nanopabulophobie {r. auxence}

Invité

Drôle de journée. C'était étonnant comme les journées se suivaient et ne se ressemblaient pas. Hier, Gabin avait eu des rendez-vous "normaux". Enfin, normaux pour un psy, quoi. Un ancien drogué, une jeune fille avec des troubles alimentaires et un homme de soixante ans qui n'accepte pas de vieille. Routine. Banalité. La journée avait vite été pliée. Aujourd'hui, il y avait cette atmosphère étrange dans son cabinet. Quelque chose d'inhabituel, d'un peu brut et loufoque. Comme si Gabin lui-même s'apprêtait à perdre la boule. L'entretien qu'il était en train de réaliser n'avait rien de banal. La femme d'une quarantaine d'année qui était assise face à lui avait l'air tout droit sortie d'un livre d'Harry Potter. On aurait dit le Pr. Trelawney, les lunettes en moins. C'était donc très difficile pour Gabin de rester concentré sur ce qu'elle disait. Le jeune psychologue se passa la main dans sa barbe et tenta de reformuler ce qu'elle venait de dire. Une grande partie de son boulot constituait en cette simple chose : reformuler. « Donc, si j'ai tout compris, vous angoissez à l'idée qu'un canard puisse vous regarder. » La femme hocha la tête pour affirmer. En cet instant, Gabin vivait un énorme moment de solitude. Jamais ses profs de l'université ne l'avait formé à ce type de phobie. C'était tout simplement déroutant. Le reste du rendez-vous se déroula de la même façon qu'il avait commencé, donnant l'impression à Gabin d'exercer le métier le plus étrange du monde. La femme, à première vue rassurée par le psychologue, s'en alla régler la consultation au secrétariat, laissant le temps à Gabin de regarder rapidement le nom de son futur patient. Le trentenaire rentra dans la salle d'attente et appela : « Monsieur Bauer ? C'est à vous. » A première vue, le jeune homme qui se leva avait l'air moins décalé que sa précédente patiente. Gabin osa espérer que le rendez-vous serait plus banal et plus dans son domaine de compétence. C'était sans savoir que ce patient allait lui réserver bon nombre de surprises.

Voilà, sous les ordres de quelques personnes, j'avais été obligé d'aller voir le psychologue. Pour sa phobie. Des nains de jardins. « Monsieur Bauer ? C'est à vous. » Le psychologue avait visiblement la trentaine, par là, et affichait un air plutôt apaisant. « Bonjour ! » lançai-je. Tout naturellement, il me répondit et je m'assis dans le fauteuil. Je pris le temps de détailler les lieux. le bureau était clair et donnait sur le centre ville. Il y avait une armoire en bois et un bureau assorti, bien rangé. Des crayons dans un pot reposaient et l'ordinateur était en veille. Avant moi, il y avait une dame, et malgré moi, j'avais entendu quelques bribes de la conversation. La dame avait peur des canards, ou un truc dans le genre. J'étais assis près de la porte, alors forcément, j'étais au courant. Je n'en dirais rien. L'homme, le docteur Descartes, était en face de moi, et moi en face de lui. Première pensée: le duel allait pouvoir débuter. J'avoue qu'à ce moment précis, j'étais un peu gêné en présence de cet homme, qui, ma foi, allait tout savoir sur ma grande peur. Allait-il me rire au nez ? Allait-il trouver que je suis peureux pour un rien ? Non, non, sûrement pas, son métier était d'aider les gens, pas les... les, comment... les persécuter ! Tout allait bien. J'étais mort de peur, mais... ça allait. Je sentais quelques gouttes de sueur perler sur mon cou. C'est à ce moment que je me rendis compte que j'avais chaud. Bon, j'enlevai ma veste, la posa sur le dossier de mon fauteuil et me retourna. C'est alors que je le vis. Oui, oui ! Il était là. Il me fixait de ses yeux... ses yeux bleus ou marrons... Avec son petit bonnet, son râteau ! Il était... il me regardait ! Sans crier gare, je me mis à hurler dans le bureau, troublant le calme de la pièce. « AU SECOURS, A L'AIDE ! AAHH ! » Je ne maîtrisai plus la situation, le Nain m'avait suivi ! Etais-je fou ? Ne l'étais-je pas ? Non ! Il me regardait, toujours, avec ses yeux... de vrais yeux ? Non ! Non ! Il... il m'avait... non ! Je me recroquevillait sur le fauteuil, me faisait tout petit. Je ne voyais pas le docteur, ce qu'il faisait, j'avais simplement peur. Peur de Lui. Non, non, pas le docteur. Du Nain. Nanopabulophobie aigue. Dès que je vois un semblant de nain de jardin, je crie. J'étais toujours sur mon fauteuil, position fœtale et j'attendais. Quoi ? Je ne savais pas, j'avais juste trop peur. Peur de Lui, de cet être maléfique qui me haïssait.

