Louis | J'veux un instant de liberté.

Je me réveille tôt ce matin. Plus tôt que d’habitude. Il n’est même pas huit heures. Je m’assois sur mon lit, en tailleur, et je m’étire. Je souris, regarde autour de moi. Je me lève tranquillement, et marche vers le salon. J’ouvre la cage de Toby, mon petit cochon d’inde, pour qu’il puisse lui aussi profiter de l’espace de cet appartement. Je prends une pomme dans la cuisine, et m’accoude à la rambarde du balcon. Je vois la mer, au loin. Ce que j’aime cette vue. Je ne la changerais pour rien au monde. Il fait plutôt chaud. Une légère fraicheur matinale se fait sentir, mais la journée promet d’être une belle journée ensoleillée.

Après une bonne petite douche, j’enfile une petite robe noire. Je profite de cette belle météo pour m’habiller en mode été. J’attache mes cheveux dans une queue de cheval basse. Je mets du fonds de teint, un peu de noir sur mes yeux (signé Dalida), et un rouge à lèvre discret. Je souris, prête à partir. J’enfile une paire de derbies marron, et prends avoir moi mon sac à main et mon appareil photo, après avoir remit mon petit colocataire dans sa cage. « A ce soir boule de poils ! » Je claque la porte joyeusement, en souriant telle une enfant.

Je marche. J’adore marcher. J’ai toujours aimé ça. C’est bien plus sympa que de prendre les transports. Et puis les spécialistes disent que marcher je ne sais plus combien de temps par jour est bon pour la santé. Alors j’entretien mon petit corps de femme. Je me dirige vers la plage. C’est de loin l’endroit que je préfère dans cette ville. Si tôt le matin en plus, où il n’y a presque personne. C’est tellement paradisiaque. Sur la route, je ne peux pas m’empêcher de photographier les rues, les oiseaux qui chantent, les chiens errants qui se promènent. Je ne perds pas de temps pour enlever mes chaussures et mettre les pieds dans le sable. J’avais d’ailleurs bien anticipé ce moment, vu mon grand sac. J’aime cette sensation du sable chaud. Joyeusement, presque en sautillant comme dans La petite maison dans la prairie je vais mettre les pieds dans l’eau. Je prends l’horizon en photo. Cette infinité, cet endroit à la fois sauvage et apaisant. J’aime la vie. J’aime ma vie. Je suis une chanceuse parmi des milliards de gens. Je ne vois même pas le temps passer. Un coup dans l’eau, un coup sur le sable. Je fais des allés retour. J’observe chaque détail que je peux immortaliser. Il y a de plus en plus de monde. Et puis, vient ce moment où j’aperçois un homme, appareil photo à la main. Je m’approche. Derrière lui, je m’exclame joyeusement. « C’est le meilleur endroit pour les photos, vous ne trouvez pas ? »

Le bruit des vagues l'emporte. Le soleil vient à peine de pointer le bout de son nez, Louis l'attendait avec impatience. Cela faisait maintenant quatre heures qu'il trainait dans les rues de Biarritz tel un chien errant, pourquoi rentrer chez lui ? Il savait qu'il ne dormirait pas de toute façon.

Il devait être une heure du matin lorsqu'il s'était réveillé en sursaut de son canapé, la télé hurlant les informations de nuit. Il avait pris grand soin d’insonoriser et d'isoler chaque cloison de cette maison dès les premières semaines de son emménagement. Le t-shirt plein de sueur collé sur son torse, il se lève, la tête qui tourne, la nausée qui monte. Il n'y a qu'un seul remède, mais il n'y a pas le droit, il doit se calmer comme il le peut, chasser ses cauchemars, penser à autre chose, quelque chose qui l'anime, qui le rend vivant. Il n'y a pas de femmes pouvant le satisfaire cette nuit, la compagnie d'une prostitué ne l'enchante pas, le mécanisme du travail, ce jeu auquel elle se prend, ce manque de chaleur ne l'attire pas pour le moment.

Il déplace la petite table basse, roule le tapis et ouvre cette trappe qui donne sur son petit monde à lui, son petit paradis. Il descend les escaliers qui grincent sous chacun de ses pas et tire sur la chaine qui pend au plafond pour allumer la pauvre ampoule. L'endroit est plutôt petit, comme un cocon. Tout de même assez grand pour y mettre un gros fauteuil noir, posé sur un tapis légèrement vieillot, face à une petite télé suspendue au mur doté d'un magnétoscope et d'un lecteur dvd. Dessous se trouve une table qu'il a fait lui-même. En réalité, ce n'est qu'une grande planche de bois posée sur deux tréteaux qui fait toute la longueur du sous-sol. Sur cette table de fortune, des piles de cassettes avec des noms aussi étranges les uns que les autres, quelques sous-vêtements féminins, deux trois petites photos de plusieurs femmes. La plupart n'ont pas plus de vingt-six ans. Sur le mur du fond à droite, derrière le fauteuil, se trouve une table de dessin, des feuilles éparpillées dessus. Des femmes dessinées, encore des femmes. Des femmes dans des positions improbables, sexuelles, soumises. Une revient, plusieurs fois, toujours le même visage avec de bonnes joues...

