Last breath ? (LOUTTIE)

T'es devant la porte depuis une bonne vingtaine de minutes. Immobile, comme une statue, incapable de bouger. C'est Ariane qui t'a prévenu qu'elle était là, et immédiatement t'as voulu y aller. Mais il était trop tard, les visites étaient terminées, tu t'es promis de revenir à la première heure demain, en espérant qu'il ne soit pas trop tard. Ta nuit a été longue. Tu n'as pas dormi, t'as essayé, mais tu pensais beaucoup trop pour pouvoir fermer l'oeil. Alors t'as allumé la télévision, tu ne regardais même pas l'écran. T'es allé te promener, près de la plage, dans les petites ruelles de la ville, mais jamais, Mattie n'a quitté tes pensées. Elle était là, présente, à chacun de tes pas, à chacune de tes respirations. T'as pas réussi à dormir, parce que t'avais bien trop peur que ce soit trop tard, et que demain, quand tu iras la voir, elle ne sera plus de ce monde. Et ça te fait mal, cette pensée, ça brûle tout ton être. Tu voudrais faire tellement pour elle, tellement avec elle. Tu sais pas quoi dire, comment réagir, tu veux pas la brusquer, mais là, tu sens que t'as pas le choix. Tu feras tout, absolument tout pour elle, pour qu'elle comprenne, pour qu'elle t'écoute. T'as toujours vu ta propre maladie comme un calvaire, comme un enfer et une malédiction. Pour la première fois de ta vie, tu la vois autrement, presque comme une bénédiction, parce que sans elle, tu ne pourrais pas dire ces choses que tu vas dire à Mattie. Ta maladie t'a forgé, et elle t'a ouvert les yeux sur le monde. Ce monde qui ne serait plus le même sans Mattie, qui deviendrait trop vaste pour toi et inconfortable. Tu inspires. Tu expires. Tu toques doucement, et tu ouvres la porte. Tu t'attendais à la voir comme ça, mais pour autant, le choc est présent. T'entends ton nom soufflé, et ça te fait chaud au coeur. Toute ta vie, tu veux l'entendre t'appeler, tu veux pas que ce soit la dernière fois. Tu refermes la porte derrière toi et tu t'avances. "C'est un cadeau d'un de mes patients, ça m'a fait pensé à toi." Et sans attendre, tu lui tends une peinture. Le soleil et la femme qui s'assemblent, qui ne font plus qu'un, dans une lumière éblouissante et immortelle. C'est comme ça, que tu l'imagines Mattie, c'est comme ça qu'elle fait. Femme soleil qui réchauffe ton coeur de son sourire.

T’es heureuse de le voir. Tu ne pensais pas qu’il viendrait. Tu ne sais pas pourquoi, tu ne t’y attendais pas. Il faut dire que tu ne remarques que rarement l’impact que tu as sur les gens Mattie. Sur la coloc, mais également sur n’importe qu’elle personne qui croise ta route. Tu es si pleine de vie, que ta bonne humeur est follement communicative. C’était du moins le cas jusqu’à aujourd’hui. Ta lumière s’est éteinte, pauvre, pauvre Mattie. Et tu sembles maintenant si misérable dans ce monde trop vaste pour toi. Tu tends le bras pour attraper le tableau. Tu as maigris. Ça fait des mois que tu maigris sans t’en rendre compte, et c’est pourtant flagrant aujourd’hui. Tu te mords la lèvre, te forces à continuer de sourire, mais y’a comme un faux contact dans tes yeux bleus, comme si ton cœur n’était plus allumé. Tu passes tes doigts sur la peinture. Elle est belle, et tu as soudainement envie de pleurer. Parce que c’est comme ça qu’il te voit, toi, petit soleil en perdition. « C’est beau. » que tu dis dans un sanglot. Tu baisses les yeux, tu ne veux pas le regarder. Tu ne sais pas quoi lui dire, à Loup. Lui qui côtoie la mort tellement plus souvent que toi. « Ariane t’a prévenu ? » tu lui demandes, toujours si bas, comme si tu avais peur de ta propre voix. « Tu n’aurais pas dû venir…Pas pour me voir comme ça… » Tu te mords la lèvre, et finalement, tu relèves la tête pour te perdre dans son regard chocolat. Brulant de vie. Tu poses la tête contre l’oreiller. Tu ne dis plus rien, tes yeux oscillent entre ce tableau, si beau, et lui, tout autant. Finalement, après un instant, tu prends la parole de nouveau. « Dis, tu prendras soin d’elle ? Elle semble forte, mais c’est encore un petit oiseau fragile, elle virevolte mais ne sait pas se poser. Elle aura besoin de toi. »

