reckless w/ Luka

« Luka, prépare ton speedo moule-boules. Ton prince vient t'chercher dans dix minutes. Ramène  des capotes au cas où.  » -

Texto envoyé, Axel range son téléphone cellulaire dans la poche de son jean, traversant la rue, l'anse de son sac de sport sur l'épaule. Il joue avec le trousseau de clefs, un sourire sur les lèvres. La soirée qui se profile a le don presque occulte d'invoquer toute la fourberie dont il peut faire preuve. Il peut compter sur son camarade pour donner à ce qu'il mijote, une dimension particulière. Le brun est bien placé pour savoir la pression que le blondinet vit au quotidien et peut donc se permettre de s'improviser couille dans le bouillon, à l'occasion, pour aider l'étudiant slash mannequin slash père de substitution à se relaxer un peu. Si Axel est le genre d'énergumène à charrier les ennuis avec brio,  il est également connu pour servir de grigri à tous ses potes qui galèrent. Il s'arrête devant sa voiture de sport (chère, polluante à souhait, ne dépassant jamais les 50 en ville, autrement dit : une arnaque) dont il ouvre la portière pour pénétrer dans un habitacle tout de cuir recouvert. Une option ayant coûté une bagatelle, à dire vrai, il n'a pas senti la dépense. Puisqu'il a ponctionné son fond de placement aux yeux et à la barbe de ses parents. Il jette le sac sur la banquette arrière, jette un regard au rétroviseur avant de se la jouer Prost. Les routes françaises sont mal barrées et la couche d'ozone aussi, d'après le vendeur qui lui a refourgué la caisse. (…)

« Tu descends, princesse ? Je klaxonne depuis 5 min' et vu la gueule du voisinage, j'préfère pas trop m'attarder. T'as vu ton carrosse ? »

Le brun attend, tapotant le volant, phares allumés. Il s'extasie stupidement face à la nuit qui s'étend, partout, drape les immeubles d'un voile sombre. Elle regorge de promesses, songe Axel dont les mains résistent à la démangeaison. Il n'a pas pris ses pilules, il en prend toujours, pour envoyer chier insomnie, les idées qui germent, toujours lorsqu'il pose la tête sur son oreiller. Mais, son oreiller n'est qu'un souvenir dont il chasse l'image pour la remplacer par celle d'une silhouette qui se découpe en ombre devant. Il klaxonne à nouveau, Sainz, s'il réveille la grosse boulette du premier, elle sortira la tête par la fenêtre pour le saluer poliment comme elle a l'habitude de le faire. Il attend, rien ne se produit, déception s'incline face à la joie d'voir son pote. « Ça va la smala Galdeano ? Pleures surtout pas, Luka. Tu les reverras dans quelques heures tes moineaux ». Sur ces paroles, il démarre après avoir sommé son acolyte de mettre sa ceinture.

Texto. Kaecilia se rue sur mon portable, alors que je tiens Clare dans mes bras, elle dort. C’est vendredi, alors elle a droit de rester dans le salon avec nous. Sloan est endormi lui aussi. Mon bras fait le tour de ses épaules, sa tête est posée contre mon torse. C’est pour ça que je ne regrette pas ce que je fais, que je ne leur en voudrais jamais pour cette vie difficile que je mène pour que nous soyons ensemble, pour qu’ils se portent bien. Je les aime tellement que je ne peux pas faire autrement. Ce qui m’importe, c’est eux. « C’est Axel. » dit-elle, en me lisant le message qu’il m’a envoyé. Je lâche un soupir, en demandant à Kaecilia de lui répondre qu’il ne devrait pas venir, que je manque de disponibilité, mais Kae décide pour moi, refuse de répondre par la négative, parce qu’elle aime bien que je sorte un peu, parfois, trouve que je ne prends pas assez soin de moi, que je ne pense tout simplement pas à moi et je ne peux le nier, mais je ne changerai pas. Je suis un grand frère avant tout le reste. « Kae… » « Allez. Axel va klaxonner pendant dix piges si tu ne viens pas, jusqu’à ce que tu cèdes, comme la dernière fois. » Elle a raison. Axel est déterminé quand il veut, alors j’acquiesce d’un signe de tête, fais un gros câlin à Clare et à Sloan en les libérant. J’emporte Clare que je dépose dans son lit et fais de même avec Sloan que je recouvre d’une couverture. Je culpabilise toujours lorsqu’il s’agit de les abandonner, mais lorsque j’entends klaxonner à l’extérieur, que je comprends qu’Axel est là, je ne recule pas, attrape ma veste et dépose un baiser sur la tempe de ma frangine en lui demandant de refermer derrière moi et dévale les escaliers jusqu’à la voiture de mon pote. Je m’attends à ce qu’il me reparle de mon absence de la journée à l’entraînement, mais je ne mentionne rien, m’engouffre dans la voiture. « Ouais, ça va, ils dorment, sauf Kae. » Je claque doucement la portière et attache ma ceinture. « Je déteste sortir comme ça, tu sais bien. Et toi, ça va ? » C’est difficile de faire autrement, trop dur de se séparer de mes terreurs. C’est plus fort que moi, faut toujours que je m’en fasse et ça me sembl justifier. Il n’y a personne pour s’occuper d’eux à part moi. « Où est-ce que tu m’emmènes ? Qu’est-ce que t’as prévu pour ce soir ? » demandé-je, en le fixant, tout en m’efforçant de me détendre un peu.

