nouveau colocataire ? (Numaris)

tes yeux s'ouvrent doucement. la luminosité te chatouille, doucement, puis finit par t'agresser, violemment. tu essaies de les ouvrir, rapidement, ça t'arrache les pupilles, ça te fait atrocement mal mais tu t'éveilles petit à petit. ta vision devient un peu moins trouble, tu entrevois les choses, petit à petit. tu vois un mur blanc, tu vois entièrement blanc et tu te souviens où tu es. tu es entrée, ce matin, à l'hôpital. tu es entrée pour te faire opérer et maintenant tu es là. immédiatement tu paniques, tu te relèves de ton lit, tu bouges et une atroce douleur vient t'envahir. tu te laisses porter par cette douleur qui te met KO. tu tombes immédiatement, tu t'effondre là, dans le lit, tu reviendras certainement plus tard oui. alors oui, tu te rendors, tu sombres pour quelques heures supplémentaires.

tu ouvres finalement tes yeux, une nouvelle fois, plus rapidement mais la douleur est toujours présente. toujours là, à t'assaillir. tu relèves ta tête et tu tombes nez à nez avec un type qui est là, lui aussi dans son lit d'hôpital. tu l'observes un instant avant que tes yeux ne viennent se perdre sur cette couverture qui te recouvre. tu regardes tes jambes et ça y est, tu as un haut le coeur. tu regardes la couverture qui ne forme qu'une seule jambe. tu retiens tes larmes, tu retiens un cri de couleur. tu n'oses pas relever la couverture, ça ne sert à rien, tu vois très bien là, qu'ils n'ont rien pu faire, tu vois très bien là, qu'ils ont du t'amputer; t'as envie de vomir, t'as envie de mourir, là maintenant. tu remets ta tête contre l'oreiller. tu n'arrives pas à t'en rendre compte, tu as mal, mais ce n'est pas la douleur habituelle, non, ce n'est pas celle de ta jambe mais plutôt de celle qui manque. c'est atroce. « ce n'est pas possible .. non .. putain » que tu t'exclames. qu'est-ce que tu vas devenir maintenant ? qu'est-ce que tu vas faire ? t'en sais rien, tu sais plus rien, tu veux juste rester dans ce lit et ne plus bouger. tu ne peux plus bouger de toute manière. tu es réduis à ce lit.

@Aramis d'Albon

t'avais finis par venir. t'avais finis par te décider à te bouger le cul. t'avais finis par accepter d'aller à l'hosto. t'avais finis par te dire que c'était la meilleure solution, de toutes manières. qu'au moins, t'en serais sûr. que tu serais pas hypocondriaque, mais vraiment malade. alors ils t'avaient attribués une chambre, histoire de te laisser te reposer. t'étais censé passer un certain temps ici. quelques jours. semaines, peut-être. mais toi, t’espérais pouvoir partir vite, très vite. t'aimais pas cette odeur de malade, cette odeur de renfermé, cette odeur, trop douce. toi, c'que t'aimais, c'était l'odeur de la ville. l'odeur de ta chambre. l'odeur de l'herbe. l'odeur de la clope. mais ici, tu pourrais pas. et puis, au pire, tu t'en foutais. ils seraient pas sans arrêt avec toi pour te surveiller. t'auras bien un moment de répit pour te fumer ton bédo tranquillement. enfin, ça, si et seulement si ça ne dérangeait pas ton voisin de chambre, encore endormit. l'infirmière qui t'avais installé t'avais dit qu'il venait de se faire opérer. amputer, plus précisément. que tu serais sans doutes la première personne qu'il verrait. t'avais écouté d'une seule oreille, tu voulais pas qu'elle pense que tu t'intéressait à ça. parce que c'est pas vrai, tu t'en fou, t'es qu'un sale égoïste qui pense qu'à te barrer de cette prison blanche. alors c'est sûr que tu t'en tapais, de ton voisin de chambre amputé. alors, quand elle te laisse enfin tranquille dans cette chambre, tu te lèves. tu rejoins ton sac, ton manteau, tes affaires, quoi. sur une chaise, juste à côté de ton lit. t'en a pris, oui, t'en es sûr et certain. tu t'en est préparé, au cas où. à moins que tu les ai oublié dans ta chambre... merde. merde, merde, merde. t'avais pas tes joints. ceux que t'avais fait spécialement pour l'occasion. ouais, parce qu'être à l'hosto, ça se fête. tu donne un coup de pied au fauteuil avant de te plier en deux pour attraper ton pied. ah ouais, t'es pied nu, aussi. t'aurais dû y penser. fragile, va. alors t'ouvres ton sac. ton téléphone. jude s'était racheté un téléphone, enfin ! t'avais plus besoin de passer par maïa, pour lui envoyer des messages. c'était gênant, parfois, vu vos discussions à tous les deux. t'avais l'impression qu'elle les voyait avant même que jude ne les voit. et t'utilisais des mots différents, pour parler de ta maladie. parce qu'elle était pas censée être au courant, sauf si jude lui avait dit. ce que t’espérais vraiment pas. alors tu lui envois un message, sur son nouveau numéro. numéro que t'avais finit par apprendre par coeur, parce que t'avais eu la flemme de le chercher, quand tu voulais l'appeler. quand tu te retournes, t'entends quelqu'un qui s'agite, à côté de toi. enfin, dans le lit à côté du tien, plutôt. ah, l'unijambiste s'est réveillé ? et vu la tête qu'il tire, il doit être sous le choc. il fixe la partie du lit qui devrait être occupée par sa jambe, disparue. si t'étais pas cool, t'aurais sourit. mais tu restes blasé, et tu le regarde, en même temps que tu retournes à ton propre lit. « ce n'est pas possible .. non .. putain » tu clignes des yeux. t'es presque atteint. c'est sûr, que toi, tu préfères mourir plutôt que de perdre une jambe. quoique, t'es trop peureux pour faire rien que du vélo, alors j'ai envie de dire... mais j'suis pas censé dire grand chose, en fait. juste c'que tu fais. alors j'm'en occupe. bref, passons cette passade. toi, perdre une jambe, ça t'aurais rien fait. mais avant, quand t'étais ado, tu t'en servais, de tes jambes. pour faire du sport, pour courir, pour t'éclater. mais t'oublies petit à petit cette période, ton cerveau, ton esprit, ils enfouissent cette période. parce que ça te fait mal. peut-être même autant que perdre une jambe doit faire mal à ton nouveau colocataire. « si tu veux être sûr que c'est pas un cauchemars, mec, je peux te pincer. » t'es con. t'aurais peut-être pas dû dire ça. mais t'es une merde pour prendre contact avec les gens. t'es devenu tellement insociable que tu sais plus comment faire. et puis, de toutes manières, t'as plus trop envie de te faire des potes, si c'est pour qu'ils se sentent abandonnés quand tu te barreras pour de bon.

