something big ♡ paola

Il n'a pas vraiment une tonne d'amis, surtout d'amie, au final, mais s'il y en avait une qui surpassait tous les autres, aussi bien garçons que filles, c'était bien elle, Paola. Il n'est pas le genre à être le sentimental niais à l'air presque débile, mais il devait bien avouer que cette fille là, il l'aimait beaucoup, presque comme une de ses soeurs, et dieu sait qu'il en a beaucoup, des soeurs. Il était chez elle ce soir, elle l'avait invité et il était venu, c'était courant, normal, usuel. Il se sentait comme chez lui dans ce petit appartement du centre-ville. « T'as racheté de la bière depuis la dernière fois? J'peux t'en piquer une? » Une grande relation, la bière et lui, aussi - mais c'était là une toute autre chose. Peu importe sa réponse, il avait déjà ouvert le frigo pour regarder de lui même. Il se trouve qu'il y avait un pack au frais, parfait. Il en attrapa une, dégaina le décapsuleur du tiroir et savoura sa douce Pelforth; il avait bu mieux, mais c'était déjà pas la pire, et ça c'était bon. « Putain, merci beaucoup j'en avais besoin d'cette bière. » Délicat, n'est-il pas. Il prit place dans le canapé. Pendant un instant, il ne dit rien, il savourait juste l'alcool qu'il chérissait tant. C'était quand même fou de porter autant d'amour pour une boisson, mais il s'en foutait, il se confortait bien dans ses goûts aux allures beaufs. Pour compléter le tout, il lui manquerait plus qu'aimer le foot tient, qui aime ce truc sérieusement; le rugby c'est bien mieux. Il changea rapidement ses pensées, cela lui rappelait trop les dires de son père « le football, c'est pour les tapettes mon fils, tu feras du rugby et tu seras fort comme un homme! », mauvais souvenirs. « T'as passé une bonne journée en fait? Perso, c'était vachement chiant, comme d'hab, mais si j'veux gagner un minimum d'argent j'ai pas trop le choix. J'devrais peut-être me remettre à étudier un peu, j'sais pas, histoire d'avoir quelques diplômes pour faire un métier convenable mais merde. » Oui, la justification ça n'a jamais vraiment été son truc, les études non plus. Il a eu le bac, de justesse, c'est le seul diplôme qu'il possède, il n'a pas fait d'étude après. Il n'a juste qu'un maigre bac technologique, sciences et technologies du design et des arts appliqués, duquel il n'a jamais rien fait. C'est tout. Bref. Il avait décidé qu'à partir de maintenant il arrêterait de penser à tout cela et profiter de sa soirée avec sa... euh, meilleure amie, sûrement. Il se leva, parcouru l'appart. Ses yeux se stoppèrent sur une photo en particulier. Elle avait un air de photo de famille, on y voyait pas mal de monde, dont Pierrick. Qu'est-ce que foutait Pierrick en photo dans l'appartement de Paola? Intrigante question. Il l'a posa immédiatement à la concernée. « Dit, c'est qui les gens sur cette photo? » Ouais, il la fait subtil parce que s'il mentionnait directement le prénom de son amant cela paraîtrait tout de même pas mal suspect.

Ce soir n’était pas n’importe quel soir de la semaine. On était samedi soir et c’était leur soir à eux. Depuis leurs dix-huit ans, Fabrizio et Paola avait créé le rituel du samedi soir où ils se retrouvaient pour passer la soirée rien que tous les deux. Pour rien au monde elle n’aurait loupé leur rendez-vous, c’était sacré. « Salut beau gosse ! » Elle lui colle une bise sur la joue et referme la porte derrière lui. Fabrizio le rugby man, l’homme viril, son meilleur ami. Etant fille unique, Paola n’a jamais su ce que c’était d’avoir des frères et sœurs jusqu’à ce qu’elle rencontre Fabrizio. Sa mère l’avait complètement adopté au sein de la famille et Paola le considérait comme son propre frère. Il n’y avait jamais eu la moindre ambiguïté entre eux deux, ils s’étaient rapidement liés d’amitié, comme si c’était une évidence. Il avait une place importante dans sa vie, comme toute personne qu’elle considère comme un membre à part entière de sa famille. « T’as racheté de la bière depuis la dernière fois ? J’peux t’en piquer une ? » S’il y avait bien une chose que Fabrizio et Paola avait en commun, c’était leur goût pour la bière. A chaque fois qu’il venait, Paola veillait à ce qu’il y ait toujours deux ou trois bières au frais, sauf quand elle finissait tard le boulot et qu’elle n’avait pas le temps de passer en acheter. « Sers-toi fradé. » Elle savait très bien qu’il n’allait pas se gêner pour le faire, après tout, il était ici chez lui. L’appart’ de Paola était en quelque sorte l’appart’ de Fabrizio, il connaissait le contenu des placards encore mieux qu’elle, c’est pour dire à quel point il était un habitué des lieux le petit. Il la remercia et elle lui envoya un bisou imaginaire avant de prendre une bière à son tour. Une bonne amie ne laisse pas son meilleur pote boire seul voyons. Après avoir décapsulé sa bière, faut dire qu’elle avait de l’expérience dans le domaine, elle attrapa un paquet de chips et s’installa sur le canapé. « Arrêtes de te plaindre, j’ai passé ma journée le nez dans des codes, des dossiers et des autopsies. Niveau chiantitude, je gagne haut la main mon pote… » Elle secoua la tête en buvant quelques gorgées de sa bière. Oui, elle avait fait le choix d’être avocat pénaliste car c’est ce qui lui semblait le plus palpitant. En fait, elle ne se voyait dans aucun autre domaine, disons qu’elle avait trouvé sa vocation même si ce n’était pas toujours évident. « Un métier convenable ne te rend pas heureux, j’en suis la preuve vivante. Je me suis tapée quasiment neuf ans d’étude pour, au final, défendre des meurtriers, être célibataire et vivre seule. Les études, ça ne t’apporte que le célibat, rien d’autre. » Paola aimait son métier, mais elle avait parfois l’impression d’être passée à côté de quelque chose d’autre, notamment l’amour. Elle avait beau avoir des amis et une famille, elle se sentait quand même bien seule par moment. Elle grignota une chips tout en regardant Fabrizio examiner les lieux. Il était incapable de rester en place ce mec, c’était incroyable. « Dit, c’est qui les gens sur cette photo ? » Paola fronça les sourcils, des photos elle en avait plein son appart’. Elle se leva du canapé, certes à contre cœur, pour aller identifier la photo en question. La bière à la main, elle désigna quelques personnes. « C’est ma belle famille. Bon, là tu reconnais ma mère avec son mari. A côté de lui c’est Pierrick, son petit frère. Tu te rends compte, théoriquement c’est mon oncle et il est beaucoup plus jeune que moi ! » En effet, Pierrick avait dix-sept ans et, pourtant, il adorait rappeler à Paola qu’il était son oncle. La situation était plutôt marrante même si, parfois, elle avait tendance à agacer la belle corse. D’ailleurs, pourquoi il lui demandait ça tout à coup ? « Mes photos de famille t’intriguent à ce point ? »