Dissimulé derrière un énorme poster, une porte à gauche sur ce même mur du fond. Il cache son "laboratoire" l'endroit qui lui permet de développer ses photos. Le plus impressionnant reste la décoration de ces murs. Des photos, collées partout. Pas un centimètre carré de libre. Des brunes, des blondes, des rousses, tout un tas de femmes prises en photo et exposant pour certaines leurs nudités avec une certaine timidité. Il prend son appareil photo, déposé là à la hâte et ressort de son nid en prenant soin de le dissimuler comme il le faut.

Le bruit des vagues l'emporte. Le soleil vient à peine de pointer le bout de son nez, Louis l'attendait avec impatience. Il regarde l'océan qui se déploie face à lui, pour une fois, il ne pense a rien et se laisse transporter par le chant des mouettes et de la légère brise. " C’est le meilleur endroit pour les photos, vous ne trouvez pas ? " Il ne s'attendait pas à ce qu'on vienne lui parler, il se retourne à demi, surprit et heureux de voir qu'une jolie jeune femme soit venue à sa rencontre sans avoir besoin de forcer le destin. Et c'est ce qu'il aime le plus, qu'elles viennent d'elles même se jeter dans la gueule du loup. " Je vous l'accorde " Il lui sourit puis regarde l'océan au loin comme s'il se remémorait un doux souvenir. " C'est également le meilleur endroit pour faire de jolies rencontres " Il laisse le doute planer. Parle-t-il d'elle ? Il inspire profondément et se retourne pour de bon face à la demoiselle. " Je m'appelle Louis, enchanté ! " Il lui tend la main en lui souriant de ses dents parfaitement alignées et blanche, ce sourire qui lui a ouvert tant de porte.

Je souris. Je le regarde. Il a un charme fou. Un charisme rare, vraiment rare. Je baisse les yeux. Son regard bleu me trouble. Non Louane, ne commence pas. Je me raisonne. J’essaye de me raisonner. Pourquoi faut-il toujours que je parte loin, très loin ? Garder les pieds sur terre, ce n’est pas quelque chose que je sais faire. Pourtant, ce n’est pas faute de faire des efforts. C’est plus fort que moi. Il faut que je me fasse des films, que je parte à rêvasser à l’autre bout du monde, si ce n’est sur Jupiter. Il me ramène au moment présent. Le meilleur endroit pour faire de jolies rencontres. Je rougis, sans oser le regarder à nouveau. Si ça se trouve il ne parle pas de moi. Mais son sourire en dit long. Il est mystérieux. Il est charmant. Stop Louane ! Je ne peux pas. Je ne dois pas. J’ose enfin le regarder quand il se présente. Je dois être rouge comme une tomate, même si j’essaye de me calmer et de le cacher au maximum. Je lui tends la main à mon tour. « Louane. » Je me présente avec un large sourire, suivi d’un léger rire qui m’échappe. Une présentation en bonne et due forme.

Je souris en regardant autour de moi. « Vous venez souvent ici ? » J’ai beau essayer d’être moins curieuse, je n’y arrive pas. C’est plus fort que moi, ça aussi. Je veux toujours tout savoir, tout le temps. J’accepte que les gens aient des secrets, mais je dois faire un effort considérable. Parce que oui, dans mon monde à moi, le monde des bisounours, personne n’a de secret, la guerre n’existe pas et il y a des licornes. Je ris. J’aimerais tellement que ce monde existe. Il va me trouver folle à rire sans raison apparente. Je ne vis pas pour être triste, prostrée dans mon coin. Alors oui, il m’arrive de rire aux éclats, juste en pensant à une licorne.

Je le regarde. Je n’arrive plus à me détacher de son regard. C’est un bel homme. Un très bel homme. Vas-y Louane, lance toi. De toute façon, je ne suis pas du genre à tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. « Est-ce que je peux vous prendre en photo ? » Je souris, lui montrant mes petites dents. Je dois avoir la tête d’une fille de cinq ans qui demande une autre part de gâteau à ses parents. C’est innocemment que j’ai cette tête. En fait, je n’ai pas du réellement grandir. Une bouille d’ange, c’est ce que tout le monde me dit. Pars avant qu’il ne refuse, Louane. En plus, je ne sais pas pourquoi je lui demande ça, parce que je n’ai pas pour habitude des portraits ou photos de personnes. Du moins, pas les personnes qui posent. Je préfère prendre les gens au naturel, à travers un paysage ou une situation qui les sublime.