« Alors comme ça, Kaecilia va bien » - il sourit de toutes ses dents, Axel, confortablement installé derrière le volant de sa bagnole, enfoncé comme le pacha qu'il a l'impression d'être dans son siège, il se sent comme sur un petit nuage. Et surtout d'humeur : «  dis lui qu'il se peut qu'j'attende qu'elle soit assez vieille pour lui faire ma demande » - humour de traviole, Axel adore taquiner Luka en menaçant de s'en prendre à sa cadette. Il est évident qu'elle a beau avoir la jolie bouille galdeanienne, il se respecte suffisamment et respecte suffisamment son grand pote pour se tenir à carreau. « Elle est réveillée et même pas elle vient me faire un petit coucou ? » Il serre le volant et déboîte instantanément. Un sourire bandit lance l'assaut sur son faciès tandis que son passager le dévisage, expectatif. Sainz hausse les épaules, il s'en bat les couilles de son inquiétude de frangin qui porte trop de responsabilités sur ses épaules, Axel. Même s'il salue son tempérament, l'exacerbation de cet instinct protecteur qu'il ne peut que comprendre. Même si c'est louable et adorable, c'est un comportement étouffant qui bride et qui tend à former de futurs assistés. Sainz moralisateur scelle ses lippes et reporte sa pleine attention sur la bande qui louvoie droit devant. « Comme tu peux l'constater, je pète le feu. J'ai essuyé avec zèle la gueulante du coach t'haleur. Un Sainz survit toujours » - de toute façon, ce sacré coach est toujours énervé, à croire que le monde n'est pas assez bien pour sa personne survitaminée. Axel l'admire tellement qu'il serait capable de vénérer le sol qu'il foule de ses pieds. Puis, Luka a besoin de repos. Il sait comment monter à la tête, le brun, il connait l'art de la feinte et a l'impression d'en avoir défini toutes les règles. « Princesse panique à ce que j'comprends ? » - il se poile, Axel, lorsqu'il ose un regard vers son ami qui le regarde avec ses billes toujours sceptiques. Il reporte ses yeux devant. « Tous les dérapages de ce soir seront contrôlés » - insiste-t-il, décidant d'instaurer le suspense, ce qui ne pourrait vraiment pas faire de mal au blond assis à côté qui se la joue toujours maniaque du contrôle. Sécheur, songe-t-il, baissant la vitre de son côté pour laisser s'engouffrer dans l'habitacle la brise nocturne. L'espagnol élude et il le fait avec maestria. Il veut hurler à son acolyte des RESPIRE. Mais il se contente d'allumer la radio, Radio courtoisie, radio de la france réelle et de la francophonie émet sur les ondes, il change aussitôt remplaçant la voix d'un pro le Stylo contre celle d'un rappeur américain. « Le coach s'est déchainé aujourd'hui, j'me suis demandé s'il n'était pas sous amphétamine l'espace d'une minute » - d'ailleurs, ses muscles endoloris le supplient de ne rien tenter de très acrobatique dans la nuit. Il roule, les immeubles disparaissent et bientôt, ils sont remplacés par de la verdure. « Au fait, t'as amené ton maillot ? » - finit-t-il par lancer, une fois le véhicule immobilisé..

