(shane) it's midday !

l'ombre qui te protégeait du soleil n'était plus là. elle avait disparu alors que tu ne lui prêtais plus attention. à présent, ton visage ainsi que tes mains prenaient un bain de lumière et ta peau devenait rouge aux endroits les plus exposés. et tu n'aimais pas ça, cependant, tu pouvais très bien bouger, changer de place, la terrasse du restaurant était entièrement pour toi, mais tu n'avais pas envie, ou du moins, tu n'y pensais pas. tu ne pensais pas vraiment à grand-chose, en fait. tu laissais ton esprit s'en aller au rythme de la musique que jouaient les écouteurs vissés dans tes oreilles. une musique sans parole mais incroyablement reposante, ton coup de cœur du moment. alors que starwaves de m83 s'écoulait dans tes oreilles, le verre de coca-cola posé devant toi était lui aussi en train de chauffer. à moitié plein, il mettait du temps à se vider. il était ton deuxième verre depuis ton arrivée, c'est-à-dire, à peu près depuis deux heures et quart et tu ne comptais pas en prendre un troisième. donc celui-ci, tu le faisais durer le plus possible. quand la musique se termina, tu revins sur terre. tu semblais totalement posée, calme, sereine, un sourire vint peindre ton joli visage moucheté de taches de rousseur. tu avais complètement oublié le monde qui t'entourait et maintenant il réapparaissait progressivement. tu te rendis compte des nombreuses tables vides qui dansaient autour de toi, certaines baignaient au soleil et la réverbération agressait tes yeux, tu ne pus que détourner les yeux vers un endroit où l'ombre était encore reine. « quelle idée d'avoir un soleil pareil en février » tu te dis tout en frottant tes yeux du bout des doigts. jusqu'à présent, le mois de février était entièrement pluvieux ou nuageux et les rayons de soleil étaient rares, mais ils semblaient avoir vaincu la pluie pour quelques temps et de ce fait étaient un peu trop heureux, se réjouissaient trop vite et frappaient fort. trop même, mais tu ne t'en plaignais pas, même si tu préférais largement la froideur de la pluie, le soleil faisait du bien quand même. tu retiras tes écouteurs, de suite l'air plus froid que tes oreilles vint te décrocher une avalanche de frisson et les bruits, ah ces bruits que tu avais recouvert plus tôt pour quitter ce monde à bord du bateau du capitaine crochet, se firent entendre. le bruit des pieds qui frappaient le sol, certains pressés d'autres moins, le bruit des verres qui s'entrechoquaient à l'intérieur du restaurant dans lequel tu te trouvais ainsi que les bavardages qu'il lâchait. ces bruits de la vie, ceux que tu aimais entendre malgré tout. peut-être qu'tu allais mangé ici, pour pouvoir les prolonger et prolonger ce calme que tu aimais tant. tes yeux étaient rivés sur la chaise vide d'en face et tu ne pensais vraiment pas qu'elle serait sans doute occupée plus tard.  

Il y a des journées que vous appréciez plus que d’autres. Il suffit d’un petit plus pour la rendre belle : un sourire radieux en guise de bonjour alors que vous venez à peine d’ouvrir les yeux. Un enfant qui rit aux éclats alors qu’il croise votre chemin pendant votre footing, un soleil brillant de milles feux en plein mois de février. Il ne faut pas grand-chose pour rendre un homme heureux. Rien ne saurait entamer votre bonne humeur parce que ces petites choses vous ont rendu invincible le temps d’une journée. Les cours, il ne les a pas vus passer jusqu’à la pause déjeuner. Tout s’est passé sans encombre, les secondes ont bien rigolé devant un épisode de South Park, et les premières s’étaient prêté au jeu d’une petite scénette à jouer à deux. Certains avaient d’ailleurs un bon talent d’écriture. Il avait hâte de rejoindre sa petite-amie pour le repas, et il se pressa pour quitter le lycée en temps et en heure. Il avait beau avoir deux heures de battement, le temps passait à une allure folle. Alors qu’il se garait dans le centre ville, il reçut un message : sa copine était contrainte d’annuler leur déjeuner. Mais il n’allait pas laisser la déception le gagner n’est-ce pas ? Il irait quand même manger en ville, seul. Il n’y a pas de mal à cela. Cependant, il n’est pas en Irlande, et la légende qui dit que vous ne restez seul que cinq petites minutes n’a pas d’usage ici. Quand il y repense, il se dit qu’il a une formidable capacité d’adaptation. Les mœurs ne sont pas les mêmes entre l’Irlande et la France. Il y a tant de choses qui divergent, ne serait-ce que sur la nourriture et les habitudes les plus simples. Mais les Français sont surprenants et agréables, bien qu’ici, il soit rare que l’on se retrouve sur Airbnb pour partager sa maison avec des étrangers à un prix plus avantageux qu’un hôtel. Pour autant, Shane aimait la France. Si l’Irlande restait son pays de cœur, l’endroit où il voudrait finir ses jours, il ne regrettait pas d’avoir choisi le Sud-Ouest de la France pour démarrer sa carrière parce qu’il avait rencontré des gens admirables, et pas seulement français. Il y avait Jonny, le prometteur rugbyman du Biarritz Olympique avec qui il avait tissé une relation plus que fraternelle, et après leur conversation sur le stade, entrecoupée par des pénalités bien tapées, il s’était mis en tête de donner un petit coup de pouce à son ami qui semblait tétanisé à l’idée de franchir un cap pour sa carrière car cela remettait en question pas mal de choses, dont son couple. Il aurait l’occasion de parler à Maïtena à propos des doutes et des inquiétudes de son ami, ça ne faisait aucun doute. Levant la tête en quittant sa voiture, il se dirigea vers le petit restaurant où il avait l’habitude d’aller avec sa copine et y trouva dans une grande surprise assise seule en terrasse, un coca devant elle. Une aubaine pour lui de rencontrer une tête connue. Guilleret il s’approcha d’elle, lui faisant de l’ombre de par sa stature, et lui lança : « Salut Maïtena, t’es toute seule ? » Souriant de façon radieuse à la jolie rousse, il proposa alors : « Je peux me joindre à toi pour déjeuner ? C’est moi qui offre ! » Après tout, c’était le cas tous les midis avec sa copine, autant ne pas changer les bonnes habitudes.