(Gabrielle) Tu as des choses à me dire ?

J’ouvre le coffre et en sors ma valise que je fais rouler sur le bitume. Il est vingt-deux heures du soir et j’ai bien deux heures de retard. L’avion a décollé un peu trop tardivement, dû à la météo du Japon. Trop de bourrasque, ils ont attendu que ça se calme un peu avant d’envoyer l’ordre aux pilotes de prendre la route. Ca aurait pu durer plus longtemps. La chance était avec moi. Certains avions sont restés cloués au sol, d’ailleurs. C’est sans grande surprise que je constate que la porte d’entrée de la villa est ouverte. Je n’ai pas encore vu Gabrielle, mais j’ai vu son véhicule garé dans l’allée. Nous avions prévu de nous voir et étant donné qu’elle a le double de mes clés, la seule personne à les avoir, à pouvoir se rendre ici pour se réfugier, lorsque le moral n’est pas là, ou tout simplement lorsqu’elle a besoin d’espace, je ne suis pas étonné de la savoir ici. Je sais cependant que nos retrouvailles ne seront pas des plus joyeuses : le rendez-vous à l’hôpital, pris avec ce docteur qui me suit depuis que j’ai été greffé il y a de ça des années a été annulé par mes soins, pour cause d’un déplacement que je ne pouvais pas reporter. Je lâche la valise à l’entrée de la grande pièce de vie et arbore un sourire, très fin, comme à mon habitude, en faisant enfin face à mon amie, l’une des plus chers que j’ai, avec qui les choses ont démarré étrangement. Elle souhaitait rencontrer ce cœur battre, celui de son frère et malgré l’air désapprobateur de mon père qui ne souhaitait pas que je lui donne la moindre attention, trouvant ça un peu trop malsain, je me suis rapproché de cette femme, d’abord pour lui donner la présence qui lui manquait, celle de son frère qui la vidait de toute son énergie et ensuite, tout naturellement, nous sommes devenus plus que ça. « Bonsoir. As-tu reçu mon message ? J’espère que tu ne t’es pas trop ennuyée en m’attendant. » Deux heures, ça peut être long. Je l’ai prévenu que je serai en retard, afin qu’elle ne s’inquiète pas, qu’elle ne reste pas bloquée sur la télévision en attente d’une information concernant un crash d’avion. Si elle perdait ce cœur en plus de me perdre moi dans un accident, elle ne s’en remettrait jamais, alors je fais attention, j’essaie. Je fume comme un pompier, ce n’est pas le meilleur choix que j’ai pu faire, mais j’en avais besoin, aussi de me sentir comme n’importe qui, pas comme un malade à qui il est interdit de faire telle ou telle chose. Je devrais ralentir. Gaby l’ignore, ou je me plais à croire qu’elle ne s’en doute pas tant je fais attention à ce qu’elle ne l’apprenne pas, en ne fumant pas en sa présence, ni même les heures avant, afin qu’elle ne sente pas une odeur qui lui serait désagréable, qui la mettrait sur la voie. « Comment tu vas ? Tu avais quelque chose à m’annoncer ? » demandé-je, en déposant un baiser sur sa tempe, pour la saluer, puis en faisant le tour de la cuisine pour sortir deux verres.

• la maison de demetrio est luxueuse, mais tu es hermétique à tout ça. tu as trop l'habitude. ça ne t'impressionne plus vraiment. tu entres chez lui comme quelqu'un entrerait dans l'appartement normal d'un ami. sans grand émerveillement. tu fermes derrière toi, et tu allumes la lumière. il n'y a personne. c'est normal. tu avais reçu son message, te prévenant de son retard. fichue météo. tu avais envie de voir ton meilleur ami. tu jettes un œil à la pile parfaite de papier, sans fouiller. ça ne te regarde pas. t'as confiance en lui. et puis, toi, tous ces relevés de compte, tous ces devis, ça te donne rapidement la migraine. t'aimes pas les chiffres, t'aimes pas tout ce qui est boulot de bureau. l'administratif ça t'emmerde, et tu n'hésites pas à le clamer haut et fort. au moins, toi, ton métier est simple. tu dessines, tu corresponds avec les gens qui sont à l'origine du bouquin, tu proposes des concepts, vous en choisissez un et tu le développes. et pour ce qui est de ta bd, tu te débrouilles seule. tu as ton carnet dans ton sac à main de marque, d'ailleurs. tu as souvent des idées impromptues qui te viennent, comme ça. ou bien tu penses à une recherche en particulier que tu dois faire. tu passes du temps à la bibliothèque, quand tu as le temps de ne t'adonner qu'à ton projet, pour trouver des informations sur la vie à l'époque. tu passes ta main dans tes cheveux et tu fais le tour de la maison. le tour du propriétaire.