C'est pas comme d'habitude, là, entre vous. C'est plus les sourires, c'est plus les rires et le coeur qui éclate. C'est clame, presque trop silencieux, comme si la faucheuse était déjà là, et qu'elle vous épiait du coin de la pièce. Y'a plus de lumière dans tes yeux, ni dans les siens. Tu te sens si vide, en la voyant comme ça. Elle a maigri, ça se voit rapidement. Elle est frêle, et t'aimes pas ça, tu supportes pas de la voir comme ça. T'aimerais fait quelque chose, tu sais pas quoi. Tu pouvais pas ne pas venir. Tu sais pas si ça lui fait plaisir, si elle aurait préféré ne pas te revoir. T'es qui après tout dans sa vie, à part un nouveau venu dans la colocation ? Tu représentes peut-être pas pour elle, ce qu'elle représente pour toi. Cette idée te brise un peu. "Bien sûr que je suis venu." Tu dis doucement, toi aussi. Comment t'aurais pu aller travailler ce matin, sans être passé ? Ta vie peut pas reprendre son cours normale si Mattie est ici, c'est juste impossible, c'est juste impensable. Et alors, elle te parle d'Ariane. Elle est tellement aimante Mattie, elle peut pas s'en aller aussi tôt, aussi facilement. Tu sais pas quoi répondre sur le coup, parce que ce qu'elle est en train de dire, ça signifie beaucoup trop. Ca signifie qu'elle ne se battra pas, comme Ariane a pu le dire. Ca signifie aussi qu'elle te fait confiance, et ça te touche. "Dis pas ça Mattie ... Elle aura pas besoin de moi, si t'es là, tu sais, si elle t'a toi, elle aura pas besoin de m'avoir moi." T'as beaucoup de mal à parler, t'es trop sous le coup de l'émotion. T'es là devant elle stoïque, mais il y a ton coeur qui saigne.

Tu le regardes fixement maintenant, t’essaies de trouver, dans ses yeux, de la pitié. Il pourrait être venu juste pour bien faire. Mais non, tu vois que s’il est là, c’est parce qu’il en a envie. Alors tu te redresses dans le lit, t’appuyant contre les oreillers inconfortables du lit, libérant ainsi de la place près de toi, petite poupée de chiffon, dans un trop grand lit. Tu tapotes la place, pour qu’il s’y asseye. Tu sais par expérience que les chaises, ici, sont dures comme tu bois. « Merci. » Tu dis simplement, et ça suffit. Parce qu’aujourd’hui, tu n’as pas la force de t’extasier sur sa venue, comme tu l’aurais fait il y a encore dix jours. Tu espères qu’il comprendra. Non, tu sais qu’il comprendra. C’est Loup, après tout. Tu te mords la lèvre quand il parle d’Ariane, et tu baisses les yeux. Tu croises les bras sur ta poitrine, tu te fermes quelque peu. T’aurais dû t’en douter. A coup sûr, c’est Ariane qui l’envoie pour te convaincre de te faire opérer. T’es déçue, un peu. Tu ne comprends pas pourquoi personne n’acceptes ta décision. Qui n’en est pas réellement une, tu n’as pas le choix, c’est comme ça. « Loup, arêtes. Tu sais, ils ont tous défilé dans ma chambre en disant qu’il fallait que je me fasse opérer. Mais c’est trop tard maintenant. »