T'aimerais juste disparaître, c'est ça, t'aimerais partir, t'en aller. finalement, pourquoi est-ce que tu n'as pas gardé cette putain de douleur plutôt ? pourquoi est-ce que tu as accepté cette opération. tu regrettes, amèrement, tu n'aurais jamais du accepter, non jamais. sauf que là, maintenant, c'est trop tard de regretter, ça ne sert plus à rien, vraiment plus, tu as perdu ta jambe. elle n'est plus là. tu n'oses même pas retirer ce drap et regarder ce qu'il en est, non, tu ne le feras pas, tu ne peux pas, c'est au dessus de tes formes. alors tu lèves un de tes bras qui vient se perdre contre ton visage. c'est pas possible. tu viens d'être amputer, et t'es là, tout seul, t'as prévenu personne et tu regretterais presque de ne pas avoir tes amis à ton réveil. ne pas avoir ta famille là. tu penses à Mino, Alessia, Mathilda, Ade, tu penses à Simon, Sacha, Marlow, tu penses à eux et tu te demandes ce qu'ils vont te dire. ils vont t'en vouloir, c'est certain. non et puis, tu ne veux pas les voir, tu ne veux pas leur imposer ça, surtout pas non. « si tu veux être sûr que c'est pas un cauchemars, mec, je peux te pincer. » tu relèves ta tête et tu croises les yeux d'un type. tu remarques finalement sa présence, tu remarques qu'il y a un autre lit, certainement le sien. tu l'observes un instant sans réaliser que tu le fixes. tu fixes sa jambe, ses jambes. si tu pouvais tu te lèverais pour lui arracher la sienne, mais c'est impossible, tu le sais bien. tu le regardes, encore et encore. « mec, sérieusement, viens pas me faire chier. » pourquoi ? qu'est-ce que tu vas faire l'éclopé ? tu ne peux rien faire, tu le sais, t'étais déjà pas un violent à la base, mais là, t'as encore un peu plus réduit ton champ d'action, tu le sais bien. tu t'en veux déjà de lui avoir parler de la sorte. tu aimerais t'excuser mais ça ne vient pas, plus rien de vient, t'as juste envie de fermer les yeux et partir. fermer les yeux et t'endormir à jamais. t'aimerais juste rester seul, t'aimerais que tout le monde te laisse seul. « qu'est-ce que tu fais là au juste ? ils n'ont pas assez de chambres dans ce putain d'hôpital ? »