• tu étais une heure trop en avance, finalement. mais c'est pas grave. tu as dessiné. tu as toujours de quoi dessiner, et puis, sinon, tu aurais pioché des feuilles blanches quelque part dans son immense maison. un simple dessin avec tes stylos noirs, avec différentes tailles de pointes. tu poses ton matériel sur la table basse et tu te relèves. tu viens lui faire la bise. tu as toujours un peu peur quand il part en voyage d'affaires, comme ça. tu stresses qu'il y aie un accident, qu'il se fasse agresser, qu'il aie un souci. c'est ton meilleur ami, tu ne veux pas le perdre. tu connais le demetrio gentil et protecteur, au delà de la bête d'affaires qu'il est. parfois, tu te demandes comment il fait pour avoir autant d'entreprises. et puis tu te dis qu'il est fait pour ça. toi, tu es faite pour dessiner, pour vivre comme tu l'entends. tu n'es pas comme l'était ton frère. tu n'es pas malléable, tu n'obéis pas, tu n'as jamais été docile. tu es une princesse capricieuse qui obtient ce qu'elle veut. et ce que tu veux c'est être libre, et vivre d'art. « ça va. je suis arrivée un peu en avance, alors je me suis baladée chez toi. et j'ai dessiné. ça va, toi ? pas trop crevé ? » parce que le japon, c'est loin, alors les heures de voyage doivent être proportionnelles. ça aussi, tu comprends pas comment c'est possible. déjà que trois heures d'avion, tu n'en peux plus et il faut que tu bouges, alors plus ? impossible. t'es pas faite pour les affaires, même si tu voulais bien t'y mettre. il t'a demandé si tu avais quelque chose à lui dire. c'est le cas. tu as envie de prendre une cigarette, pour contrôler le léger tremblement de tes mains. mais tu ne veux pas. sa santé reste fragile, tu ne veux pas l'empoisonner avec ta cigarette. tu demandes même comment il peut supporter le parfum du tabac sur toi, lui que tu ne vois jamais fumer. tu respires calmement, avec le ventre. trois inspirations, trois expirations. tu te fais à la phrase que tu vas prononcer. et tu balances, de but en blanc, une fois qu'il a posé les verres « je suis enceinte. » tu pourrais passer par des paraphrases ridicules, mais tu es avec ton meilleur ami. c'est pas la peine. d'autant que cet état ne va pas durer.

« Pour le travail ou pour le plaisir ? » demandé-je, en parlant de ses dessins. Je ne suis en aucun cas vexé, choqué de l’entendre me dire qu’elle s’est baladée dans les lieux. Elle connait très bien cette villa et tout ce qui s’y trouve ne sera jamais perdu en sa présence. Gabrielle est sans doute l’une des rares personnes à qui je pourrais confier ma vie sans aucune hésitation, sans craindre de ce qui pourrait arriver. « Exténué. Le voyage, le décalage horaire, il va me falloir encore du temps pour m’y faire, comme à chaque fois. » Mais je m’y fais, je n’en ai pas le choix. Mes déplacements sont nombreux et le manque de sommeil se fait ressentir lorsque je quitte un pays pour un autre en si peu de temps, mais heureusement, le prochain ne sera pas avant la semaine prochaine, ça me laisse du temps pour me poser un peu. Impossible de me ralentir. Je suis cependant ravi de retrouver mon chez moi, cette ville que j’aime tant. Je m’approche de la table basse, pose les verres face à Gaby et tant mieux. Avec la nouvelle qui tombe, j’aurais pu les exploser en resserrant mes mains un peu trop fort dessus. Elles sont crispées, je suis tendu. « Cela devrait-il me réjouir ? » Mon ton se veut calme, mais intérieurement, je bouillonne. Je me redresse, reviens vers le bar et en sors une bouteille de rouge, bien que l’hésitation soit là. La bouteille de whisky me faisait de l’œil, sans doute pour me réchauffer de cette nouvelle qui n’en est pas une bonne à mes yeux. Le fait est que l’homme qu’elle fréquente n’en est pas une bonne. Je le connais uniquement avec ce qu’elle m’a raconté, mais certains détails