Je lui donne un petit coup à l’épaule. C’est de la taquinerie, évidemment et ça m’amuse dans le fond. J’affiche d’ailleurs un large sourire, montre toutes mes dents à mon tour. « T’inquiète, je t’aiderai à choisir la bague de fiançailles, ma sœur peut avoir des goûts de luxe, parfois. » dis-je, sur un ton malicieux. Je sais très bien qu’il ne tentera jamais rien avec Kaecilia, même dans trois ans, lorsqu’elle aura l’âge de tomber amoureuse de mes amis. Je le prendrai mal. Je ne veux que son bonheur à ma frangine, mais mes potes savent qu’on ne touche pas à la famille, comme on ne touche pas aux petites amies, ni aux ex d’ailleurs, ce que j’ai fait avec Sacha il y a peu de temps. Tu parles d’un bon pote. « Peut-être que si tu fais demi-tour et si tu montes boire un coup, elle te fera un petit coucou. On peut encore… » J’essaie tant bien que mal de trouver un bon argument qui lui fera faire marche arrière, mais je doute que Kae en soit un. Je cale ma tête contre la vitre, observe les paysages sombres défiler et lâche un soupir en imaginant le coach gueuler. Il m’attend au tournant, c’est certain. Ca fait quelques jours que je manque les entraînements, par manque de temps. « Et c’est quoi la raison de son mécontentement cette fois-ci ? » Une habitude. A chaque fois, il me tombe dessus pour des raisons qui me passent par-dessus, ou pour d’autres qui me touchent beaucoup plus, qui concernent mes performances. J’aimerais être parfait, j’aimerais rendre mon père fier de moi. « Non, pas vraiment, je ne sais juste pas à quoi m’attendre. T’es pas prévisible comme petit ami. » dis-je, taquin, éclairant mon visage d’un sourire. « Il s’est levé du mauvais pied ? Mon absence est peut-être pas si mal tombée. » La voiture s’arrête et j’essaie tant bien que mal de deviner où nous sommes sans arriver à trouver la réponse, mais une chose est sûre, c’est qu’il doit y avoir un peu d’eau quelque part. « Nan, pourquoi, j’aurais dû ? Il se passe quoi dans ta tête, Sainz ? » J’ai rien de tout ça, pas de maillot et s’il ne me l’a pas dit, c’est parce qu’il savait que même si j’en avais besoin pour piquer une tête, cet accessoire ne serait pas si nécessaire que ça. Suffit juste de retirer mes fringues et de rester en boxer. Ca ne me fait pas peur, je l’ai déjà fait. « Tu m’as amené ici pour fricoter avec moi dans l’eau, un truc comme ça ? » J’ouvre la portière, la claque derrière moi, profite de l’air frais. Autant jouer le jeu, même si mon esprit est encore chez moi. Peut-être que je devrais le laisser faire, me laisser un peu aller, penser un peu à moi.

