my car need a doctor (keren)

" putain de voiture de merde ... " tu t'énerves, tu jures, t'es vulgaire, t'en as rien à foutre en vrai, c'est la merde, c'est tout. ta voiture a décidé de faire des bruits bizarres depuis ce matin. tu t'en souciais pas, pas tout de suite, mais là, c'est assez inquiétant ... à moins que ce soit la fumée qui sort du capot qui est inquiétant. tu fulmines, t'es fou de rage, le premier qui te prend la tête, tu l'emplâtres très certainement. c'est pas bien, c'est mal, mais t'as le sang chaud, trop chaud. d'autant que tu dégaines vite, trop vite. tu fermes les yeux, tu ouvres le capot, tu gardes les yeux fermés, tes poumons aspirent ... trop, ça te prend aux tripes et tu as du mal à respirer, pourtant tu bouges pas. t'es con, t'es pas normal, et tu t'en fiches. tu bouges pas, limite tu aspires un peu plus de fumée avant de refermer le capot, rageusement. " fais chier ..." une nouvelle injure, tu te remets au volant et tu sors ton téléphone, faut que tu trouves un garage, c'est urgent là, faut que tu sortes de là, faut que tu la fasses réparer, tu peux pas rester sans bagnole de toute manière.

tu trouves le garage pas très loin, pendant tout le trajet t'as prié dieu pour que tout fonctionne correctement. le seul soucis, c'est que t'y crois pas, en dieu, alors forcément, t'as peu de chance d'arriver en un seul morceau. mais tu y arrives, justement, tu gares ton véhicule juste devant avant d'entrer dans le garage d'un pas certain. encore du fric à débourser, c'était pas prévu, ça t'énerve encore un peu plus. tu fermes une nouvelle fois les yeux, tentes de respirer un bon coup, puis tu les ouvres, tes pupilles qui se perdent lentement mais gracieusement. qui c'est ça ? pourquoi est-ce qu'elle te calme d'un coup ? pourquoi t'as envie de la connaître. reprends toi bendo, c'est qu'une femme, une meuf, rien de plus. une nana avec un venin certain. seulement, t'es attiré, immédiatement. l'effet cambouis peut-être, l'effet motard, mécano, cet effet là certainement. t'es retourné, t'en oublis presque le pourquoi du comment. presque. pas totalement.  " j'ai un soucis avec ma voiture, elle fait un bruit pas possible et depuis ce matin, ça fume sous le capot, j'sais pas si vous avez un peu de temps, si non, je peux attendre." tu affiches un léger sourire, et tu la perds pas des yeux la perle rare. tu peux pas en même temps.

La porte qui claque, les dents qui se serrent. Keren qui tourne le dos, les larmes qui lui dévorent les yeux et qu’elle retient à grand peine. Elle passe une main dans ses cheveux bruns, sort une cigarette de l’arrière de son jean défoncé par les années. Après avoir lutté quelques précieuses secondes avec son briquet, les mains tremblantes, y’a la fumée qui embrase son œsophage. Et le soulagement qu’elle ressent. Et le soupir de plaisir qui s’échappe de ses lèvres. Et Ahava qui la rejoint, passe une main dans son dos, toute de douceur, toute mielleuse… toute Ahava.
Keren qui rejette l’affection. Keren qui se recule, la jauge, les sourcils froncés. Le froid lui mord les mollets et le popotin. Les étoiles brillent haut. Keren fait un pas vers sa jumelle, enroule ses doigts autour des siens. Elle avance vers le jardin, s’allonge sur l’herbe fraîche. Un frisson désagréable parcourt sa colonne vertébrale, lui fait légèrement courber l’échine. Elle repousse cette sensation, pose la tête sur la poitrine de sa cadette.
- Parle-moi des étoiles.
Elle ordonne plus qu’elle ne demande. Et Ahava lui raconte leur histoire, les désigne par leur nom.
Une heure passe, peut-être deux. Il est temps que Keren rentre ; elle a essayé d’aller voir les parents. Elle a essayé d’être aimable, de leur rendre leur amour… Mais comme d’habitude, ça ne s’est pas bien passé. Keren a eu des nausées à force de voir tant de bons sentiments, Keren a rugit, Keren s’est agacée. Keren les a envoyer bouler… Et Keren a envie de pleurer.
Alors elle se relève, l’israëlo-ukrainienne, et elle embrasse sa sœur sur les deux joues. Puis elle enfourne sa moto et elle disparaît dans la nuit.

[…]

Y’a la gorge nouée alors qu’elle grogne devant la bagnole qui refuse ses bons soins. Y’a les souvenirs qui viennent hanter son palpitant débordant de colère, souvenirs qu’elle essaie de refouler parce qu’ils ne font que l’agacer davantage. Elle tente de se relever pour être aussitôt clouée au sol dans un nouveau râle.
-  Saloperie de merde !
Elle crie dans le garage trop vide. La douleur qui lui coupe le souffle. La charpente de la voiture qu’elle s’est pris dans la cage thoracique. Ça lui rappelle son premier bâton goudronné en pire. Puis y’a un bruit qui attire son attention. Elle finit de resserrer les boulons ayant besoin de son talent avant de sortir de dessous du véhicule. Y’a de la suie et de l’huile de moteur sur sa salopette trop grande et ses cheveux sont un bordel pas possible.
Elle a les prunelles qui essaient de s’habituer à la lumière ; c’est qu’il faisait sombre là-dessous. Et puis cet homme, il la trouble. Son palpitant manque un battement, son corps se tend vers lui. Un frisson d’électricité statique fait vibrer sa peau. Elle cligne des yeux une petite dizaine de fois. Comment, humainement parlant, c’est possible d’être aussi beau ? Elle déglutit, essaie de comprendre les mots qui flottent dans l’air.
- Je suis là pour ça.
Elle ronronne presque ; elle ne se reconnaît plus. Jamais elle n’a été envoûtée ainsi. Et le sourire qui lui mange littéralement le minois… Elle inspire une grande goulée d’air, s’approche du brun.
- Vous permettez ?
Si elle demande l’autorisation, elle n’attend pourtant pas de réponse avant de s’approcher du véhicule à autopsier. Elle soulève le capot, se penche sur le devant du véhicule. Elle hoche la tête, retourner chercher ses outils.
- C’est un problème au niveau du moteur. Je pense pouvoir réparer ça… Mais je vais sans doute avoir besoin d’un peu de temps.
Elle affiche un sourire contrit. En vérité, le problème n’est pas si grave ; y’a juste sa mythomanie qui revient l’emmerder, et l’envie de passer un peu plus de temps en sa compagnie.
- Je peux peut-être vous offrir un café ?
Les yeux de Keren s’amourachent du visage de son client alors qu’elle s’approche un chouïa trop près. Elle tend la main, oublie la saleté de son corps et de ses vêtements.
- Je suis Keren.
Nouveau sourire. Keren se découvre intéressée par le sexe masculin, et même par une autre personne qu’elle. Le palpitant qui demande des étreintes passionnées, l’esprit qui s’échauffe devant les images qui s’impriment sur la rétine. Y’a son corps qui semble murmurer des on peut apprendre à se connaître, quand tu veux, où tu veux, dans la position que tu veux, sans doute un peu frustré de n’avoir connu que ses propres mains pendant de trop longs mois.