m’ont déplu. Des détails importants, qui font toute la différence, qui risquent de la faire souffrir. « Lindon, je suppose ? » Elle n’a pas besoin de me le confirmer, la réponse est bien celle-ci. Je lâche un soupir. « Et tu comptes le garder ? » Je ne suis ni pour, ni contre l’avortement. Mon avis est neutre. Lorsque ça arrange. Les femmes qui se font violées et qui tombent enceinte ont besoin d’avoir une issue de secours, de savoir qu’elles ne sont pas obligées de vivre toute leur vie un drame de leur vie. C’est certainement très égoïste, mais j’aimerais que la réponse soit positive. Garder un enfant avec cette relation catastrophique… C’est foncer droit dans le mur. Je pense à Gaby avant tout. Je retire le bouchon et verse du vin dans nos deux verres. Je crains que nous n’ayons rien à fêter, avec tout ça, mais j’ai bien besoin d’un verre pour avaler la chose.

• il te demande si tu as dessiné pour le travail, et tu lui réponds simplement « pour le plaisir. j'aime toujours autant ça. » il ne répond rien au fait que tu te sois baladée, et tu t'en fais à peine la remarque. c'est normal. il te fait confiance, comme toi tu lui fais confiance. tu as le privilège de voir le vrai demetrio, tu n'irais pas trahir cette confiance. et puis c'est ton meilleur ami, enfin. pas un de ces enfarinés avec qui ta mère fait des affaires -comme le père d'avery, par exemple. c'est pas quelqu'un qui te serre la main, ou qui te fait un baise-main, mais plutôt qui t'embrasse la tempe pour te dire bonjour. il t'explique qu'il est fatigué, et tu culpabilises déjà de ce que tu vas lui annoncer. il est crevé, il n'a pas besoin de ça en plus. et puis tu le connais, il va s'inquiéter pour toi, il va s'énerver, ce n'est pas bon tout ça, pour lui. mais tu ne peux pas lui cacher ça. tu peux mentir à ta mère, tu peux te taire face à ton père, mais tu ne peux rien faire de tout ça avec deme. tu veux juste lui dire la vérité. que les choses deviennent un peu plus réelles dans ton esprit aussi. tu le lui annonces, et tu le vois se crisper. tu te mords la lèvre, tandis qu'il va chercher une bouteille de vin. il suppose l'identité du père, mais d'un ton qui te fait comprendre qu'il n'a pas vraiment besoin que tu le lui dises. il le sait. il est au courant de ta relation avec avery, tu le lui as dit. c'est ton confident, parce que malgré ce que tu essaies de faire croire, tu ne peux pas tout garder pour toi. tu ne peux pas faire semblant en permanence et tu es incapable de te mentir à toi-même. sauf quand tu es persuadée d'une chose. mais quand tu sais la vérité, tu ne peux pas l'occulter de ton esprit. c'est comme ça. et il te pose cette question, à laquelle tu connais déjà la réponse. tu as déjà tout prévu. tu n'es pas faite pour être mère. tu ne t'es pas précipitée, tu t'es posée pour y réfléchir sérieusement. mais, sans être égoïste, en ne pensant qu'au bien-être de ce môme, ce ne serait pas une bonne idée de le garder. « non. je ne vais pas le garder. j'ai rendez-vous avec le médecin, après-demain. t'es le seul au courant. »
• tu as pensé, un instant, à en parler à ta mère. mais elle t'aurait alors demandé d'officialiser ta relation avec le père de ton enfant, de te fiancer et te marier, pour qu'il ne soit pas vu comme un bâtard ou un enfant illégitime. ça aurait été un moyen de montrer à la famille lindon que tu étais aussi capable de renouveler votre famille. et en apprenant l'identité du père de ce gamin, elle aurait été folle de rage. et elle t'aurait certainement imposé une option que tu as choisi toi, toute seule. « parce que même, imaginons que je le garde, il n'y aurait aucun moyen pour qu'il connaisse son père sans que ça crée des ennuis. tu devineras jamais ce qu'il a annoncé, l'autre figlio di... il va se marier. et sa dinde est enceinte, elle aussi. on aurait des emmerdes à