Il restait la, droit comme un i à attendre l'arrivée de la jeune femme qui avait fait l'effort de se lever du canapé pour lui - ce qui était une indubitable preuve d'amour, c'était pas tâche facile de se lever d'un si reposant canapé après une dure journée de boulot. Elle finit par être à côté de lui, sa bière à la main elle aussi, lui désignant quelques membres de sa belle-famille. Ils étaient sa belle-famille alors. Il mit un moment à assimiler ce qu'elle venait de lui dire. Pierrick, c'est l'oncle de Paola. Il le répéta plusieurs fois pour être sûr. Pierrick, c'est l'oncle de Paola. Pierrick, c'est l'oncle de Paola. Rien à faire, il restait fort étonné de ce que l'on venait de lui révéler. Il avala une gorgée de bière et se tourna vers la brune presque blondasse. « Mes photos de famille t’intriguent à ce point ? » Hell yeah, que ça l'intriguait. Il but une nouvelle gorgée, puis encore une autre, puis la bouteille était finie. Il repartit vers la cuisine un peu ahuri pour se prendre une nouvelle bouteille et voilà qu'il fait tomber le décapsuleur en voulant l'ouvrir. Mains qui tremblent. Pourquoi? Il posa ses deux mains sur le comptoir et souffla doucement. Il ne devait pas paraître aussi déstabilisé, il aborda un sourire. « Eh bien, je n'étais même pas encore au courant que tu avais une belle famille, donc ce qui m'intrigue ici c'est plutôt pourquoi tu ne me l'a pas dit plus tôt. » Elle avait sûrement dû lui dire, si, mais ils devaient déjà avoir une alcoolémie assez avancée à ce point de la soirée. Il finit par ouvrir cette putain de bouteille et en ingurgite immédiatement environ la moitié. Il se demanda quelle réaction aurait la brune - aux relents blondes comme il se poilait à lui rappeler - si elle apprenait qu'il avait une relation hors mariage avec.. son oncle? Le mieux était encore qu'elle ne l'apprenne pas. Il avait l'air trop suspicieux, il devait paraître normal. Il tenta de reprendre une conversation, le plus naturellement possible, en retournant s'asseoir sur le canapé - si confortable. « Bah putain, j'ai bien fait d'pas faire d'études en fait. T'as toujours personne dans l'viseur du coup? Et personne t'aime? C'est triste ça. » Il afficha un sourire moqueur, le re-voilà le bon vieux Fabrizio, comme si de rien n'était. « En même temps, avec une tête de morue comme la tienne, ça m'étonne même pas. » Il se mit à rire à gorge déployée, et lança un des coussins sur sa presque-soeur. Quel gamin, il se moquait de lui même en son for-intérieur, c'était risible ce qu'il faisait, plus que risible. Il choppa la télécommande et alluma la télé sur une chaîne au hasard. Gulli, quelqu'un regarde encore ce truc? « Pourquoi ça s'allume sur Gulli? Tu regardes Guilli bébé-Paola? Est-ce que tu regardes les Minijusticiers aussi? Pouahaha, qu't'es conne ma vieille. » Ses neurones devaient avoir coulé avec la bière, tant pis, il s'amusait bien, il aimait bien la taquiner, c'était sympa. Il aimait ces samedis, il les chérissait beaucoup, ça l'aidait à décompresser. Samedi, on était samedi, oui. « Mais en fait, ça bosse le samedi les avocats? J'savais pas. T'es avocat quoi toi déjà? Pas qu'ça m'intéresse mais bon, faut que je fasse semblant d'm'intéresser, au moins. » Il était tellement mauvais et il n'en était même pas désolé. Ils avaient l'habitude entre eux de se balancer des horreurs et ils ne le prenaient pas mal une seconde, c'est comme ça qu'on reconnait des meilleurs amis.