Nains en vue:

Invité

Le jeune homme que Gabin venait de faire entrer dans le bureau semblait plutôt fébrile. Sans doute inquiet de sa première consultation. C'était souvent comme ça. Le métier de psychologue était mal perçu. Et surtout, très anxiogène. La plupart des gens ne venaient pas voir Gabin de leur plein gré. Beaucoup avaient été conseillés par des proches, par des collègues,... Et pour la plupart d'entre eux, ils n'avaient qu'une trouille : que le diagnostic "FOU" ne leur soit assigné. Une seule vérité : les vrais fous ne le savent pas. Si tu penses que tout va bien, que tu ne te poses jamais de questions sur ta santé mentale alors... il est peut-être là, le vrai problème. Ceux qui cherchent des solutions sont déjà sauvés d'avance. Quelque peu perdu dans ses pensées, Gabin attrape une feuille pour commencer le suivi de son nouveau patient. Après l'avoir salué, il laissa le jeune homme s'installer. Il enleva donc sa veste et... se mit à hurler. Littéralement. Si bien qu'il put voir sa secrétaire passer la tête par la fenêtre pour savoir si tout allait bien. Gabin lui fit les gros yeux pour qu'elle arrête de surveiller ses consultations. Quelle vieille harpie curieuse, celle-ci. En l'espace de dix secondes, Gabin tenta d'analyser la situation. Y avait-il eu un élément déclencheur à ces soudains cris ? Ou bien était-il en plein épisode psychotique ? Difficile à déterminer. Derrière le jeune homme, il y a le coin enfant, et sur la table, il n'y a que des puzzles et le livre Blanche Neige et les sept nains. Apparemment, rien de très angoissant. Le garçon était désormais en position fœtale, recroquevillé sur sa chaise. Gabin se leva de sa chaise et se dirigea vers Auxence, car c'est ainsi qu'il s'appelait. D'un geste doux, il osa poser une main sur l'épaule de son patient tout en prononçant quelques mots : « Mr. Bauer... Je ne sais pas ce qui vous a fait peur mais... Vous êtes en sécurité ici. Vous n'avez rien à craindre. » Les mots du psychologue se voulaient rassurants. Il tenta de capter le regard de son jeune patient pour lui faire un sourire et lui montrer qu'il était là pour le protéger et trouver des solutions avec lui. « Il y a-t-il quelque chose qui vous fait peur dans mon bureau ? Quelque chose que je pourrais déplacer ou même jeter ? » C'était définitivement une drôle de journée.

« Mr. Bauer... Je ne sais pas ce qui vous a fait peur mais... Vous êtes en sécurité ici. Vous n'avez rien à craindre. » Moi ? En sécurité ? Qui me parlait ? Ah, oui, le docteur Descartes. Il avait posé sa main sur mon épaule, et tentait de me rassurer. Je devais lui avoir foutu une de ces peurs ! « Il y a-t-il quelque chose qui vous fait peur dans mon bureau ? Quelque chose que je pourrais déplacer ou même jeter ? » Il me demandait s'il pouvait enlever le Nain. Les Nains, plutôt. Sept. Blanche-Neige. Evidemment, dit comme ça, c'est pas très glorieux, un mec de vingt-quatre ans terrorisé par des nains... « ...es Nains... » tentai-je de lui dire. Je n'avais pas encore récupéré. Il ne fallait pas que je mette mal à l'aise mon interlocuteur, ce psychologue. J'avais déjà effrayé cette dame, sa secrétaire, qui était venue voir ce qu'il se passait... je l'avais vue. Elle m'avait vue. En tout cas, le docteur avait posé sa main sur mon épaule et avait l'air de vouloir me rassurer. « Les Nains... l... uer ! » J'avais tellement peur... cette histoire, ces nains, les... les... les bonnets rouges ! Oui, les bonnets rouges, voilà comments ils s'appelaient ! Les Nains Bonnets Rouges ! Ils allaient me tuer, ces nains ! « Bonnets Rouges. Me Tuer. Nains. Eux. Haches. » lui dis-je. « Les Bonnets Rouges. » Une vieille légende de nos terroirs. Ces nains qui tuent pour garder leur bonnet rouge. Si en un mois ils n'ont pas fait une victime... ils meurent. Mais souvent c'est vous qui mourrez. « Merci. » Je dépliai mes jambes engourdies et regardai droit devant moi, luttant contre ma peur des nains. Ils étaient juste derrière moi, ils pouvaient me sauter dessus à tout moment ! Littéralement pétrifié. Le docteur était toujours près de moi, sa main rassurante sur mon épaule. J'aimais ce contact, qui symbolisait qu'il allait m'aider à lutter contre les envahisseurs. Ces nains que je haïssaient et qui m'haïssaient... J'ai tellement peur, tout de même...