n'en plus finir. ce n'est pas ce que je veux pour lui, ou elle. et puis, tu sais très bien que je ne veux pas d'enfants, et que je ne serais pas une bonne mère. je ne les supporte pas, alors tu m'imagines avec un morveux dans les bras ? » non. ce ne serait pas toi. tu es attachée à la vie tranquille que tu as, déjà assez chamboulée comme ça par lindon. pas la peine d'avoir une copie de lui à la maison. tu profites de la vie. ru ne veux pas te poser, tu ne veux pas vieillir, tu ne veux pas te dire qu'il est tant pour toi d'arrêter tout ça, et de commencer à être un peu plus sérieuse dans tes relations avec les gens. tu ne veux pas ressembler à tes parents. c'est comme ça. « et n'essaie pas de me faire changer d'avis. tu me connais, tu connais la situation, et tu sais aussi bien que moi que ce ne serait pas une bonne idée que je le garde. » tu as ton accent italien qui refait son apparition, un peu plus appuyé que d'habitude.

Elle ne va pas le garder et je ne montre aucune réaction sur mon visage, reste de marbre. La vérité est que je suis soulagé. Je suis convaincu que si elle gardait cet enfant, elle aurait des ennuis, elle perdrait sa liberté et serait lié à cet homme qui se fiche bien de ce qu’elle pourrait ressentir. C’est bien ce qu’il prouve en la lui donnant la place de la cinquième roue du carrosse, une femme avec qui il partage des moments intenses, mais qu’il cache derrière un rideau afin que personne ne s’en préoccupe. Il mène sa double-vie, comme si c’était une chose normale et tant que Gabrielle accourra dans ses bras, pourquoi donc irait-il se priver ? Il a de quoi profiter. Ce n’est pas un homme bon. Je ne le connais pas assez pour le juger, mais je ne suis pas en position d’être très objectif. Gabrielle est ma plus proche amie, c’est tout ce qui importe. Tout ce que je dirais, que ça lui fasse plaisir ou non, sera toujours en fonction de ce que je jugerai bon pour elle. Je la laisse parler, sans l’interrompre, arque un sourcil, fronce l’autre lorsqu’elle me demande de ne pas la faire changer d’avis. « A dire vrai, je n’en avais ni l'envie, ni l'intention. » A-t-elle réellement pensé que j’allais être la voix inverse de la raison ? « C’est une bonne décision. » dis-je, en avouant enfin le fond de ma pensée. Ca pourrait en choquer plus d’un. On parle de meurtre, pour les plus extrêmes : tuer un enfant. Mais cet être qui grandit en elle n’a même pas la forme d’une crevette, il faudrait voir les choses différemment. Si l’IVG existe, c’est qu’il y a une raison et ça m’arrange. « A quoi tu t’attendais ? Qu’il allait mettre un terme à sa relation pour tes beaux yeux ? » C’est sec, brutal, mais c’est un ton que j’emploie la plupart du temps. Je ne suis pas tendre dans ma façon de parler, elle y est habituée, même si ça ne lui plait pas toujours. « S’il en avait vraiment envie, il l’aurait fait depuis un bon moment maintenant, alors avec tout le respect que j’ai pour toi, ce n’est pas plus mal qu’il te l’ait avoué. Peut-être que ça te donnera la force d’arrêter ce petit jeu dans lequel vous vous êtes embourbés. » Un jeu que je ne trouve pas clair. C’est malsain, ça me déplait et je ne le cache pas. « Pour te répondre, non, je ne t’imagine pas avec un enfant dans les bras. Mais il parait que supporter les gamins des autres et les siens, ce sont deux choses différentes… » dis-je, avec une petite grimace, sceptique. Le fait est que je suis exactement comme elle. Je ne supporte pas les enfants, je ne suis pas à l’aise en leur compagnie. Plus ils sont éloignés de moi, mieux je me porte. Ca ne m’empêche pas d’être touché par toutes ces maladies qui les touche et de donner des fonds à des associations. Je m’avance vers elle avec nos deux verres, lui tends le sien, mais plisse les yeux, hésitant. « Tu bois ? » Ca me saute aux yeux, maintenant que j’y pense.