ouais, p'tit con. t'aurais pas dû dire ça. t'as vu la tronche de l'autre, dans le lit d'en face ? super, cette manière de te faire des potes. toujours aussi sociable, le aramis. bravos, vraiment, tu mérites d'être applaudit, là. il te dévisage, il dévisage tes jambes, toi tu fais pas trop gaffe, au point où t'en es, tu lui donnerais bien tes jambes, parce que tu fous tellement rien avec, qu'autant que ça profite à un autre. mais avec les technologies de maintenant, ils font des trucs sympa. pour les sportifs, pour pas que ça se remarque, pour avoir les mêmes habitudes qu'avant, pour pas se modifier à cause de ça. mais avant, faut déjà que les patients acceptent qu'ils n'ont plus de jambe, et qu'ils vont devoir en avoir des artificielles s'ils veulent être comme avant, ou presque, entre autre. « mec, sérieusement, viens pas me faire chier. » tu fais une moue, tu rentres tes lèvres, tu les fait se rejoindre, tu te mord la langue... il avait bien répondu. agressif comme il faut, avec toi. parce que de toutes manières, t'es un connard qui réfléchit pas au mal qu'il peut faire aux autres. et quand tu réfléchis, bah tu les abandonnes, c'est simple. tu réponds pas à ton nouveau voisin de lit, tu vois pas quoi dire, si ce n'est une autre saloperie pour que ça se passe mal. mais au final, tu sais pas combien de temps tu vas rester dans cette chambre à la con, combien de temps tu vas voir ces infirmières idiotes et combien de temps tu vas devoir faire face au médecin et à son sourire désolé. alors tu préfères autant apprécier un gars avec qui tu vas peut-être passer pas mal de temps. puis il est mignon, et même si t'as lys, même si y'a que lui, bah, c'est un plus, d'avoir un voisin mignon. alors si vous passez votre temps à vous lancer des piques et à vous engueuler, ça sert à rien. « qu'est-ce que tu fais là au juste ? ils n'ont pas assez de chambres dans ce putain d'hôpital ? » tu souris. ouais, c'était exactement ce que t'avais penser. c'est un grand hôpital, pourtant. ils pourraient vous mettre dans des chambres séparées. l'intimité, tout ça. fin bon, peut-être qu'ils ont voulu te faire chier parce que t'as été infecte avec les nanas en blouse blanche. bonne vengeance, bravos les gars. ça va te faire réfléchir à ton comportement, un peu. et te rendre plus sympa, peut-être, accessoirement. « j'viens profiter de la bonne bouffe de l'hôpital c'est plus cher à l’extérieur. » t'es un imbécile. « et j'pense qu'ils avaient envie de me punir, parce que j'ai pas été cool avec eux. t'as fais quoi toi pour qu'ils te foutent avec un enculé comme moi ? » t'arques un sourcil, tu le regardes dans les yeux, tu vois qu'il est pas bien, tu vois que n'avoir plus qu'une seule jambe, ça lui fait un truc, et c'est pas un truc joyeux.

tu détestes tout le monde, tu le sens déjà, que tu détestes tout le monde, que tu te perds dans ce nouveau cercle vicieux, celui que tu as connu il y a un an, celui qui t'a fait perdre beaucoup d'amis, celui qui a blessé ton entourage. tu sens que tu deviens haineux, exécrable, tu sens tout ça, malgré tout et tu te perds dedans. t'as pas envie de redevenir ce mec, tu ne veux pas le devenir, pour ceux qui croient en toi, comme Sacha et pourtant t'es là, à répondre à ce type qui n'a rien demandé au final. « j'viens profiter de la bonne bouffe de l'hôpital c'est plus cher à l’extérieur. » en temps normal, tu aurais souri peut-être même que tu aurais esquisser un petit rire, t'en sais rien, mais là, t'en as plus envie. t'as pas envie de sourire, parce qu'il n'y a plus rien qui va alors tu ne souris pas, tu restes là, le regard vague, ne sachant pas quoi lui répondre. « et j'pense qu'ils avaient envie de me punir, parce que j'ai pas été cool avec eux. t'as fais quoi toi pour qu'ils te foutent avec un enculé comme moi ? » qu'il réplique finalement, tu le regardes, tu le fixes un instant. alors il se rend compte qu'il n'est pas forcément une personne appréciable ? c'est ce que tu comprends toi, mais est-ce que tu fais bien de comprendre ça? t'en sais trop rien alors tu finis par remettre ta tête dans l'oreiller peu confortable, tu fermes tes yeux, un instant, quelques secondes. « possible que je les aies insulté dans la salle de réveil, un truc du genre. j'en sais rien. t'es pas tomber sur le meilleur coloc'. j'sais pas si je dois déjà m'excuser d'avance. » tu dis finalement, les yeux fermés. t'es là allongé sur ce lit d'hôpital tellement peu confortable, t'es là, inerte. on pourrait presque penser que t'es endormi, que t'es serein, mais il n'en est rien, t'es pas serein, t'es même perdu, paumé. t'en veux au monde entier mais là, t'as à l'air d'être zen. tu bouillonnes au fond de toi, d'autant que tu ne peux aller nulle part. t'es coincé.