Invité

Les potes de Gabin disaient tout le temps qu'ils ne comprenaient pas comment un gars avec une tête aussi sérieuse que lui pouvait avoir réussi à devenir psychologue. Une façon de dire qu'il n'avait rien de rassurant pour les patients. Pourtant, en cet instant précis, Gabin venait de réussir le défi de rassurer un patient en plein nervous breakdown. Parfois, ces situations pouvaient tourner au cauchemar. Il avait parfois du appeler les pompiers. Effectivement, quand un patient tente de vous assommer avec tout ce qu'il trouve parce qu'il vous prend pour un extraterrestre, il est temps que cette personne-là soit enfermée quelques temps. Mais il n'en était pas là aujourd'hui. Auxence venait timidement et difficilement mettre des mots sur ce qu'il ressentait, sur ce qui avait déclenché sa peur panique. Les nains. Ce n'était pas commun, mais pas inexistant non plus. Il en avait déjà entendu parler sans avoir pour autant croisé un patient atteint par cette phobie. C'était un peu moins fréquent que les clowns, quand même. « Les bonnets rouges. » Tout ce que ça inspirait Gabin, c'était le mouvement de révolte né en Bretagne, pas franchement des nains de jardin. Le psychologue n'aimait pas vraiment les nains de jardin non plus. Il pouvait comprendre que ça avait quelque chose d'angoissant. Laissant quelques instants Auxence reprendre ses esprits, il alla rapidement chercher le livre pour enfant en question et l'enferma dans le tiroir de son bureau. « Ils ne peuvent plus faire de mal maintenant. Ca va aller ? » Gabin se rendit ensuite à la fontaine à eau de son bureau et servit un verre à son patient. « Buvez-ça, ça vous fera du bien. » Et il s'assit sur le rebord de son bureau, regardant Auxence reprendre doucement contenance.

J'avais repris mes esprits. Depuis deux minutes. « Ils ne peuvent plus faire de mal maintenant. Ca va aller ? » Le psychologue avait triomphé des Nains. (Mon sauveur) Le temps que je me rendis compte qu'il les avait enfermés dans son tiroir, Gabin Descartes me tendit un verre d'eau. « Buvez-ça, ça vous fera du bien. » Je bus d'un trait le contenu du gobelet. Ah, c'était bon, c'était doux dans ma gorge. Oui, ça faisait du bien. « Merci, c'est gentil. » dis-je. J'hésitai à lui avouer que j'avais eu franchement peur. Peut-être l'avait-il deviné... ? « J'ai peur des nains. Des nains, tous les nains. Les petits nains, les gros nains, les nains pas beaux, hideux, les beaux nains, les nains de jardin, les nains qui travaillent dans des mines... Ceux qu'on appellent les nains, les nains en général. Les nains partout, les nains nulle part. Les nains, quoi. Les nains des contes de fées, les nains du fantastique, les nains des films, les vrais nains, les faux nains, les nains Made In China. Les grands nains, les petits nains (alors ceux-là doivent être vraiment minuscules). Les nains avec des doigts, les nains sans doigts. Les nains armés, les nains pacifiques, les nains guerriers. Les nains habillés, les nains... pas habillés. » Voilà, j'avais tout déballé au docteur. « Mais eux, ils n'ont pas peur de moi, j'ai l'impression. » J'avais envie de continuer de lui parler, de lui expliquer. J'avais confiance, désormais. « Heu... voilà, euh... Les nains me donnent envie de crier. J'ai peur des nains. » Qu'allait-il me dire ? Qu'allais-je faire ? J'avais envie de hurler, encore une fois, mais ça aurait été inquiétant et je n'avais pas envie de mettre le docteur en crise comme moi. Depuis tout à l'heure, je lui parlais des nains. Peut-être qu'il en avait marre que je lui parle de mes nains ? De ma phobie des nains ? Je posai mon verre sur le bureau du docteur et regarda dehors. L'espace d'un instant, je crus mourir: un autre nain. J'abaissai les paupières, tout naturellement. Non, pas de nain. A force de penser aux nains j'en arrive à avoir des visions... des hallucinations ! Je deviens fou, dieu, faites quelque chose.

