(Eneko) few time

Pourtant, il se plait à le croire, à penser qu’il aurait pu faire quelque chose, s’il avait cette place qu’il ne peut pas s’autoriser à avoir, n’en ayant pas la force, tout comme il n’a pas la force de lui cacher ce qu’il ressent. Eneko ferme les yeux à son contact, ses mains sur son visage, écoutant ce qu’elle lui souffle, son manque qu’elle partage. Leur histoire est en train de le tuer à petit feu, il est dépité, abattu, parce qu’il est convaincu que ça aurait pu être quelque chose de vraiment beau entre eux, qu’ils auraient pu faire plein de choses. Eneko avait lui-même des projets dans lesquels il la voyait. Il avait des propositions à lui faire, lorsqu’elle aurait arrêté ses études. Ca ne l’aurait pas dérangé de travailler avec Mao, de la voir évoluer, l’épauler, être son homme de situation. Depuis leur séparation, depuis qu’elle s’est montrée honnête avec lui, il a l’impression que sa vie s’est arrêtée un instant. Et même si les choses évoluent professionnellement, lui fait du surplace. Si Gaël n’était pas là pour le motiver, probablement qu’il se serait contenté de ses anciens dossiers, sans se lancer dans des choses abracadabrantes, comme l’achat officiel d’un terrain sur Bayonne. Toutes ces choses qu’ils font, il n’en ressent même pas l’envie. « Tu… » Eneko n’a pas le temps de prononcer un mot de plus qu’il sent ses lèvres atteindre les siennes. Ses mains se crispent sur ses bras, comme s’il avait peur qu’elle lui échappe, encore une fois. Il se raccroche à elle, à leur contact, comme une bouée de sauvetage. Il prolonge le baiser, jusqu’à manquer de souffle, tire sur sa lèvre inférieure, puis les reprend, la tête pleine de souvenirs, de nostalgie, de toutes ces choses brisées auxquelles il aimerait se raccrocher pour ne plus penser au reste. Mais il ne peut pas. Le baiser prend fin et la réalité revient. Eneko effleure ses lèvres de son pouce et penche la tête en arrière pour souffler, respirer, parce qu’il étouffe dans cette petite cabine, pris au piège avec une femme qu’il aime éperdument. Une femme qui ne lui appartient plus. « Tu sais très bien que je suis tout de même là pour toi, si tu en as besoin. » Parce qu’il est incapable de lui fermer la porte au nez, pas définitivement. Il essaie juste de se tenir à ce qu’il a décidé avec Anna, à cette décision qui était la meilleure pour eux, après deux ans à essayé de sauver quelque chose. La seule différence, c’est que s’il tenait à Anna, leur relation n’était pas aussi forte que ce qu’il connait avec Mao. Et c’est là toute la difficulté. C’est bien plus facile de fermer la porte à un mariage, que de s’éloigner de cette petite blonde qui continue de faire battre son cœur tout bousillé. « Tu peux me contacter. » Il ne lui répondra peut-être pas du tac-au-tac, pour tenter de se préserver un minimum, mais il lui répondra, il le sait. Il est vulnérable, lorsqu’il s’agit de Mao.

Il ne peut que comprendre ses raisons. Il ressent exactement la même chose. C’est douloureux de la voir, de la sentir, de l’entendre parler, comme c’est douloureux de la savoir si proche de lui et si loin en même temps. Eneko baisse les yeux sur leurs mains, sur leurs jambes qui se collent l’une contre l’autre. Au fond, il sent qu’il a pourtant besoin de ses baisers, mais que ça lui est en même temps nocif. Eneko doute de ses capacités à pouvoir résister, lui aussi, bien qu’il s’efforce de le faire, pour prendre du recul aussi, vis-à-vis de tout ça, se retrouver un peu, s’entendre penser plus clairement, au lieu de laisser le tout s’embrouiller. « Je te le dis quand même. » Il a malgré tout besoin qu’elle sache que si elle en ressent le besoin, il est là, même par simple message. Peut-être seulement comme ça, pour commencer. Est-ce vraiment une bonne idée ? Eneko se le demande, mais il est incapable de prendre de bonnes décisions. Du bout des doigts, il effleure son visage, puis ce sourire très léger qui se dessine sur son visage, qu’il ne voit pourtant pas, mais qu’il sent. L’éclairage du portable s’est éteint depuis quelques minutes déjà. Eneko secoue la tête, parce que tout comme elle ce sera trop difficile de l’appeler pour seulement l’entendre, même s’il en ressent le besoin. C’est une torture. Alors même si elle le lui dit, même si ça le touche, même s’il voit là une occasion… Il décline. « J’ai besoin d’oublier. » D’oublier elle, dans les bras d’un autre. D’oublier celle qu’il aime entrouvrir la bouche pour prononcer le prénom d’un autre, dans un acte que lui seul avait le droit de partager avec Mao. Il a besoin d’oublier ça. « Je sais que ça ne se fera pas si je te contacte. Alors, je ne le ferai pas non plus. » Alors c’est comme ça que tout prend fin ? Sur un dernier baiser en guise d’adieu ? Des caresses, tendres et des explications pour mettre les choses plus ou moins à plat ? Il n’arrive pas à réaliser. Il n’en a finalement pas envie. La lumière de l’ascenseur revient d’un coup, comme si ça répondait à sa question. Ses yeux se mettent à briller tant c’est difficile, mais il se lève et tend la main à Maona qu’il prend pour l’aider à se relever. Eneko la dévisage un instant, puis récupère le portable qui a changé un peu de place, dû à la secousse de la cabine qui reprend son trajet vers le bas. Il observe le fond d’écran, cette photo, ce sourire qu’il n’a plus envie d’arborer. « Tu devrais changer ton fond d’écran. » dit-il, en lui tendant son téléphone. Les portes s’ouvrent et l’assistante d’accueil ainsi qu’un homme de la sécurité sont là, à les attendre. Eneko se reprend, cligne des yeux pour tenter de supprimer la brillance de ses yeux qu’il espère ne plus sentir. « Nous sommes désolés, nous ne savons pas ce qui a bien pu se passer. » Eneko acquiesce d’un signe de tête, reprend son dossier par terre. « Ce n’est rien. » L’assistante, inquiète, les regarde à tour de rôle. « Vous allez bien ? » demande-t-elle, en posant son attention sur Maona, pour finir.