ton nouveau pote -on peut vraiment l'appeler comme ton pote ? j'pense pas qu'il t'apprécie vraiment, alors non, peut-être pas- réagit pas. il reste neutre. bon, tant pis. au pire, tu fais pas ça pour le faire sourire. pour le faire rire. tu fais ça pour rien dire explicitement. qu'est-ce que tu peux bien foutre à l'hosto, hein ? t'aurais même pas dû venir. t'aurais pu rester à la coloc', t'aurais été mieux qu'ici. mais t'avais promis à jude que tu viendrais, à un moment où à un autre. alors t'avais tenu ta promesse. première promesse que tu tiens, d'ailleurs. mais le regard de ton nouveau voisin, il te fixe. il t'observe. et toi, tu soutiens le regard. bon, bien sûr, tu restes pas bien longtemps à le soutenir, parce qu'au fond, tu tiens jamais ce genre de défis de regards, toi. alors quand tu détournes la tête, tu tombes sur ton téléphone, sur ta table de chevet. allumé, affichant un nouveau message. c'est jude. tu le lira après. jude t'en voudra pas. « possible que je les aies insulté dans la salle de réveil, un truc du genre. j'en sais rien. t'es pas tomber sur le meilleur coloc'. j'sais pas si je dois déjà m'excuser d'avance. » t'esquisses un sourire, contrairement à lui. lui, il ferme les yeux et il repose sa tête sur le gros oreiller trop blanc de l'hôpital. et après, on te demande pourquoi t'aimes pas le blanc. parce que trop de blanc, c'est trop de blanc. t'as fais une overdose de blanc, quand t'es venu ici, y'a un an. alors maintenant, le blanc, ça te fout les boules. « bien joué mec. » tu dis, souriant d'un côté. « puis t'excuses pas, moi j'le ferais pa...» tu dis ensuite, en même temps qu'une nana entre dans la chambre. c'est celle qui t'avait fait la prise de sang, c'est celle qui devait faire les examens, y'a quelques heures, quand t'es arrivé, avant qu'on t'installe ici. tu déglutis. « re-bonjour, monsieur d'albon. nous avons les résultats de vos prises de sang, et...» elle fait une pause, elle fait une grimace. toi tu sais que ça veut pas dire que c'est bon, tu vas pouvoir partir, que t'es venu pour rien. tu sais que justement, c'est pas bon. « il se trouve que votre état à bien empiré. le VIH à prit le dessus, vous êtes bien dans la mauvaise phase du virus. » ça, tu le savais. c'que tu veux savoir, c'est combien de temps tu vas rester dans les couloirs de la mort, autant au sens littéral que figuré. tu veux savoir exactement. mais tu dis rien. tu poses pas de questions. elle te regardes du coin de l’œil, elle regarde ton dossier. « je ne sais pas si vous en avez conscience, et je suis désolée de vous l'apprendre, mais il ne vous reste que quelques années. généralement, c'est un maximum de trois ans. mais cela peut se réduire à quelques mois... heureusement nous avons des antibiotiques, qui ne peuvent pas arrêter le virus, mais qui peuvent faire passer la douleur, faire passer les symptômes. nous allons vous en donner, le temps de votre repos à l'hôpital. puis vous pourrez en acheter, sous commande au laboratoire de l'hôpital. » d'accord, d'accord. tu t'en tape des antibiotiques. tu veux savoir combien de temps tu vas rester alité, à devoir fumer que quand y'a personne dans les couloirs, si et seulement si ton nouveau colocataire ne te dénonce pas, parce que t'as pas vraiment été cool pour l'instant, avec lui. « vous avez des personnes à appeler ? de la famille, des amis, qui pourraient vous rendre vi...» elle continue, mais tu la coupe. « personne. sauf un ami, mais s'il vient, je vous le dirait. je peux savoir combien de temps je vais encore devoir rester dans ce trou à rat ?» t'es clair, t'es sec. elle te regarde, les yeux ronds. elle jette un coup d'oeil à ton dossier. toi tu la quittes pas du regard, tu la fusilles, même. « i-il se trouve que vous devrez encore rester une, peut-être deux semaines. selon votre état, nous vous diront quand vous pourrez repartir.» tu souffles. « je vais vous laisser, maintenant, si vous avez besoin de quoi que ce soit...» « au revoir.» elle recule, elle baisse les yeux, elle baisse la tête, puis elle la relève, et elle part. une jeune, une nouvelle dans le métier, sans doutes. quand elle est sortie, tu grinces entre tes dents « salope.» puis tu fermes les yeux, t'avais presque oublié ton voisin de lit, puis là, pour le coup, pour pas vouloir que quiconque apprenne vraiment c'que t'avais... c'était raté. entre un gars qu'à plus qu'une jambe et l'autre qui va crever, cette chambre, c'est la joie.

