[Eleonora] Let's get lost

Il a rien à faire. C’est étrange parce qu’en temps normal, Tullio il est toujours occupé à quelque chose, que ce soit au port pour bosser avec la fratrie ou avec les copains, quand ils préparent un coup foireux ou juste une soirée.. Quand il est pas en train de prier pour qu’on l’appelle et le sorte de sa torpeur, quitte à rappliquer avec la queue entre les jambes, comme un bon chien bien dressé. Des fois, même, il pense et ça, rien que de se focaliser sur des trucs inutiles, ça l’occupe, mais là. Il a clairement rien à faire, parce que l’aîné des Parietti lui a pris la tête pour rien du tout et lui a gueulé de prendre sa journée, pour aller mettre sa merde ailleurs que dans l’entreprise familiale. Pas que ça le vexe, le Tullio, il a l’habitude qu’on le repousse quand il est chiant et depuis deux jours, il arrête pas de prendre la tête de tout le monde; parce qu’il est retourné vivre chez ses parents, qu’il s’ennuie là-bas et qu’aucun des membres de la fratrie ne veut de Tullio chez lui. On le connait suffisamment pour savoir que l’avoir comme colocataire, ou squatteur, c’est s’exposer au risque de voir son salon en bordel et des sous-vêtements qui trainent partout. Personne comprend qu’il peut pas retourner chez sa meilleure amie, dans leur colocation bien rodée, parce qu’il a bien raté le coup, cette fois et qu’il est pas vraiment certain que ça soit rattrapable, ni même qu’il ait envie de rattraper le truc. Alors il est là, assit sur une barrière, à rien faire à part regarder les voitures qui lui passent devant, les conducteurs qui le dévisagent bizarrement. Faut dire que Tullio il a plus vraiment l’allure du beau petit gamin qui fait sourire en riant aux éclats pour rien, y a longtemps que l’insouciance à quitter ses traits fins qui se sont durcis, sans qu’on sache trop pourquoi. La vie, peut être, tout simplement. Sa Sicile natale qui lui manque aussi un peu, quelque fois, aujourd’hui par exemple.
Le brouhaha environnant parvient à l’apaiser, bizarrement et il finit par coincer sa cigarette au coin de ses lèvres pour sortir un petit calepin et un crayon, gribouillant le paysage de l’Italie sur une feuille blanche d’un carnet acheté à la boutique du coin. Y a que ça qui arrive à le maintenir concentré pendant un temps, avant que des copains le croise et l’invite à se joindre à eux à la terrasse d’un café du coin. Comme toujours, c’est Tullio qu’on invite et pas l’inverse, parce qu’il est pas assez con pour se promener avec son portefeuille et devoir payer des coups à tous les copains qu’il croise, ou les nanas qui arrivent à attirer son regard. Ça fait pas deux minutes qu’il est assit devant le café, qu’il a déjà le regard attiré par des silhouettes féminines, puis une plus particulière que les autres et au bout d’une réflexion hasardeuse qui dure quelque seconde, Tullio porte son index et pouce droit à ses lèvres pour siffler, avant d’agiter le bras. « NORA! ses copains le regardent de travers, s’imaginant probablement que le sicilien leur fait une crise d’épilepsie. La regarde pas comme ça toi. » Le blond à ses côtés à le regard qui lorgne Eleonora, que Tullio continue d’appeler à grands renforts de signaux, les bras levés. « Pourquoi ? C’ta nana ? » Le sicilien sourit, sans répondre, parce que ça serait leur faire plaisir, même si au final c’est rien de tout ça. Il finit par faire racler sa chaise sur le bitume pour se lever et aller à la rencontre de la milanaise, un sourire, qui dévoile ses dents blanches, plaqué sur ses lèvres rougies par le sel marin. « Che gioia ! » Et il ouvre déjà les bras pour attraper la jeune femme, parce qu’il est comme ça. L’effusion de joie à l’italienne, que ses copains disent que ça s’appelle.

