(Eden) A la recherche de sensations fortes

La dernière fois que je suis passé dans une boutique pour m’acheter des fringues, c’était il y a quelques semaines seulement. Je ne cherchais pas à avoir des conseils, me connaissant bien, moi, mes goûts, ce qui me va, ce qui ne me va pas, mais elle était là. Elle. Cette fille dont je ne connais pas le prénom. Cette fille avec qui j’ai passé un moment plus que surprenant. Cette fille avec qui je n’ai pas échangé beaucoup de mots, mais les gestes ont suffi à me satisfaire. Aucune dépendance, juste une attraction physique, mélangée à la frustration de ne pas avoir été au-delà. C’est tout ça qu’elle m’inspire cette inconnue que je n’étais pas censé revoir, mais la frustration aidant, je me retrouve face à la porte de ce magasin dans laquelle j’ai mis les pieds une seule fois. Je pousse la porte, jette un œil aux alentours et là, mon regard croise le sien. Tout me revient en mémoire. Je me souviens de son corps bloqué entre moi et le mur de la cabine d’essayage, de mes mains la plaquant contre le miroir, de mes yeux baladeurs sur ses formes, de mes lèvres pressées contre les siennes… Sans oublier tout le désir que j’éprouvais, qui a été mis à rude épreuve lorsque nos bouches se sont séparées en entendant la voix de sa collègue qui nous a interrompus. Cette même collègue qui est là, au deuxième guichet, sur laquelle je pose furtivement mon attention. Ce n’est pas elle qui m’intéresse, c’est la petite jeune dont je n’ai pas connaissance du prénom. C’est elle que je dévisage et qui me fait oublier, le temps de quelques minutes, l’état de ma meilleure amie, June, toujours à l’hôpital, prise en charge par les médecins qui ne préfèrent pas la laisser partir pour le moment. June avec qui le contact est difficile ces derniers jours, à cause de mon insistance auprès d’elle pour qu’elle mange normalement. « Bonjour Monsieur. » L’autre m’adresse un sourire, puis attire l’attention de mon inconnue en lui donnant un coup de coude. J’ignore si elle me reconnaît et au fond, ça m’est complètement égal. Je m’avance vers le guichet, campe en face de la petite brune. « J’aimerais un conseil… » C’est ce qu’elle m’avait donné la dernière fois. Des conseils. Du moins, elle avait essayé, avant d’être prise au piège. « Pour des vêtements. » Ou pour autre chose. « Il me semble bien qu’il y a quelques semaines, vous aviez été proche de la perfection. » Proche, oui. Je suis assez clair comme ça ou bien faut-il que je fasse un dessin pour qu’elle comprenne où je veux en venir ?

Je sais exactement ce qu’il me faut, j’y mets souvent le prix. Un bon prix et tout ce que je porte est bien différent de la marque de mes parents. Les Faure se connaissent en mode et si je n’en ai pas fait ma profession, j’ai longtemps eu les conseils de ma mère, je l’ai longtemps vu travailler, dessiner, m’expliquer sa passion, les choses à faire, à ne pas faire. Elle a la capacité de réciter toutes les grandes marques en un claquement de doigts. Mais ce n’est pas l’appel des vêtements qui me sonne, mais bel et bien celui des yeux de la petite brune que je suis dans les rayons, jusqu’à un. Elle sort une chemise que je prends, que j’observe, sans être vraiment intéressé. « Les finitions me déplaisent. » dis-je, en la remettant en place, avec un petit sourire en coin. Je jette un œil à gauche, puis à droite. Il n’y a personne dans la boutique, si ce n’est une nana que j’ai aperçu il y a quelques minutes, mais qui ne doit peut-être être partie. J’ai entendu la porte s’ouvrir et se refermer. A moins que ce soit un autre client. Je pose ma main sur le bois du porte-vêtements et la dévisage, me plait à réapprendre les traits de son visage, ses joues qui étaient devenues rouges il y a encore quelques secondes. « Comment allez-vous ? » Question basique pour nous éloigner de son devoir professionnel, mais la réponse m'importe peu. « Je ne suis pas là pour acheter des vêtements. » J’essayais d’être subtil pour éviter que sa collègue remarque quelque chose, mais je le suis moins maintenant que nous sommes ensemble, sans personne pour nous fliquer. Je fais un pas en avant, me rapproche de la vendeuse et pose une main sur sa taille, sans la quitter des yeux. « A moins de me trouver la perle rare pour que je puisse l’essayer. » C’est évidemment un clin d’œil. La dernière fois, ça s’est terminé dans une cabine d’essayage.