Elle te remercie, et ça te suffit, parce qu'elle comprend que si tu es là, si tu es venu, c'est par envie, pas par obligation. T'es heureux qu'elle le comprenne, tu voulais pas qu'elle en doute, pas un seul instant. Elle se redresse et te fait une place à côté d'elle sur le lit. Sans atteindre, tu t'assoies à ses côtés. Tu te rapproches un peu d'elle, et tu la sens encore plus frêle que quand tu étais debout. Un court instant, t'as l'impression de te revoir, il y a quelques années, dans le même état. Toi aussi t'avais perdu beaucoup de poids, avec les opérations, et les chimiothérapies, en plus de la maladie elle-même, tu mangeais plus beaucoup, et le peu que tu pouvais avaler, tu finissais par le vomir. C'était une des pires périodes de ta vie, parce que tu n'avais aucun contrôle sur toi, sur ton propre corps. Tu te sentais inutile, plus que jamais, et tu détestais ça. Si on ne peut même plus contrôler son corps, comment est-ce qu'on pourrait contrôler sa vie ? Heureusement, pour toi, c'est du passé, mais pas pour Mattie. Tu l'entends et tu l'écoutes. Mieux que personne ne pourra jamais le faire, tu la comprends. Tu sais que t'es sur une pente raide, et que tu risques de tomber, mais tu sais aussi que t'as pas le choix, que c'est maintenant, ou jamais. Tu t'en voudrais de la laisser-là, sur cette fin, sans lui avoir parler de toi. "J'étais comme toi tu sais, il y a quelques années ..." Elle connait pas ton histoire Mattie. Dans la colocation, il n'y a qu'Ariane qui sait. Mattie sait brièvement que t'as pas eu une vie facile, mais c'est tout. C'est le moment de t'ouvrir à elle, tu le sens. "Jamais je ne te forcerai à faire ce que tu n'as pas envie de faire Mattie, mais est-ce que tu veux bien écouter ce que j'ai à te dire ? Je respecterai ton choix final, c'est une promesse." T'aimes pas parler de ta vie, des soucis que tu as eu, mais avec elle c'est différent. Elle a besoin de t'entendre, elle a besoin de comprendre. Comprendre que l'espoir, il est toujours présent.

Tu regardes le plafond. Parce que c’est trop dur de le regarder, lui. Y’a ta respiration qui devient sifflante, ça risque de lui faire peur, de le faire fuir. Toi, t’as l’habitude maintenant. Ça t’arrive régulièrement. Si au début tu étais effrayé, c’est la routine pour toi. Comme le fait d’avoir de la peine, lorsque tu te redresse, tant tes muscles sont faibles ou inexistants. C’est ton fardeau, et tout tes amis, qui viennent te voir pour te demander de te battre, ils ne peuvent pas comprendre qu’à t’a façon, tu le fais déjà, mais que c’est trop dur, vraiment trop dur. Respirer, garder les yeux ouverts ou parler, toutes ces choses si banales, de son si difficiles. C’est pour ça que tu as arrêté de manger, et que n’es nourris que grâce à un de ces tuyaux. Tu le laisses s’installer près de toi. T’es agacée, tu pensais que lui ne te dirais rien. Et pourtant, pourtant il est comme tous les autres. Ta curiosité est cependant piqué parce qu’il te dit, Loup. Il dit avoir été comme toi. Bornée ? T’as envie de savoir ce qu’il dire, mais en même temps, tu n’es pas sûr de pouvoir écouter un nouveau sermon. Alors tu croises les bras sur ta poitrine, et tu fais la moue. « Vas-y » que tu dis. « Je t’écoutes, pour le moment. » Tu rajoutes cependant, parce que s’il commence avec ces « tu n’as pas le droit de nous laisser » tu vas très vite faire la sourde oreille.