Eleonora était à Biarritz depuis quelques jours seulement. Bien qu'elle se débrouille parfaitement en français, elle était un peu perdue ! C'est vrai, elle est grande et elle doit se débrouiller seule mais elle ne connait tellement personne ici qu'elle se sent seule ! Seule au monde enfin, son ami d'enfance Tullio habite à Biarritz, ce qui arrange bien la jeune femme d'avoir au moins une petite tête connue dans tout ce tas d'habitant. Aujourd'hui, elle n'a pas grand chose de prévu. Elle travaille toujours dans l'évènementiel mais là, c'est un petit jour de repos. Ça ne fait de mal à personne et surtout pas à elle. Une journée à ne rien faire et à penser à peu à soi, c'est juste parfait. Elle décide donc de sortir, se balader dans les rues, prendre des photos, une de ses passions avec le dessin. Après une bonne grosse heure de marche, elle décide d'aller se poser en terrasse, côté ombre pour pouvoir regarder les photos qu'elle avait prise. Elle fait signe de la main au serveur pour prendre commande, un bon ice tea bien frais. Que du bonheur ! Tout en regardant ses photos et un peu dans ses pensées, elle entend vaguement un "NORA", c'est son surnom mais également un prénom du coup, elle ne fait pas vraiment attention et puis sérieusement, qui peut l'appeler ainsi alors qu'elle ne connait personne dans le coin à part son ami... Eh bah justement, son ami peut l'appeler ainsi... Après quelques secondes de réflexion, elle lève la tête vers la personne qui agitait ses bras comme un fou et rigole un peu en reconnaissant Tullio, qu'est ce qu'il peut être discret celui là alors. Elle se lève avant de foncer dans ses bras, ça lui fait du bien de voir quelqu'un qu'elle connait et puis entre eux, ils se disent un peu tout... Quand on se connait depuis l'enfance, c'est un peu comme un confident et un grand-frère qu'elle n'a pas malheureusement pas eu. " Mio gatto !!" c'est le surnom que la jeune femme donne à son ami. Oui, c'est son petit chat d'amour ! Non, ils ne sont pas ensemble, c'est juste une marque d'affection et dire que c'est son chat, pas le chat à quelqu'un d'autre... Et puis, 'Nora est jalouse alors, faites gaffe les amis. Elle saute dans ses bras pour lui faire un énorme câlin et un bisou sur sa joue, trop contente de le voir ici ! " Come stai ? " lui demande la jeune femme avec un sourire sur les lèvres. Toujours un plaisir de voir Tullio, même par le pur des hasards !

Il abandonne déjà ses camarades, alors que le café qu’il a commandé, à peine quelques minutes plus tôt, ne va pas tarder à arriver, mais Tullio est comme ça; il se disperse vite, surtout quand une comparse de longue date est là, dans son champs de vision. Eleonora ici, c’est un petit bout de son Italie qui vient le retrouver et c’est pas rien, pour un gamin qui a baigné toute son enfance là-bas, dont les racines y sont encore, bien incrustées dans le sol alors qu’il évolue là, à Biarritz. Il va pas se plaindre, parce qu’il s’est bien incrusté dans le paysage, même s’il lui arrive encore de dénoter assez facilement avec le reste des gens du coin, parce qu’il parle parfois trop fort, qu’il rit à en faire vibrer le cristal et qu’il bouge sans arrêt. Sans parler de son allure, qui affole les regards de parents indignés, mais c’était déjà pareil à Taormina, quand Tullio a commencé à se démarquer du lot avec son mauvais air et sa grande gueule. Tout excité qu’il est, le sicilien ne regarde même pas où il marche, manque de se prendre les pieds avec un passant et finit par arriver près de la milanaise qu’il attrape dans ses bras, pour la soulever légèrement. Enfin quelqu’un qui n’est pas trop refroidit par le côté très tactile du Parietti. Les lèvres du jeune homme s’écrase sur la tempe de la brunette, seul endroit accessible alors qu’il la tient toujours contre lui, avant de finir par la relâcher en souriant. Mon chat. Y a que peu de gens qui s’autorisent à le surnommer de cette manière un peu tendre, innocente; sa mère, sa soeur et Eleonora. Pour les autres, généralement, il écope de surnoms moins affectueux et un peu plus durs, ou ridicules et clairement moqueurs. « Sto bene! E tu ?! » Ses mains sur les épaules de la jeune femme, il l’écarte de lui quelques minutes avant de la serrer à nouveau, trop content pour réussir à se calmer, avant de souffler comme s’il venait de courir un marathon. La conversation de ce soir, au repas avec ses parents, sera surement bien plus intéressante que les précédentes, surtout s’il leur dit que la fille Berardi est là. S’il arrive à s’en remettre un jour. « Che piacere rivederti! » Ses mains, qu’il passe sur son visage, Tullio finit par lui prendre le bras pour l’inviter à se rasseoir à la table où elle était, oubliant un peu les copains qui doivent le regarder de travers, là-bas. Sans doute qu’il leur faudra encore une minute pour comprendre que le sicilien de retournera pas près d’eux. Ils s’en remettront, c’est pas la première fois qu’il leur fait ce coup-là et avec le temps, on finit par plus trop lui en tenir rigueur.