il est bizarre et en même temps, qui n'est pas étrange entre ces murs. t'imagines bien qu'il n'est pas là pour une partie de plaisir lui non plus, alors tu fermes tes yeux tout en l'écoutant, sagement. finalement tu restes là, sans bouger, quand la porte s'ouvre. tu penses que c'est pour toi d'abord, mais tu ne veux voir personne alors tu restes inerte, avec un peu de chance, on ne te dérangera pas, on ne s'occupera pas de toi alors tu ne bouges pas, surtout pas non. mais ce n'est pas pour toi, c'est pour ton nouveau colocataire. elle lui parle, s'exprime et petit à petit tu comprends ce qu'elle dit, tu comprends tout ce qu'elle dit. il est malade le petit, il est gravement malade, il est même mourant. tu pourrais presque avoir de la peine pour lui. tu t'en veux, de lui avoir parlé de la sorte. tu restes sans broncher, sans rien dire, tu ne bouges pas, jusqu'à ce qu'elle dégage, jusqu'à ce qu'il l'insulte. il ne restera pas longtemps dans cette chambre, quelques semaines, tout au plus, alors que toi, tu vas y rester de long mois, mais toi, tu survivras, alors que lui, non. tu ouvres finalement tes yeux. « elles sont toutes complètement connes. » que tu commentes finalement, tu vas pas lui parler de sa maladie, non, tu ne vas pas en parler, s'il est comme toi, kil ne voudra pas en parler alors tu gardes sagement le silence, quelques instants. « tu penses que si je fais semblant de dormir à chaque fois, ils m'oublieront simplement ? tu crois que si quelqu'un veut s'occuper de moi, tu pourras les virer ? genre, comme tu l'as fait avec l'autre là ? ça m'arrangerait, puis t'es pas mal doué dans la matière, je te fais confiance. » tu ne veux pas faire ami-ami, tu veux juste ne pas obtenir un ennemi, tu n'as pas besoin de ça. ce type, c'est la seule personne qui est au courant pour toi, c'est la seule personne qui sait que tu as été amputée.

ton colocataire avait fermé les yeux. comme s'il dormait. toi ça te foutait un peu les boules, parce que t'aimais pas parler seul. mais d'un côté, qu'il s'en tape, ça te faisait du bien aussi. tu serais pas le seul à te foutre de ce qu'il se passe entre ces murs. les malades d'à côté, les cris des femmes qui perdent leur mari, les pleurs des enfants, qui naissent, ou même qui perdent quelqu'un... le truc, c'est que l'hôpital, ça te fait prendre conscience du nombre de problème qu'il y a dans le monde. les accidents, de voiture, de bus, de train. les guerres de gang, entres gamins. les accidents du travail, les accidents de loisir. puis les maladies, incurables ou qui peuvent se soigner. puis les hosto, ça te fait penser à adélie. quand tes parents étaient sûrs qu'elle était encore en vie, qu'ils l'ont amené à l'hôpital de paris. toi tu savais qu'elle était morte, mais tu pouvais pas le dire, tu pouvais pas parler. et t'écoutais tout ce qu'il se passait. tout comme tout à l'heure, quand t'es arrivé, quand t'étais dans la salle d'attente. puis y'a cette infirmière qui débarque et qui te dit tout ce que tu sais déjà. qui pense que t'es sympa, mais qui s'attend pas à ce que tu la rembarre. puis quand elle part, y'a ton insulte. et ton colocataire qui relève la tête. « elles sont toutes complètement connes. » t'esquisses un sourire. il commençait à te plaire, ce gars. pas dans le sens sentimental, non, toi, t'avais lys, toi, t'aimais lys. mais son caractère. il t'avait pas laissé, toi et ton humour noir. il t'avais craché dessus, tout comme tu l'aurais fait. et t'aimais bien. alors t'acquiesces à sa remarque. pendant quelques instants, personne ne dit rien. mais c'est pas plus mal. puis il continue. et toi, tu l'écoutes. « tu penses que si je fais semblant de dormir à chaque fois, ils m'oublieront simplement ? tu crois que si quelqu'un veut s'occuper de moi, tu pourras les virer ? genre, comme tu l'as fait avec l'autre là ? ça m'arrangerait, puis t'es pas mal doué dans la matière, je te fais confiance. » tu réfléchis quelques instants. t'imagines les scènes. t'imagines des gens venir lui rendre visite. tu t'imagines les rembarrer, les faire fuir. puis t'imagines leurs tronches. et ça te fait sourire. « j'pense que ça marche comme quand on est gosse et qu'on veut jouer à la console le soir, quand on fait semblant de dormir, quand les parents débarquent. ça peut marcher. puis quand les infirmières débarquent, j'les vire tout le temps, alors j'pense que c'est possible, ouais. » t'appuies ta tête sur son oreiller, tu regardes le plafond. là, tout de suite, t'as besoin d'un joint. mais jude est pas arrivé, jude va sûrement t'engueuler, parce que tu lui avais promis que t'arrêtais. mais jude te connaît, alors c'est pas si surprenant que ça. « ça te dérange, que je fume des joints, de temps en temps ? enfin, si mon pote veut bien me les amener et ça c'est pas gagné. mais genre, s'il arrive, tu m'balancera ?» tu devais être sûr, parce qu'on sait jamais. au pire, s'il te dit qu'il te balancera, pas tant pis, tu fumera quand même, et ils te vireront de l'hosto, ou te changeront de piaule, le premier te dérangera pas, le second non plus, même si ton voisin de lit est pas de si mauvaise compagnie que ça, au final.