« Les choses pourraient être pires. » En réalité, elles le sont, mais ça ne l’intéresse pas et ce n’est pas pour m’épancher sur le sujet que je fais acte de présence, mais bien pour elle, pour ses yeux, pour ses joues rougissantes, pour son corps qui appelle le mien, pour tout ça, ces choses qui n’ont rien à voir avec les vêtements. Elle a cet air sur le visage, un air coquin, qui me donne l’autorisation d’aller plus loin. Alors comme ça, la perle rare, je l’ai entre mes mains ? Pourtant, elle m’échappe, elle s’éloigne, se rapproche des cabines et je la suis, sagement, sans la perdre de vue, en ne me gênant pas pour la reluquer de haut en bas. Elle, ses formes. Elle a toujours ce petit truc qui électrise, ce petit truc auquel j’aimerais céder une fois, pour ne plus y penser ensuite, passer à autre chose, comme à chaque fois qu’une petite bonne femme m’attire. Ce n’est que purement physique, elle doit bien s’en douter, elle joue d’ailleurs de ça, parce qu’au final, c’est elle qui contrôle la situation pour le moment. Elle peut dire oui, dire non, mais évidemment, j’en ressors avec un oui, pas dit précisément, mais elle me fait comprendre sans aucune subtilité qu’elle m’attend. Deux heures ? Je regarde les alentours, puis jette un œil aux t-shirts qu’elle a pris, qui ne m’iront jamais pour bien des raisons. C’est long, deux heures. « Dans ce cas, je peux revenir vous chercher. » Attendre aussi longtemps, dans un endroit pareil, juste pour me rapprocher d’une femme ? Jamais. Il ne faut pas non plus abuser. Je ne fais pas partie de ceux qui attendent sagement après quelqu’un pour avoir ce qu’ils veulent, je suis de ceux qui sont entreprenants, qui ne se laissent pas faire. « Ou alors… » Je récupère les t-shirt, ouvre une cabine d’essayage et les place à l’intérieur, sur un petit caisson. « Ou alors je crains avoir besoin de vous pour me donner votre avis, besoin de vous pour… replacer ce col, là. » Je désigne le col du t-shirt et après un regard autour de nous, je m’approche d’elle, sans la toucher, mais assez proche pour que nos deux corps soient presque collés l’un à l’autre. « Vous avez l’air de vous y connaître. Je peux compter sur votre aide ? » dis-je, dans un ton murmuré.

Je m’exécute, rentre dans cette cabine où je visualise cette chemise horrible, qui ne m’ira pas du tout, mais je l’essaie tout de même et en me regardant sous toutes les coutures, c’est bien ce à quoi je pensais : les finalisations ne sont pas au top, il y a un fil qui dépasse. A quoi je m’attendais ? Ca n’a rien à voir avec les vêtements des Faure, rien à voir avec les boutiques de luxe que je fréquente habituellement, mais je ne suis pas venu là pour l’acheter et la demoiselle qui rentre dans la cabine après m’avoir demandé si tout allait bien. Je me tourne face à elle, affiche un sourire, amusé par sa manière de faire, de ne pas rentrer dans les détails. « Elle me va bien ? » demandé-je, les sourcils froncés. « Est-ce un truc de vendeuse pour pousser le client à acheter ? » Mais ce qui attire mon attention, c’est la fin de sa remarque. Je serai mieux sans. Je défais le troisième bouton de la chemise, les deux premiers n’étant pas fermés, place mes deux mains sur ses hanches et la ramène plus près de moi. Cette fille me fait envie. Elle a l’air un peu cinglé sur les bords, mais ce n’est pas pour me déplaire. J’attrape son top, le retire sans attendre plus. La séduction, ça va un moment. Je ne la reverrai sans doute jamais après ça. « Il y en a une autre qui serait mieux sans. » C’est elle. Mon regard s’attarde sur ses formes, sa poitrine renfermée dans ce soutien-gorge, alors que je lâche son haut par terre. Mes lèvres s’approchent des siennes et dans un souffle, avant de lui donner ce qu’elle réclame, je demande : « De quoi as-tu envie ? » J’ai besoin de l’entendre, pour satisfaire mon égo et aussi pour la faire miroiter un peu, comme elle l’a fait précédemment en se jouant un peu de moi et de ma patience.