Il l'admire, beaucoup, Luka. Il cache cette admiration derrière des discours où le sérieux est remplacé par cette propension maladive à vouloir alléger l'atmosphère et à vouloir que le quotidien puisse revêtir quelques couleurs. Il l'envie, beaucoup (surtout). Et même s'il lui donne des :" franchement, ma vie me convient pleinement" la traduction de tout ce qui est implicitement dit donne plutôt quelque chose comme " mec, ça t'dirait qu'on échange nos lifes ?". Les sourires caches-misères esquissés avec conviction, Axel a l'impression qu'en la matière, ils sont malheureusement allés à bonne école. Il se fiche pas mal de l'entraineur qui veut des résultats, il est là pour ça, pour que ses poulains aillent loin et qu'ils l'entraînent dans leur ascension ( dont ils finiraient par lui imputer la réussite associée, par loyauté). "T'oses poser la question ? Ma parole t'as du culot" siffle Axel, dardant un regard sidéré sur son pote qui souffre le martyr. Seuls quelques kilomètres ont déjà été parcourus, autrement dit, pas la mer à boire. Hallucinant à quel point le blond est lié à sa smala. Peut-être qu'Axel l'envie également pour cette raison là. Lui n'est pas qu'un connard qui évolue en solo depuis ses premiers cris. Lui, c'est un adulte responsable. Sainz pense même que sa mère serait ravie de lancer une procédure d'adoption. Ceci dit, Luka représente déjà un frère à ses yeux sans les inconvénients associés comme par exemple le caractère inaltérable. Avec, il sait que tout se passe au conditionnel et c'est de cette façon qu'il préfère conjuguer sa vie. Il rit alors qu'il retire les clés du contact orientant l'angle de son regard , clignant théâtralement des sourcils, un sourire gargantuesque placardé sur sa bobine comme une publicité de choix pour la débauche. "T'as raison. J't'ai amené dans c'coin perdu pour te foutre à oilpé et profiter d'ce corps d'adonis ". Il s'extirpe du monstre, Luka en fait de même. De là où ils se tiennent l'eau n'est pas en vue mais, une musique s'élève à une centaine de mètres de là. Et cela répond en partie aux questionnements de son camarade. Axel hausse les épaules. " J'ai pensé que t'avais grandement besoin d'te glisser dans la peau d'Axel Sainz, rien qu'un soir" à ce propos, "j'ai un peu raconté à toutes les nanas présentes que tu sortais d'une rupture sentimentale expliquée par la mort subite d'ta petite amie écrasée par un poids lourd". Il se dirige vers le coffre qui s'ouvre via une commande à distance. "Avant d'envisager le meurtre, princesse, attends de voir les canons que je t'ai dégoté". Il soulève un carton où des bouteilles se cognent les unes aux autres, une douce mélodie qui annonce bien des ivresses.

« Toujours. » dis-je, en souriant, un peu plus détendu cette fois-ci. Je le suis jusqu’à l’arrière de la voiture en riant à la remarque du nouveau Dieu Grec, toujours avec des questions plein la tête, mais elles ne servent à rien avec Axel. Faut juste que je lâche du lest, que je le laisse faire et que je ne râle pas, c’est ça ? « T’as fait quoi ? » J’ai bien entendu, mais c’est tellement gros comme délire, tellement que je ne peux faire autrement que de m’en amuser. Le connaissant, il est bien capable de faire une plaisanterie de ce style et ce sera à qui veut de le croire, ou de prendre ça à la rigolade. « Même dans ton imagination, tu ne vas pas de main morte avec moi. Faut m’le dire, Sainz, si tu m’veux rien que pour toi. » dis-je, en refermant le coffre, supposant qu’il a pris tout ce qu’il voulait et d’ores et déjà, je me permets de prendre une bouteille de bière et la décapsule, parce qu’après tout, s’il compte m’inciter à faire un peu la fête, autant que je l’aide un peu. « Et ça veut dire quoi au juste, être un Sainz rien qu’un soir ? » A quoi dois-je m’attendre, maintenant ? C’est par où ? Mais je crois que j’aime ça, en fait. Axel, c’est comme un frère, c’est quelqu’un sur qui je peux compter à n’importe quel moment, pour n’importe quoi. Pour me dire des conneries, il sait faire, pour me surprendre, tout autant. Il a l’air de deviner quand j’ai besoin de me changer les idées. J’lui dirai pas, il le sait déjà. Il doit bien le sentir. Je me casse pas avec n’importe qui à cette heure-là. Je bois une longue gorgée et penche la tête en arrière, respirant un instant l’air frais, profitant de cette liberté qu’il m’apporte pour me vider la tête, pour ne plus penser à la tonne d’informations fournies par mon avocate, ni à mes recherches d’appartement. Je m’accorde juste un petit moment de répit, en évitant de culpabiliser. Pourtant je culpabilise, je m’en veux d’être là et de ressentir un peu de plaisir. « C’est quoi la règle de ce soir ? Ne pas parler des trucs sérieux, juste profiter, ne pas déprimer, ne pas s’inquiéter de la fratrie ? Eventuellement parler de ces demoiselles que t’as invitées ? Elles viennent d’où ? »