tu faisais souvent ça, quand tu étais petit. ouais, tu faisais semblant de dormir, le temps que la mama elle passe te voir, elle passe tous vous voir, toi et ton frère, et tes soeurs. tu attendais qu'elle passe, qu'elle voit que tu dormes, puis tu te relevais, aussi simplement et tu filais dans la salle de jeu pour jouer à la console. à la play surtout, tu jouais une bonne partie de la nuit et le matin tu te retrouvais crevé. t'as fais ça de longues années jusqu'à ce que ta mère le découvrir. là, tu as souffert ouais, tu en as pris pour ton grade et tu n'as jamais plus recommencé. mais là, tu t'en fiches, tu vas le faire avec les infirmières, tu vas faire semblant de dormir et peut-être que tu échapperas à leurs recommandations, à leurs soins et tout ce qui va avec. tu t'en fiches, t'en veux pas des soins toi, tu veux juste qu'on te laisse tranquille, en paix, tout seul, t'en demande pas tant que ça. « ça te dérange, que je fume des joints, de temps en temps ? enfin, si mon pote veut bien me les amener et ça c'est pas gagné. mais genre, s'il arrive, tu m'balancera ? » qu'il demande finalement, et tu ouvres tes yeux cette fois, tu tournes ton regard vers lui. comment pourras-tu le balancer ? sérieusement ? « tu fais ce que tu veux mec. c'est pas mes affaires, j'irai pas balancer ou quoique ce soit. » tu lui dis finalement en le regardant, avant de détourner finalement le regard. « donc t'inquiète, j'dirai absolument rien. surtout si tu partages un peu, tu vois. »

il te regarde avec une certaine incompréhension. t'es un peu con, aussi, de demander ça, cash comme ça. t'aurais pu être plus subtil, mais bon. c'est pas non plus comme si tu lui demandais s'il était puceau. même si, s'il t'étais arrivé de te poser la question, tu lui aurais demandé. « tu fais ce que tu veux mec. c'est pas mes affaires, j'irai pas balancer ou quoique ce soit. » t'acquiesce en même temps que tu te lèves pour aller regarder par la fenêtre. c'que t'as envie d'te barrer, c'que t'as envie de partir loin et de vivre tes dernières années sans te poser de question. mais t'as beau être égoïste, t'as aussi peur de la solitude. et si tu te barres, t'auras personne. « donc t'inquiète, j'dirai absolument rien. surtout si tu partages un peu, tu vois. » tu tournes la tête vers lui, un sourcil arqué, un sourire mesquin sur le visage. alors comme ça l'unijambiste voulait fumer aussi ? est-ce que ça fait un truc sur les membres amputés, la fumée et les drogues ? genre ça les infecte ? tu te poses rapidement la question, mais au final, c'est pas ton problème : c'est le sien. alors s'il lui arrive un truc, bah tu diras qu'il a insisté. bon, il a pas insisté, mais il a proposé, c'est pareil, ou plutôt, c'est pas totalement un mensonge, hein ? « ouais, j't'en ferais profiter aussi, ça fait pas de mal un joint de temps en temps. puis si les infirmières font chier, on va leur en passer. ça va les calmer. » tu plisses les yeux en regardant de nouveau dehors, belle journée de printemps, faut dire. puis tu te retournes et tu t’assois sur le fauteuil à côté de ton lit. t'aimes pas être dans un lit d'hôpital. ça pu de malade. « c'est glauque de rester enfermer ici quand il fait beau. » c'est pas souvent que tu parles pour rien dire, mais là, c'est carrément un miracle de t'entendre parler autant pour ne rien dire d’intéressant. l'air de l'hôpital ?

« ouais, j't'en ferais profiter aussi, ça fait pas de mal un joint de temps en temps. puis si les infirmières font chier, on va leur en passer. ça va les calmer. » qu'il dit en se déplaçant, t'es presque jaloux de ce type, puis tu te rappelle que lui, il va mourir, tandis que toi, tu vas continuer à vivre malgré tout. alors tu chasses cette jalousie tellement mal placée sans pour autant détourner ton regard alors qu'il se déplace dans la pièce pour finalement s'asseoir dans un de ces fauteuils prévus pour la visite; t'en veux pas, toi, de la visite, tu veux rester seul, si seulement c'était possible; tu sais que tu ne pourras pas le cacher éternellement. tu le sais bien. tu as pouvoir le faire pendant une semaine, après, ça deviendra de plus en plus compliqué. tu ne réponds pas, tu ne sais pas quoi répondre, alors tu gardes le silence, simplement. « c'est glauque de rester enfermer ici quand il fait beau. » qu'il commente finalement ... et putain mais qu'est-ce qu'il a raison. qu'est-ce que t'aimerais sortir d'ici, t'aimerais te lever et aller courir par exemple, t'aimerais te retrouver à la plage avec ta planche et oublier tout. tout oublier et surfer, mais ça ne se reproduira plus jamais, tu le sais bien, c'est fichu maintenant, t'es un éclopée tu ne pourras plus jamais refaire ça. « j'te le fais pas dire. j'donnerai beaucoup pour pouvoir sortir de ce putain de lit. » tu commentes, hargneusement à ton tour avant de te remettre correctement dans ton lit, tu grimaces devant la douleur qui t'intercepte. t'as mal, t'as mal autant psychologiquement que physiquement. c'est atroce. « du coup, tu vas pas rester dans cette chambre longtemps ... j'me demande s'ils vont me refiler quelqu'un quand tu partiras . » parce que tu sais toi, que tu en as pour des mois encore, à rester dans ce lit trop étroit, trop blanc, à sentir cette odeur désagréable de la maladie.