Fort heureusement, ce qu'a pris la jeune femme était simplement un Ice Tea, ce qui est froid et donc, ce n'est pas vraiment un problème qu'il refroidisse encore plus ! Depuis que Eleonora est arrivée à Biarritz, elle se sent un peu seule c'est vrai. Elle n'a pas vraiment d'amis et elle se dit que c'est vraiment stupide d'être venue retrouver un garçon dans une ville qu'elle ne connait pas et puis si ça se trouve, le mec s'en fou complètement d'elle maintenant. Elle n'a jamais pensé à cette option mais c'est vrai que maintenant, depuis son arrivée elle y pense un peu plus. L'amour rend vraiment idiot(e) c'est le cas de le dire ! Elle pose son regard sur son ami avec un énorme sourire aux lèvres, qu'est ce que c'est bon de le revoir putain, surtout dans son moment de solitude dans un lieu complètement inconnu pour elle aujourd'hui. " Si, va bene " même si ce n'est pas non plus la joie, elle a peur des retrouvailles avec son "ex", peur de regretter d'avoir quitté Milan pour Biarritz. Beaucoup de choses se bousculent dans sa tête mais elle essaie de ne pas le montrer et de paraître plus ou moins naturelle et heureuse. C'est très rare de voir une Eleonora qui ne sourit pas, qui ne rigole pas,... Elle a toujours la joie de vivre alors autant rester comme ça sans montrer le moindre signe de faiblesse. Elle lui ébouriffie un peu les cheveux en rigolant, ça lui a manqué tout ça dit donc. " Siii, troppo tempo ! " 'Nora lui fait un sourire avant d'aller s'installer à sa table où son Ice Tea l'attendait avec impatience. Elle se pose sur la chaise avant de boire une gorgée de sa boisson et de reposer son attention sur le jeune homme " Quoi de neuf de ta vie alors ? " Oui, elle commence à parler français... Elle doit bien s'habituer un petit peu vu qu'ici, tout le monde parle français et au moins, elle pratique avec quelqu'un où le français n'est pas sa langue maternelle. C'est un bon moyen de continuer à bien parler français et de le pratiquer, même avec des personnes qui parlent la même langue que soi. Au moins, ils sont dans la même galère et puis, si ils arrivent pas à s'exprimer en français, ils peuvent toujours passer par l'italien ! Il y a solution à tout avec la jolie brunette aux magnifiques yeux bleus.

Son sourire s’agrandit un peu plus, pas qu’on ait l’habitude de voir autre chose qu’une joie certaine, qui se mue parfois en arrogance, mais ces retrouvailles lui mettent réellement du baume au coeur. Pas qu’il se plaigne, sa soeur aurait pu s’en aller dans un coin bien plus morose que Biarritz. Le coin reste agréable, au point que quand le soleil vient caresser l’eau, quand il travaille au port, Tullio a presque l’impression de retrouver sa Sicile natale, son petit coin de paradis qu’il a lâché avec la famille. On est comme ça chez les Parietti, y en a qui s’en va, le reste du troupeau suit derrière pour jamais laisser personne seul; une belle vision de la solidarité. Néanmoins il a ses coups de mou, souvent un peu plus depuis quelques temps et ça lui va pas, d’être mélancolique, de se retourner pour regarder ce qu’il a laissé derrière lui, alors que concrètement il a surement trouver bien plus ici qu’en plus de vingt ans à Taormina. L’éternel insatisfait qui gronde, encore, lui dévore les entrailles et le rend boudeur, mais pas aujourd’hui. Parce qu’elle vient de lui illuminer sa journée, avec son accent, les saveurs de l’Italie qu’elle lui ramène alors qu’elle lui saute dans les bras. Pendant quelques secondes, il a l’impression de respirer les champs d’olivier et d’être ailleurs, les pieds dans l’herbe tiède, le nez en l’air. Il la relâche et si ses pieds sont bien à Biarritz, y a son coeur qui s’est payé le voyage jusqu’en Italie. « quanto sono felice!! » Il pourrait répéter ça des heures, il en est presque à se pincer le bras pour vérifier qu’il n’est pas en train d’halluciner.. Ça l’étonnerait, il a pas fumer de pétard aujourd’hui, ou alors à son insu. Les mains qu’il se passe dans les cheveux lui permettent de se calmer, de pas la prendre une nouvelle fois dans ses bras parce qu’il devine facilement les conneries que ses copains sont en train de se raconter, sur la terrasse plus loin. Ça lui arrache une moue amusée et Tullio se retourne légèrement pour leur lever le majeur de sa main droite, avant d’éclater de rire parce qu’il les entend, de là, pousser des soupirs faussement effarés. C’est tellement bon d’avoir une bande d’amis aussi cons que lui. Sans la quitter du regard, le sicilien s’installe sur la chaise libre à la table qu’elle occupe, ses doigts qui talonnent l’intérieur de son blouson pour sortir son paquet de cigarettes, en coinçant une entre ses lèvres. « Mama m’a dis que tu étais là mais. » Il y a pas trop cru. Cherchant son briquet, il finit par relever les yeux, retire sa cigarette en prenant un air faussement pensif. « Pas tant de choses que ça.. I midi genitori.. Ils ont pris leur pensione.. leur retraite.. » C’est tout ce qui lui vient, parce que le reste c’est du superflu pour Tullio, parce qu’il prend pas tout au sérieux. « e tu? » Il retrouve finalement son briquet dans la poche arrière de son jean, allume sa clope et prend soin de souffler sa fumée loin du visage d’Eleonora. Charmante attention qu’il n’a pas avec tout le monde.