Tu vois qu'elle ne veut pas vraiment t'écouter. Tu vois que ça la fatigue, les gens qui viennent, qui lui disent de se battre, que la vie c'est un cadeau et qu'elle ne peut pas partir sans avoir essayé. Mieux que de le voir, tu la comprends. La maladie est fatigante, mais on est submergé par tout ce qui nous entoure, tous ceux qui nous entourent. Tu veux pas être la énième personne à lui faire une leçon de moral, alors que t'as la vie devant toi. Tu veux être celle qui lui montrera qu'elle n'est pas seule au monde, à vivre ça, ou à l'avoir vécu. Que c'est normal de vouloir baisser les bras, et que c'est légitime de déclarer forfait. Plus que tout, tu veux aussi être celui qui lui prouvera que l'espoir peut être conservé, malgré tout. "J'avais quinze ans quand on m'a diagnostiqué un sarcome d'Ewing. C'est une sorte de cancer des os qui touche surtout les enfants et jeunes adultes." Ca y est, c'est dit, c'est commencé, impossible de faire marche arrière maintenant, tu dois te lancer, entièrement. "J'étais jeune, et je pensais avoir la vie devant moi, et d'un coup ça m'est tombé dessus. D'un coup j'étais malade, je voyais plus souvent l'hôpital que ma maison. J'ai enchaîné les opérations, les chimio, mais rien n'a marché. J'avais quinze ans seulement, et quelque chose en moi s'est brisé, parce que j'avais perdu l'espoir, j'avais pas de raison d'en avoir, vu mon état." Tu marques une pause pour la regarder dans les yeux, et voir si elle t'écoute. Tu reprends rapidement. "J'avais dix-huit quand j'ai décidé que c'était trop. J'ai dit stop, aux traitements, à la tristesse. Si je devais mourir, autant le faire ailleurs qu'à moitié inconscient sur un lit d'hôpital." Tu sais que Mattie est dans cette phase là. Elle t'a été libératrice, avant que tu te rends compte de tout ce que tu pouvais perdre, qu'il y avait plus à vivre que quelques années, quelques mois, quelques semaines. "Et puis, quand j'avais pris ma décision, il y a eu, cet accid-" Sous le coup de l'émotion, ta voix se brise. T'as toujours du mal à parler de ta mère, de sa mort, et ça sera sûrement toujours le cas. Tu l'aimais tellement, et jamais elle ne verra l'homme que t'es devenu. Tu te racles la gorge, en regardant tes mains. Tu veux pas croiser le regard de Mattie, pas qu'elle te voit comme ça, aussi détruit. Tu dois reprendre ce que tu disais, pour elle, pour toi.

La tête sur l’oreiller, la mine boudeuse, tu ne le regardes pas. Tu veux lui montrer que son petit discours t’ennuie. Tu n’as pas besoin de ses paroles réconfortantes, de ses ‘il faut se battre, tu ne peux pas nous laisser, soit forte.’ Tu en as suffisamment entendue et c’est trop tard, de toute manière, non ? Tu vas mourir, qu’il soit d’accord ou non. Et pourtant, il commence à parler. Et pourtant, tu ne t’y attendais pas, à ça. C’est le choc, il t’étonnera toujours, Loup. Il te parle de son histoire, de sa maladie, de son cancer. C’est la première fois que tu rencontres quelqu’un qui l’a vécu. Il y a bien sûr eu tous ces médecins, qui s’y sont confronté, et puis tes proches, qui ont connu quelqu’un qui avait le cancer, mais jamais personne d’aussi près, personne n’avait jamais pu comprendre exactement ce que tu ressens à cette instant. Cette douleur qui te mord le cœur, te force à tout abandonné, même la vie, toi qui l’aimais tant, toi qui prenais plaisir à la goûter, à la découvrir un peu plus chaque jour. Tu bois ses paroles, à Loup. Tu le regardes maintenant. Tu as pris sa main dans la tienne, parce que c’est important qu’il sache que son discours n’entre pas dans l’oreille d’un sourd. Tu sais que c’est dur, de parler de son combat, tu as du mal, toi, quand tu expliques à Oli ou à Ariane les raisons de ton non-acharnement. Tu souris, parce que qu’à quelques mots près, c’est exactement ce que tu répètes encore et encore. ‘Je ne veux pas mourir au fond d’un lit d’hôpital, je ne veux pas qu’on me voit dépérir. ‘ C’est vrai, t’aimerais tellement, Mattie, partir d’un coup, comme ça, mais ne pas montrer tes faiblesses à ceux que tu aimes. C’est trop tard, tu es à l’hôpital, pâle, maigre, vilaine, malade. Tu attends, t’aimerais qu’il continue. Accident, c’est le mot sur lequel il butte, tu t’en doutes. Alors tu te redresses, et tu le regardes dans les yeux, même s’il fuit les tiens. Tu ne dis rien. Tu attends, simplement.