quand tu parles tu te rend pas compte. quand tu parles tu réfléchis pas. en vrai, toi, t'as rien perdu. lui, il a perdu sa jambe. en vrai, toi, tu peux te balader dans cette foutue chambre que tu détestes et contre laquelle tu pestes depuis que t'es arrivé, alors que ça doit même pas faire une heure que t'es installé. lui, il peut même pas se lever, ou alors si, il peut, mais ça doit lui faire une putain de nostalgie, ça doit putain de lui serrer le coeur. alors ouais, tu réfléchis pas à tes merdes, tu parles juste, sans penser à c'que ça fait aux autres, et tu te rend pas compte qu'à ton nouveau colocataire, ça doit lui faire un truc. « j'te le fais pas dire. j'donnerai beaucoup pour pouvoir sortir de ce putain de lit. » tu grognes dans ton coin, tu grognes pour toi même, c'est même pas sûr que le gars -dont tu connais pas le nom, en fait- t'ai entendu. et tant mieux, s'il t'a pas entendu, parce qu'il pourrait penser que tu te plains encore, que tu fais encore la victime. oh, c'est toi ça, de faire la victime, de faire le martyr. totalement. alors au final, peut-être que tu t'en tape, ce qu'on pense de toi. ce qu'un gars, que tu connais à peine et que tu reverras sans doutes jamais après ce séjour à l'hosto, peut penser de toi. au final ouais, t'es un p'tit con qui parle sans réfléchir, parce que ce gars là, il peut pas bouger de son lit, toi si, et t'as parlé, t'as causé sans réfléchir. ça t'apprendra à parler, tiens. « du coup, tu vas pas rester dans cette chambre longtemps ... j'me demande s'ils vont me refiler quelqu'un quand tu partiras . » tu fronces les sourcils, tu regardes ce gars, qu'à l'air mal, qu'à l'air de souffrir. ce gars qui veut la visite de personne, qu'à sans doutes de la famille, mais comme toi, veut recevoir personne dans cette chambre à la con. et tu te demande si en quelques semaines vous allez devenir potes ou plus pouvoir vous saquer. s'il sera content que tu te barre ou si au contraire il va un peu te regretter-ouais, toi on peut jamais totalement te regretter, ou ce serait être taré-. « j'en sais rien, p'tet bien qu'ils vont te filer quelqu'un. mais la clé pour être tranquille, c'est d'être infecte. avec les infirmières comme les voisins de chambre. comme ça, soit ils te changeront d'endroit eux même, soit c'est le nouveau qui va vouloir se barrer. » t'avais déjà eu affaire à un truc du genre. t'avais déjà passé, quelques jours, à l'hosto, y'a un an, quand ils ont décelés le virus dans ton corps. alors tu savais. t'avais fait ça. t'avait été tranquille. t'aurais pu faire pareil, demander à bouger, ou être un vrai salopard avec ce gars, même si tu l'avais un peu été, au début, quand il s'est réveillé. mais nan, tu l'avais pas fait.

« j'en sais rien, p'tet bien qu'ils vont te filer quelqu'un. mais la clé pour être tranquille, c'est d'être infecte. avec les infirmières comme les voisins de chambre. comme ça, soit ils te changeront d'endroit eux même, soit c'est le nouveau qui va vouloir se barrer. » tu pouffes de rire et finalement quelque part, ça te fait énormément de bien de rire un peu, de te laisser aller. pour une fois. « ok, je prends note des instructions, ça me servira peut-être quand tu sortiras de ce trou. » tu lui lances, sagement, tu finis par te perdre dans la vision du plafond, il est beau ce plafond non ? non, pas vraiment non mais tu vas devoir t'y habituer parce que tu sais très bien que tu vas le voir pendant un long moment encore, que tu risques de ne jamais voir grand chose de plus. peut-être que si finalement, tu verras aussi ce putain de mur en face de toi, oui, ce mur trop blanc, trop sec, trop .. trop tout. tout est horrible, tout est moche. t'entends une infirmière qui arrive, t'as pas le temps de faire semblant de dormir qu'elle te capte et s'approche. tu sens la défaire arriver, tu tournes le regard, en mode vénère. « ne me touchez pas ! » que tu hurles presque, et devant ta petite folie, devant ton ton, elle prend peur la garce, elle prend peur de tes réactions et enfile déjà une aiguille dans ta perfusion. t'as pas le temps de réagir que tu sens déjà ton corps devenir lourd, trop lourd, tellement lourd. tu te laisses bercer sans avoir tellement le choix, tu sens que tu vas tomber, que tu vas t'endormir, t'entends pas la suite, t'entends pas ce qu'il se passe non, tu fermes juste tes yeux, sagement, trop peut-être. c'est plus fort que toi. alors c'est ça, d'être drogué ?