« Tu es toute chétive, innocente… » C’est ce qu’elle donne l’impression d’être en faisant attention aux mots qu’elle emploie. Avec moi, il est évident que j’aurais été bien plus cru que ça, parce que la peur de choquer ne me dérange pas, parce qu’on fait avec ce que je suis. Je ne changerai jamais pour quelqu’un, encore moins pour une femme qui me demande de contrôler ce qui peut sortir de ma bouche. « Est-ce si important ? » Je pourrais prononcer mon prénom, le lui dévoiler, mais je n’en vois pour le moment aucun intérêt, si ce n’est la satisfaire un peu, comme elle l’a fait en répondant à ma question. « Tu n’auras qu’à dire à tes copines que tu as rencontré un type qui t’a donné du plaisir sans connaître son prénom. » Ou qu’il a refusé de le lui donner, simplement. Elle fait ce qu’elle veut, ça m’est égal. Je pose mes lèvres sur le coin des siennes, les fait glisser dans son cou en même temps que je passe mes bras autour de sa silhouette, pour venir dégrafer son soutif. Les agrafes n’ont plus aucun secret pour moi, si bien que je défais le vêtement en quelques secondes uniquement, la libérant de son emprise. Les bretelles glissent le long de ses bras, en même temps que ma bouche sur sa peau et lorsqu’enfin, il tombe à terre, je redresse la tête pour la visualiser dans son plus simple appareil. C’est une belle jeune fille avec un corps qui m’appelle. Je reprends mes baisers, repose ma bouche juste au-dessus de sa poitrine, puis en dépose un au centre. J’appuie mes deux mains sur sa taille et la soulève, l’incite à passer ses jambes autour de ma taille afin qu’elle soit entièrement prisonnière, qu’elle ne puisse plus s’évader à l’autre bout de la cabine.

Loeiz hausse les épaules. Anonyme, ça il s’en fiche en fait. Elle pourrait connaître son prénom, son nom, qu’il n’en aurait que faire. Il n’est marié à personne, il n’a rien à cacher. C’est juste qu’il ne voit aucun intérêt à ce qu’elle le sache, ça n’a pas d’importance, ils ne se reverront sans doute jamais. Et il se connait bien, lui. Après ce qui se sera passé, il partira, ne lui adressera sans doute plus un seul regard puisqu’il aura eu ce qu’il voulait. Loeiz est comme ça. Il ne s’attache pas. Il prend, il jette et le fait sans aucun scrupule. Il se fiche bien de faire souffrir les femmes. Une l’a fait souffrir, alors c’est comme s’il lui rendait la pareille avec toutes celles qu’il touche. Les baisers s’enchaînent et lorsqu’elle lui murmure quelque chose au creux de son oreille, il relâche son emprise, la laissant reposer ses pieds à terre. « Qu’est-ce que tu crois. » Il a toujours ce qu’il faut. Il fait glisser son jeans le long de ses jambes en tirant un préservatif de sa poche qu’il lui montre. Il ne sort jamais sans ça, c’est primordial. Loeiz ne s’aventure jamais dans une femme sans se protéger. Il ne sait pas ce qu’elles ont fait avant, avec qui elles ont traîné et la demoiselle, qu’elle lui semble chétive ne change rien au fait qu’elle se trouve en sa compagnie, dans une cabine et qu’elle s’apprête à s’offrir à lui. Il se rapproche de nouveau d’elle, colle son torse contre sa poitrine et mordille son oreille, fébrile, en descendant sa main le long de son corps dénudé. Il s’attarde sur son bas ventre pour la faire réagir, pour l’entendre souffler. Il n’aime pas qu’on ne soit pas réceptif à ses caresses. Il ne pense pas qu’une femme ait simulé avec lui et si ça avait été le cas, il ne souhaite pas le savoir. Ca lui plait de se dire qu’elles prennent plaisir à ce qu’il fait, pas pour leur bien, mais pour son égo. Dès qu’il sent que c’est le moment, il lui donne le préservatif pour qu’elle le lui mette, pour que les deux corps s’unissent. Ses lèvres se scellent aux siennes afin de rester discrets. Son souffle s’accélère en même temps que le sien, ses membres se tendent un peu plus à chaque seconde qui passe. Son corps chaud répond au sien qui, d’un coup, se crispe. Le bruit sort d’entre ses lèvres, lui fait savoir qu’elle a atteint son but, alors il se laisse aller à son tour, reste en elle, la tête penchée en arrière, le temps de reprendre sa respiration, de souffler un coup et quand il trouve enfin la force, Loeiz se retire, doucement. « Peut-être qu’on se recroisera un jour. » dit-il, en jetant le préservatif dans une petite poubelle qui traîne. Il récupère ses affaires, enfile son pantalon, son haut, remet ses chaussures et fouille dans ses poches pour en sortir un billet. « Tiens, pour toi. » Elle le vaut bien, après tout.

Spoiler: