vicktoria + une chanson pour une histoire.

Elle s’arrête. Tu sais que tu n’aurais peut-être pas dû dire ça. En fait, maintenant tu devrais faire attention à tes paroles, et y réfléchir à deux fois, parce que le regard qu’elle te lance en cet instant est équivalant à une mise à mort. Et tu ferais mieux de ne pas faire le coq, parce qu’on pouvait presque voir la main de la jeune femme qui s’apprêtait à atterrir sur ta joue. Elle t’observait de haut en bas, et tu avais l’impression que le refrain de la chanson yeux revolver avait littéralement été écrit pour elle. Et c’était frustrant. « J'aurais plus de chance de me débarrasser d'une éventuelle mauvaise rencontre que de vous. Qu'est-ce que vous ne comprenez pas quand je vous demande de me foutre la paix ? » tu souris à cette question, levant les yeux, en faisant mine de réfléchir innocemment. Mais elle s’était rapprochée de toi, et, instinctivement, tu avais fait un pas en arrière. Juste un pas, et vos deux visages étaient quand même très près. Elle levait la tête vers toi, et toi tu baissais la tête pour la regarder dans les yeux. « rien, sans doute. » tu réponds simplement, sans ciller. « Qu'est-ce que vous me voulez, hein ? J'ai pas que ça à faire de m'engueuler avec vous. » nouveau sourire de ta part. Elle n’avait pas que ça à faire, mais toi si. C’était ça, qui t’intéressait. Elle n’avait pas que ça à faire. Elle était occupée. Elle ne faisait pas attention à toi. Elle te rembarrait sans aucune compassion face à ses répliques cinglantes. Et ça te donnait une irrépressible envie de la connaître plus. « simplement vous raccompagner chez vous. Une femme seule est plus abordable qu’une femme accompagnée, surtout pour les groupes d’hommes. » tu espérais que ça marcherais. Parce qu’un bout de femme comme la blonde, seule et qui marche de travers à cause de l’alcool était facilement repérable. Et qu’un homme de ta taille avait plus de chance de les intimider un minimum. Et au moins, elle ne serait pas seule s’il arrivait quelque chose. « je sais me faire discret. » tu dis, pour la convaincre que tu ne serais pas une plaie.

La tentative pour la faire céder avait marché, car, elle repart dans la direction qu’elle avait prise d’abord après un soupir et tu l’entends marmonner « Y a intérêt … » tu ouvres grand les yeux, ne t’attendant pas à ce qu’elle accepte, ou du moins, aussi facilement. Mais après tout, elle devait vraiment en avoir marre de batailler avec toi depuis déjà une heure. Une heure ? Le temps passait vite. L’agacer t’occupait assez. Mais tu espérais quand même qu’elle n’habite pas loin, car ta pause ne durerait pas éternellement, et tu n’avais pas non plus envie que ton collègue t’en veuille de l’avoir laissé le temps d’un tour de la ville avec une cliente. Tu ne l’avais pas suivie, et elle, continuait de parcourir la rue, d’une démarche rapide : ça se voyait qu’elle était énervée. Alors tu la rejoins à grandes enjambées, presque en courant, et marche à côté d’elle, aussi droit qu’elle l’était, une main dans ta poche et l’autre qui faisait des allez retours entre ta bouche pour prendre ta cigarette qui avait beaucoup réduit et le vide, pour enlever les résidus de cendre qui se consumaient. Et tu tenais parole. Tu ne parlais pas, suivais simplement la blonde, observais les rues. Les rues plus ou moins vides, avec plus ou moins d’activité. Un samedi matin comme celui-ci, c’était normal. Certains se levaient déjà pour aller au travail, d’autres rentraient à peine de soirée, complètement éméchés. Certains hurlaient dans les rues, mais en soit, c’était une nuit normale à Milady. Ta cigarette terminée, tu l’écrasas contre un mur en pierre qui se trouvait sur ton chemin et la garda en main pour la jeter dans la prochaine poubelle que vous croiserez. Cette nana serait capable de t’engueuler parce que tu avais jeté la clope par terre, alors tu préférais ne pas engendrer une autre dispute interminable. Autant qu’elle finisse sur un bon point de toi, non ? Vous entriez dans une rue résidentielle et tu en déduis qu’elle devait habiter par là. A moins qu’elle ne te le fasse croire pour ensuite faire le chemin seule. Bizarrement, tu la voyais plutôt bien te faire un coup pareil.  On est têtu ou on ne l’est pas, hein ? Vous marchez encore un peu, puis elle s’arrête. Elle entreprend de se diriger vers la porte d’entrée pour l’ouvrir tandis que tu restes sur le trottoir. Et avant qu’elle n’entre, tu lui lances d’une voix assez forte pour qu’elle t’entende, sans réfléchir. « Azel. »

« Alors au plaisir de ne jamais avoir à te recroiser Azel. » tu souris. Tu souris encore quand elle s’en retourne. Et tu souris encore plus à l’idée qu’elle t’avait, tout bonnement foutu le plus gros vent de ton histoire. Et ça te rendais fou. Dans le bon sens du terme, même s’il fallait avouer qu’il n’y avait pas vraiment de bon sens à cet adjectif, m’enfin. Tu te mords la lèvre inférieure et finit par faire demi-tour quand tu ne vois plus la chevelure blonde de ton inconnue du bar. Une inconnue au très mauvais caractère, bornée, lunatique sur les bords et susceptible. Mais elle semblait cacher d’autres choses, et tu n’avais qu’une envie : savoir ce que c’était. Tu sors ton paquet de clopes, tu saisi l’une d’elle puis tu l’allumes, et tire la première latte. Quoi qu’elle en dise, tu la reverrais. Et tu irais la trouver où qu’elle soit. Parce que tu ne connaissais pas son prénom et que tu ne comptais pas l’appeler l’inconnue du bar dès que tu repenseras à ses grands yeux bleus.