Invité

Cette journée était définitivement hors du commun. Après la phobie des canards, voilà la phobie des nains. Gabin savait bien une chose : les phobies, aussi ridicules semblent-elles parfois, sont incontrôlables. Du moins, sans un travail avec un professionnel. Alors, c'était pour ça que Gabin était là. Pour donner des pistes de solution, pour aider les gens à contrôler leurs démons. Et des démons, le jeune Auxence semblait en avoir pas mal au vu du monologue qu'il venait de prononcer. Jamais Gabin n'avait autant entendu le mot "nain". C'en était presque angoissant. Si Auxence avait l'impression d'être soulagé en ayant tout déballé, Gabin n'était pas certain que ce soit la piste à suivre. « Et si nous arrêtions de parler de nain quelques minutes ? » Parfois, Gabin empruntait des chemins peu conventionnels et c'était sans doute pour ça qu'il était aussi réputé à Biarritz. Il n'était pas de la vieille école. Il aimait bousculer les codes et parfois déroger aux règles de psychologie de base. Pour l'instant, ses techniques avaient fait ses preuves. « Parlez-moi de vous. Je ne pense pas que seule votre phobie vous caractérise. » Le psychologue sent son patient tendu, sans doute à nouveau proche de craquer, alors il préfère le lancer sur un autre sujet. Bien sûr, ils reviendront doucement sur sa phobie plus tard. Souvent, Gabin préfère connaître son patient un peu plus personnellement avant d'entrer au cœur du problème. « Plus aucun nain dans le bureau. Vous pouvez parler tranquille. Si vous voulez un autre verre, vous êtes libre d'aller vous servir. » La voix de Gabin se veut à la fois rassurante mais aussi un brun autoritaire. Il était comme ça, le beau trentenaire. Sa voix pouvait parfois paraître dure mais c'est dans son caractère. Il ne fallait pas y voir une envie de contrôle, loin de là. « Dites-moi ce que vous avez envie de partager. La façon dont vous vous représentez en cet instant T. » Armé de son crayon et de sa feuille, Gabin était on ne peut plus près à écouter.

Gabin Descartes ne voulait plus parler de nains. Tout ce qu'il voulait, c'était juste en savoir plus sur moi. « Dites-moi ce que vous avez envie de partager. La façon dont vous vous représentez en cet instant T. » L'instant T. ? Ce que j'avais envie de partager ? « Je m'appelle Auxence. » Mais ça... il devait le savoir ? « Vous savez, je n'ai pas encore vingt-quatre ans, j'en ai vingt-trois. Je les aurai... le Seize Mai. » Au fait... il n'avait rien à faire de ce que je lui disais ? « Mon père et ma mère sont végétariens et sont à la tête d'un restaurant. Je n'aime pas les restaurants et je ne sais pas faire la cuisine. Sauf qu'ils veulent que je reprenne le restaurant à leur mort. Mais moi je veux jouer de la musique, du violoncelle, et faire des concerts avec Eodiaz. On a fait un groupe, vous savez. Eodience. Vous pourrez venir nous voir ? » Je me mettais à faire de la pub pour notre groupe. Me voilà bien ! « Autrement j'ai peur... des nains, et des chiens. Mes animaux préférés sont le caribou et le chat. » Et que dire d'autre ? « Outre le violoncelle, je joue du piccolo et du coup je sais jouer de la flûte traversière. Apparemment, d'après ce qu'on dit, ce sont des instruments surtout joués par des filles, mais je ne suis pas d'accord avec ces paroles. » Que dire ? Que dire ? « Vous allez trouver ça bizarre mais je mange des pitchs à seize heures et demie pour le goûter. Je prends encore un goûter. Et même si la nourriture industrielle est mauvaise pour la santé je ne peux pas résister aux pitchs aux pépites de chocolat. Bien sûr, parfois je prends des pains au chocolat des chichis, voire des gaufres. Mais j'essaie de faire en sorte de varier les plaisirs. Je n'ai pas beaucoup de mal, d'ailleurs. » Je lui raconte ma vie. « Autrement... je dois dire que mes parents ne sont pas d'accord pour que je joue de la musique, en fait, ils sont plutôt contre. Parce qu'ils veulent à tous prix que je sois restaurateur. Sauf que je ne sais pas cuisiner, et ça c'est le comble ! Un fils de cuisto qui sait faire que des plats pas bons... » Ils allait se moquer de moi si je lui disais ça... bon, puisque je dois lui dire tout... « Et j'ai peur... des... heu, non, en fait, non, j'ai juste peur des nains et des chiens, j'allais vous redire des chiens, mais... heu... » Je ne lui avait pas dit.

