ILARIA + (l'artiste est un menteur hypocrite)

• la caresse du pinceau dans son dos est agréable, presque exaltante. il y a une sensualité dans les gestes de la jeune femme qu'il trouve fascinante. le miroir en face de lui lui permet, en même temps, en essayant de bouger le moins possible, de croquer son attitude, sa bouche pulpeuse pincée, son visage de poupée concentré. il s'attache également à reproduire le suçon violacé qui marque le cou de la blonde. il ne sait pas que représentent les arabesques délicates qu'elle trace sur lui, mais elles ont un certain effet. cela fait deux semaines que raphaël a quitté l'océan de biarritz pour la méditerranée des côtes italiennes. la blonde, sa muse de voyage, a d'ailleurs un charmant petit accent quand elle lui parle français. il aimerait aussi pouvoir le retracer dans ses dessins, mais cela n'est pas possible. il lui sourit à travers le miroir. elle a un petit quelque chose de spécial, elle a un truc décalé, peut-être cet air naïf de gamine, quelque chose d'innocent, de spontané, il trouve ça intéressant. dans deux semaines il sera reparti, alors il essaie de remplir au maximum les deux carnets qu'il a pris avec lui. tournant un peu la tête, il capture ses lèvres pour un léger baiser. il ne l'aime pas, elle non plus, mais elle semble l'aimer en retour. et ça la sublime, ça lui donne des airs particuliers, une attitude, l'amour lui confère une atmosphère qui lui est propre. c'est surtout ça qui fascine l'artiste hypocrite.
• il frissonne un peu quand elle passe à certains endroits. il est impatient de voir ce qu'elle fait de lui. il aime bien l'idée de devenir une œuvre d'art, comme il a fait de son appartement sa propre toile, en y laissant sa trace et en faisant exprès de la laisser. une idée lui passe un instant dans la tête. l'idée d'un tatouage, un jour. ce ne serait pas une si mauvaise idée, après tout. il l'observe à travers le miroir, grâce auquel il la dessinait depuis tout à l'heure. il a posé son critérium et fait en sorte de rester immobile. « tu es vraiment belle. peut-être une des plus belles filles qui m'aient inspirées. » toujours la même phrase, peu de variante, toujours le même sens, et toujours fausse. il ne sait pas si elle est vraiment la plus belle. pour lui, elles l'ont toutes été à un moment, sinon, il ne les aurait pas choisies.
• il sait que c'est mal ce qu'il fait. il joue avec leurs sentiments, avec leur confiance en elle, mais quelque part, il se dit qu'il ne fait que les aider à s'endurcir -pour celles qui sont plus jeunes que lui, du moins-. il n'essaie pas de se donner des excuses ou des prétextes. il sait très bien qu'il profite d'elle, le temps d'un voyage, le temps d'une inspiration soudaine. puis qu'il les laisse, sans plus jamais donner suite à leurs messages ou à leurs appels, les ignorant chaque fois qu'elles essaient de lui parler. mais cette fois, c'est différent, pas vrai. elle ne risque pas de se faire trop d'illusions. il n'est qu'en vacances. elle sait à peine où il habite, et il y a vraiment très peu de chances pour qu'elle le retrouve, quand elle-même partira en vacances. non ?

fiche (c) AMIANTE