain, pas pour jouer. Il y a des remplaçantes ? » enchaîné-je, en posant maintenant mon regard sur toutes les autres. Je vais mettre un peu de temps à me rappeler de chaque prénom, mais ça va finir par rentrer, à force de les fréquenter.

« Sixième ? C’est pas mal… » pas mal oui, mais ça ne te convient vraiment pas toi, tu sais que vous pourriez être tellement plus, tellement plus haut, plus loin, tu le sais parfaitement, il faudrait juste faire un petit peu plus d'efforts. pas grand chose, vous avez du potentiel d'ailleurs il temps de lui montrer. il s'approche du terrain et te laisses parler pour prévenir tout le monde. vous vous séparez en deux équipes et c'est parti. aucun ménagement, elles t'écoutent et donnent tout ce qu'elles ont. tu te démènes également. ça te fait du bien d'être juste sur le terrain, de ne pas regarder ce qu'elles font même si déformation professionnelle, tu ne peux pas t'empêcher de regarder, d'observer au cas où. le dernier essai est marqué et Judd s'approche maintenant de vous. vous vous mettez toutes autour de lui, prêtes à l'écouter quand il prend la parole. « Bien… Je suis Judd Berroya, votre nouvel entraîneur. Ariane, je te destitue de ton poste, concentre-toi sur le jeu, maintenant. » tu souris, un putain d'immense sourire. il ne pouvait pas te faire plus plaisir. ça y est ? pour de vrai ? tu es en train de devenir une vraie joueuse ? seulement une joueuse ? tu pourrais presque lui sauter au cou amis tu sais qu'il ne sera pas vraiment pour alors tu te retiens. « S’il y a des interrogations sur ma façon de faire, posez-les. Je suis exigeant, perfectionniste, je n’ai pas ma langue dans ma poche et si j’ai envie de vous dire merde, je le ferai, mais je ne mords pas. Tu as la cheville fragile. Tu as dû te faire mal ces derniers jours et en forçant trop, tu risques d’aggraver le problème. Prends rendez-vous chez ton médecin. En attendant, je ne veux plus te voir sur le terrain, pas pour jouer. Il y a des remplaçantes ? » c'est direct, c'est franc et t'aimes ça toi. tu t'avances un peu, t'es un la porte parole de l'équipe, tu sais tout sur tout. « pas assez, mais il y en a bien une pour remplacer son porte. on n'est suffisamment de joueuses pour jouer et tenir trois remplacements, tout au plus. »  que tu l'informes finalement. il les congédie pour qu'elles aillent boire, puis c'est la fin de l'entraînement. il distribue ses coordonnées à tout le monde, il finit par venir vers toi pendant que tu souris, encore et encore. « merci ... vraiment merci .. tu nous sauves, tu me sauves, si tu as besoin de quoique ce soit, surtout n'hésite pas. n'importe quand. »  tu lui dois beaucoup.

Tout le monde est parti. Les filles ne sont plus autour de moi, sauf une. Je me sens… Je ne sais pas comment je me sens. Exténué, voilà. Je vais avoir besoin de voir Ariel ce soir, ou peut-être bien passer voir Sebastian pour me changer les idées, mais je vais avoir besoin de me changer les idées. Etre là, face à des joueuses de rugby, ça me ramène à… avant. Au temps où je jouais moi-même, à des souvenirs géniaux, douloureux aussi. C’est beaucoup. « Je t’en prie. Il va y avoir beaucoup à faire, je ne te le cache pas. » Pas seulement pour le jeu. Elles ont du potentiel, les débuts sont très très loin. Mais pour le reste. « Trois remplacements, ce n’est pas assez. Quand il y a des petits accidents comme la cheville de ton amie, c’est bon d’en avoir un peu plus. Je prends ça en charge. » Alors… C’est fait ? Berroya est de nouveau confronté au rugby. « Concentre-toi sur le jeu, c’est le plus important. Evite de trop regarder autour, ça suffira pour me remercier. » Mais je n’hésiterai pas si j’ai un renseignement à lui demander. Je vais avoir besoin d’Ariane pour le commencement, pour les informations à savoir. Sinon j’irai directement aux sources. Maintenant que les joueuses ont mes coordonnées, elles pourront tout aussi bien me tenir informé de ce qu’elles voudront. « Cela dit, rends-moi un service. N’insiste plus jamais comme tu l’as fait. Ca me prend carrément la tête. Si t’as un truc à me demander, fais-le une fois. Plus tu insistes, plus ça me donne envie de te casser la tête. » De refuser, de ne pas lui donner ce qu’elle veut. J’ai appris à mes dépends qu’on n’avait pas toujours ce qu’on souhaitait, alors je ne suis pas du genre à tendre un bonbon à un gamin qui pleure pour en obtenir un, mais plutôt à le bouffer sous ses yeux.

« Je t’en prie. Il va y avoir beaucoup à faire, je ne te le cache pas. Trois remplacements, ce n’est pas assez. Quand il y a des petits accidents comme la cheville de ton amie, c’est bon d’en avoir un peu plus. Je prends ça en charge. Concentre-toi sur le jeu, c’est le plus important. Evite de trop regarder autour, ça suffira pour me remercier. » tu souris, comme une conne, parce que t'arrives pas à te rendre compte que tu vas réellement avoir ce que tu veux, que tu vas réellement pouvoir jouer sans te prendre la tête, c'est ça finalement, tu vas jouer, tu vas passer ton temps à jouer et tu ne vas plus te demander si elle court assez vite, si l'autre à bien placé ses mains sur le ballon, non, tout ça, ce ne sont plus tes affaires et quel bonheur. t'as presque envie de fêter ça oui, mais avec qui ? t'en sais trop rien ...« Cela dit, rends-moi un service. N’insiste plus jamais comme tu l’as fait. Ca me prend carrément la tête. Si t’as un truc à me demander, fais-le une fois. Plus tu insistes, plus ça me donne envie de te casser la tête. » et toi, tu continues de sourire, tu ris même. rien ne pourra agresser ta bonne humeur, c'est foutu, t'es trop contente là, même ses mots qui pourraient s'avérer blessants. non, même ça, ça ne t'atteint pas. « si ça c'était insisté pour toi bah ... désolée de te l'apprendre mais je suis bien pire que ça normalement. t'as eu d'la chance, crois-moi. »  et sur ces mots, tu t'en vas au sautillant, comme si tu étais toute heureuse, toute contente. tu t'en vas, tu files, vers tes affaires pour t'en aller.