au moins, t'as réussis à le faire rire. bon, certes, c'était pas l'effet désiré, mais c'est déjà ça. en vrai, tu sais même pas c'que tu voulais que ça fasse, ce conseil. alors rire, c'est bien. alors rire, tu le fais aussi. ça va pas te tuer, de rire un peu. puis ce gars, il sait pas quelle genre de tête d'épingle t'es, quelle genre de tête d'enterrement tu tires, tous les jour, au quotidien. et il le saura jamais. c'est ça qu'est bien. ce gars, tu le reverras jamais, après ces quelques semaines. il était un inconnu, il restera un inconnu. c'est peut-être pour ça que vous vous êtes pas demandés comment vous vous appelez. peut-etre parce que vous avez pas envie d'avoir à revoir l'autre après ça. un prénom, c'est comme si ça voulait dire que vous allez vous revoir, que vous allez vous connaître, que vous êtes potes. peut-être que vous avez pas besoin de potes, juste d'une personne qui vous connais pas, qui sait rien, et qui sera juste là, pour une petite partie de cette année, pas ordinaire pour aucune de vous. il te dit qu'il va s'en rappeler, que quand tu partiras, ça pourra lui servir. ouais, il a raison de garder là, ça sert toujours ce genre de trucs, ça sert toujours, les feintes de connard. il se repose sur son lit, et toi tu fais pareil, sur ton canapé. t'es mieux là que tu le lit. t'es mieux assis qu'allongé. parce que t'as l'impression, quand t'es allongé dans un lit d'hopital, que c'est la fin. alors que non. elle l'a dit, il te reste six mois à trois ans, à vivre. alors tu mourras pas tout de suite. tu fermes les yeux quelques instants, toi aussi. tu te reposes. ça fait des plombes que tu t'es pas reposé. mais c'est les mauvaises secondes. c'est les secondes où y'a une salope qui entre dans votre chambre. sans toquer, sans rien. elle va vers ton voisin. et lui il hurle. lui il hurle qu'elle ne doit pas le toucher. toi c'est à ce moment là que tu rouvres les yeux, que tu relèves la tête, que tu te relèves tout entier. mais c'est trop tard, parce que tu vois qu'elle a enfoncé une seringue dans la perfusion. et tu sais ce que ça veut dire. tu sais qu'il va dormir. tu sais que cette salope à pas fait ce qu'il fallait. débutante ou pas, elle avait pas à être ici. elle l'avait surpris. et toi tu commences à la regarder, l'air menaçant. « putain mais t'es qui toi ? qu'est-ce que t'as foutus ? t'as pas compris, ça veut dire quoi, de ne pas toucher ?» tu t'approches, tu la domine de ta taille, t'es plutôt grand. t'es grand mais sec comme jamais. pourtant, là, maintenant, tu peux faire peur. « monsieur, calmez -vous, allez vous coucher, ce n'est rien de grave.» t'hausse les sourcils, mais tu continues de gueuler. « rien de grave, vraiment ? tu lui a enfilé une putain de dose de je sais pas quoi pour qu'il dorme et qu'il te laisse tranquille, merde. t'as pas à faire ça, lui aussi il voulait être tranquille, et pas se faire emmerder par une autre salope dans ton genre.» t'es crû, c'est pas bien, tu devrais pas. mais ce genre de truc, tu supportes pas. tu supportes pas qu'on t'impose quelque chose, qu'on t'impose de dormir, qu'on t'impose de manger, qu'on t'impose de vivre. alors si il avait pas envie qu'on le touche, elle avait qu'à pas lui imposer. c'était comme ça. « monsieur calmez-vous, il reviendra à lui, il devenait violent... » « violent mon cul ouais, violent comme moi je vais devenir, oui !» tu t'approches plus d'elle, elle recule. puis tu penses que si tu fais ça, tu vas te faire virer de la chambre. tu vas peut-être même quitter l'hôpital. et ce gars, là, il sera tout seul, ou avec quelqu'un, de pire que toi, genre quelqu'un de gentil, quelqu'un qui voudra parler et qui sourira tout le temps, quelqu'un qui posera des questions et qui verra la vie en rose. alors tu sers les poings, mais tu dis rien, tu fais rien, tu recules, et tu vas vers ton lit, dans lequel tu rentres. « s'cusez moi... » tu marmonnes. t'as pas l'habitude de te ranger, mais y'a pas plus insupportable que les gens positifs.