Le Retour des Nains:

Invité

Gabin ne s'attendait pas à ça. C'était totalement sidérant. D'ailleurs, tandis que le jeune homme débitait son monologue, les lèvres du psychologue s'entrouvrirent légèrement comme pour laisser paraître une légère surprise. Gabin était littéralement pendu aux lèvres de ce garçon étonnant. Les choses qu'il confiait étaient à la fois effrayantes de banalité et terriblement passionnantes. C'était un drôle de paradoxe. En tout cas, il était très difficile à suivre. Heureusement, Gabin avait l'oreille entraînée pour ce genre de discours plutôt... décalé. Il nota quelques mots qui lui paraissaient important dans les paroles d'Auxence. Quand il écrivit le mot "caribou", il comprit que c'était vraiment encore une fois un drôle d'entretien. C'était très difficile à décrypter. Alors, comme ça, il n'avait pas peur que des nains mais aussi des chiens ? La phobie des chiens était plus commune. Heureusement que Gabin était habitué à vivre ce genre de situation totalement délirantes. Sinon, Auxence lui aurait sans doute fait très très peur. Gabin se passa à nouveau la main dans la barbe, fronçant légèrement les sourcils lorsque le jeune homme parlait. Maintenant, il s'agissait de trouver par quel sens prendre ce monologue. « Vous m'avez donné beaucoup d'informations ! » ironisa-t-il, un fin sourire sur les lèvres. « Je ne m'attendais pas à tant, c'est parfait. Cela va nous faire matière à discuter. » Gabin ne savait vraiment plus par où commencer. Il sentait que le jeune homme était capable de partir dans plein de détails. « Malgré le rejet de votre musique par vos parents, quelles sont vos relations avec eux ? » Ok. Sujet typique. Totalement bateau. Mais il fallait bien passer par là. Vous avez entendu le nombre de fois où les avocats "excusent" un serial killer parce que Mr avait des problèmes avec ses parents ? Souvent, très souvent. Peut-être même trop souvent. Mais malheureusement, les relations avec les parents étaient souvent la clé de bon nombre de pathologies.

Ma relation avec mes parents ? « Comment dire... mes parents sont très gentils tout de même. Je les trouve un peu énervants lorsqu'ils me répètent de reprendre le restaurant. Cela dit, nous sommes en bons termes. Disons qu'ils me parlent encore et je crois qu'ils commencent à comprendre que je ne veux pas cuisiner. Que je ne sais pas cuisiner. Mes parents, moi, moi, mes parents... c'est un peu comme la lune et la mer, ou une tarte aux pommes avec des pommes. On ne peut pas fonctionne l'un sans l'autre mais... si on change un élément, ça marche quand même. Par exemple, si l'on change les pommes et qu'on les remplace par des fraises. Ce n'est plus une tarte aux pommes, mais une tarte aux fraises. Mais ça marche quand même ! Vous... vous me suivez ? » Peut-être pas, en fait, j'avais l'impression de l'avoir perdu... Je me grattai la tête. Sous l'oreille. Un petit bouton. Ah, c'était nouveau ça. Et ça me démangeait ! « Je vais aller me resservir de l'eau. » Après tout j'avais l'autorisation. Je me levai donc et me dirigeai vers la fontaine. Mon gobelet en plastique dans la main, je m'aventurai vers le territoire ancien des nains. Mais je n'avais plus peur, car le docteur les avait enlevés. Je me servis de l'eau. Elle était très froide, mais cela faisait du bien. Je tournai le dos au psychologue, trempa les doigts dans le gobelet et en appliqua sur mon bouton. C'était... ça faisait encore du bien. Je revins à mon fauteuil, enfin, ma chaise et m'assis devant le docteur. Je le fixais, attendant des réponses. « Est-ce que vous aimez bien l'eau froide ? » demandais-je.