• s'il y a bien une chose que tu apprécies chez ton meilleur ami, c'est sa franchise. il cherche toujours ce qui est le mieux pour toi et n'hésite pas à te dire quand tu fais fausse route. ensuite, il te laisse faire tes propres choix. mais des fois tu devais l'écouter un peu plus. abandonner cette relation malsaine, qui finira par te faire courir à ta perte. arrêter, tout. éviter ce type, et reprendre ton existence comme si tu ne l'avais plus jamais croisé. il te l'a conseillé, plusieurs fois, quand il a du te ramasser à la petite cuillère. mais tu as toujours été têtue. seulement, ça pourrait changer. oui. il avait raison depuis le début. tu vas avorter, tu vas aller lui dire, tu vas aller le voir, et tu vas prendre ton courage à deux mains. pas pour lui avouer tes sentiments, bien sûr que non, enfin. t'es pas dans un film et tu le sais très bien. non. tu vas lui dire que tu ne veux plus le revoir, que c'était la dernière fois que vous couchiez ensemble. que tu vas l'éviter, et que tu ne veux plus entendre parler de lui. et ce sera tant mieux pour toi. tu vivras certainement mieux. oui. c'est ce que tu dois faire. et puis sèchement, il te demande à quoi tu t'attendais. ça ne te fait rien, qu'il te parle comme ça. il ne cherche pas à être blessant, c'est dans sa façon d'être et tu l'acceptes tel quel. tu t'es aussi posé la question.
• « j'en sais rien de ce à quoi je m'attendais. j'ai été idiote. je me suis mis des œillères pour rien. je me suis laissé penser que ce n'était pas sa petite amie. qu'il n'était pas infidèle. » et tu pensais certainement que si jamais un jour, tu lui laissais entrevoir une partie de tes sentiments, si tu lui faisais comprendre que cette relation te faisait souffrir, il arrêterait tout. comme si tu n'avais déjà pas assez souffert en croyant à ses baisers et ses regards. comme si tu n'avais pas déjà assez souffert la première fois qu'il t'avait rejeté. et plutôt que de tout simplement arrêter tout ça, tu avais continué, en croyant que tu n'avais plus rien, plus de sentiments. tu as été une sombre idiote. à peine mieux que dans ces comédies romantiques que tu exècres par leur prévisibilité. et voilà qu'à cause de ta stupidité tu te retrouves avec un enfant qui commence déjà à grandir en toi. il te dit que c'est mieux ainsi. qu'il a bien fait de te le dire. mais il ne sait pas tout. il ne sait pas tout ce qu'il t'a dit. alors tu baisses tout simplement les yeux. « ce serait beaucoup plus simple s'il se mariait avec cette fille par amour. ais c'est faux. il ne l'aime pas, il subit juste les décisions de son père. » et tu trouves ça lâche. et pour toi, c'est la preuve qu'il ne ressent rien pour toi. parce que sinon il aurait au moins eu le courage d'avouer à sa famille qu'il en aime une autre et qu'il ne veut pas subir leurs décisions. même sans préciser que c'est pour toi. non. de toute manière, il est inutile d'y réfléchir, ça n'arrivera pas. parce que justement, cette idée qu'il puisse avoir des sentiments est illusoire. il profite juste, encore une fois, des tiens. il profite que tu ne résistes jamais très longtemps avant de finir dans ses bras. il te sort cette phrase que ta mère te répète souvent, mais il l'assortit d'une grimace discrète et tu rigoles doucement. « c'est des conneries ça. si tu es pas capable de supporter le moindre gosse j comprends pas comment ça peut être différent pour les tiens. » il te demande si tu bois, et tu hausses les épaules. tu prends ton verre, et tu le goûtes, du bout des lèvres. on t'a appris à déguster le vin. ça ne se boit pas cul-sec et encore moins ceux de deme.