Ta gorge est devenue étrangement sèche, comme si tu parlais depuis des heures sans t'arrêter. Tes mains sont un peu moites et froides, mais elles se réchauffent vite une fois emprisonnées dans celles de Mattie. Tu sais qu'elle n'a pas envie d'entendre ça. Tu sais qu'elle en marre des leçons de morale et de l'incompréhension générale. Elle est pas égoïste Mattie, elle est courageuse même, de vouloir tout arrêter maintenant plutôt que de souffrir encore et encore. Toi, tu l'as comprends, du plus profond de ton être. Les mots sortent, les sentiments refont surface. T'es là, en train de raconter ta vie, de parler de tes épreuves. Cela fait longtemps maintenant, que tu n'as plus raconté en détails cette histoire. C'est ton passé, ça sera toujours là, mais t'es passé à autre chose maintenant, et tu ne veux pas y revenir, pas si ce n'est pas nécessaire. Mais là, ça l'est, alors tu t'ouvres, tu parles, tu t'exprimes. C'est tout ce que t'as pour elle, ton histoire. "Ma mère est morte, un accident." Tu avoues finalement après quelques secondes. Ton ton est à nouveau plus sérieux, ton courage est revenu. "Et là j'ai vu, là j'ai compris. Mon père, mes frères et soeurs, et moi, on était anéanti. On ne s rend pas vraiment compte de l'impact d'une mort tant qu'on ne l'a vit pas. C'est moi qui aurais dû mourir, à cause de ma maladie, on le savait tous, et pourtant, elle est partie la première." Tu te souviens encore des visages graves de ta famille, comme un nuage de souffrance et de désillusion qui planait sur vous. C'était une époque difficile, plus encore que la maladie. "J'ai aussi compris que si je mourrais aussi, mes proches ne le supporteraient pas. On ne vit pas que pour nous, on vit aussi pour ceux qui nous entourent, et ça je l'ai compris à ce moment. J'ai pris un traitement expérimental, et je m'en suis sorti, parce que je savais que j'avais plus à offrir au monde que ça." Tu relèves finalement la tête, et tu soutiens le regard de Mattie. Elle est autant émue que toi. Elle t'a écouté, tout le long. Elle a serré plus fort l'emprise de vos mains à quelques moments. "Jamais je ne te jugerai, peu importe ton choix, mais toi aussi, tu as plus à offrir au monde." Tu murmures alors, en serrant à ton tour ses mains, comme si tu ne voulais jamais les lâcher.

Spoiler:

Il se confie à toi, Loup. Vraiment. Tu le sais, tu le sens, et ça te fait chaud au cœur. Parce qu’il a assez confiance en toi pour te dire ces choses, que surement peut de personnes savent. Tu te sens importante pour lui, ça te flatte. Tu ne comprends pas, en même temps, après tout, tu le connais à peine, Loup, depuis si peu de temps, et pourtant, pourtant il est important pour toi aujourd’hui, pourtant, ces mots vont te percuter plus que n’importe lesquels. C’est peut-être ça qu’il te fallait, finalement, Mattie. Parce qu’Oli et Ariane sont trop proches de toi, alors c’est difficile de les écouter. Mais là, là tu bois les paroles de Loup, suspendue à ses lèvres, sa main dans les tiennes. Tu ne t’y attendais pas. Il a perdu sa mère. Tu vois dans ses yeux à quel point ça a dû être dur pour lui. Tes parents sont des enflures, mais tu sais que lui, il est très famille, alors perdre sa maman…tu ne veux pas imaginer, c’est comme si tu perdrais Oli, ou Ariane, ça te serait tellement douloureux. Ses paroles te frappent en pleins cœur, parce que tu t’imagines vivre sans Ariane ou sans ton frère, et tu n’y arrives simplement pas. Pourtant, petite égoïste que tu es, tu leur demandes de sourire, malgré ta maladie. Tu comprends, à travers les mots de Loup, que ce n’est pas toi qui souffre le plus, dans cette maladie. Car une fois morte, tu es partie, les autres, eux, restent, souffre, survive. Il finit par te dire que tu es importante, c’est comme ça que tu le comprends en tout cas. Il te regarde maintenant dans les yeux, et il peut y voir les larmes, menaçant de couler sur tes joues pâles. Tu pleures car il t’a émue, tu pleures parce qu’il a appuyé là où ça fait mal. Ton corps bascule en avant, lentement, et tu viens t’appuyer contre son épaule, malgré les tuyaux. Tu murmures, dans un sanglot, ce que tu n’avais peut être jamais dit jusque-là. « J’ai peur Loup, j’ai tellement peur… »