(Gabriel) Vous avez mal ?

Il a réfléchi. Monsieur Leroy m’a gentiment remercié par le biais d’un intermédiaire, se fichant de payer mes honoraires privés. Il trouve que je ne serai pas à la hauteur, que mon discours n’était pas suffisant pour le convaincre de me faire confiance. Mes chaussures dépareillées de la dernière fois ont eu raison de moi. Un simple détail peut faire pencher la balance et ce n’est pas en ma faveur. Au téléphone avec un agent de police que je connais très bien, mais qui, ces derniers temps, me fait la tronche pour avoir accepté de défendre le tueur de son collègue, s’attarde avec moi, bien plus serein que d’habitude. Contrairement à moi, il trouve cette situation arrangeante. « Il faut y voir un avantage. En voulant se défendre seul, il est bon pour la prison. » C’est ce que tout le monde souhaite. Je ne dis pas que ce qu’il a fait n’est pas mal, que je cautionne son acte… Mais je ne suis pas d’accord sur le fait qu’il soit seul devant des requins qui vont le bouffer. « Putaiiiin. » Je râle, penche la tête en arrière en faisant les cent pas dans le sable. J’étais censée venir bouquiner, ne pas répondre aux coups de fil pour quelques heures, mais lorsque j’ai vu que c’était lui, je n’ai pas pu résister, faisant le lien avec mon affaire en cours. « Zen. Pas la peine de jurer comme ça. » Et bien que je comprenne pourquoi il se montre aussi désinvolte, moi, ça m’énerve. En plus, ma réputation est en jeu, elle aussi ! Déjà que j’ai été viré la dernière fois, alors que j’étais au tribunal, que je m’apprêtais à défendre mon client… Maintenant, si un meurtrier d’agent de police ne veut même pas de moi, je crains vraiment pour la suite. « Il faut faire quelque chose. » « Il n’y a rien à faire. » Je ne peux vraiment pas compter sur lui. Je donne un petit coup de pied dans le sable, ronchonne de nouveau, sans arriver à trouver quoi faire. « Essaie de le convaincre, tu me connais plutôt bien. » C’est l’une des personnes qui m’a vue évoluer. Il sait que je suis maladroite, mais il sait aussi que je donne tout pour ceux qui m’engagent, ou ceux qui n’ont pas le choix d’être avec moi, quitte à passer des nuits blanches, entières à réviser sur mon sujet, préparer mon argumentaire. C’est tellement de pression, mais j’aime ça et je me doute qu’au fil des années, avec l’expérience, les choses changeront. Je serai moins stressée à l’idée d’entrer en scène. « Pourquoi je ferai ça ? Je te signale qu’il a tué un de mes collègues. Un ami. » « Je sais… » Je souffle. « Laisse tomber Jolene. De toute façon, l’épouse de Mark a engagé un meilleur avocat. Il t’aurait bouffé toute crue. » Mon sang ne fait qu’un tour lorsqu’il me dit ça. Je le prends pour moi, je me sens plus bas que terre. « Tu sais quoi ? Je t’emmerde. » Enervée, je raccroche. Il a peut-être raison, finalement. « Je te déteste, putain, je te déteste ! » Je n’ai jamais autant juré de ma vie qu’aujourd’hui. Furieuse, je continue de tourner en rond et m’arrête brusquement, lançant mon portable devant moi. Lorsque ce dernier atterrit en pleine figure d’un homme, mes yeux deviennent ronds, mon calme cède à la panique. « Mon Dieu, mon Dieu. » Je lâche mon sac, m’approche d’un pas mal assuré vers le blondinet et pose une main sur son épaule. « Je suis désolée, vraiment désolée, désolée, désolée. Est-ce que ça va ? » L’autre main sur ma bouche, je me sens tellement navrée, le cœur battant à cent à l’heure. J’ai total déconné encore une fois.

Courir me détendait et je partais dans ma bulle touts les matins et tous les soirs. Quoique, le soir ça devient compliqué, ma petite soeur ne supportant pas de rester toute seule dès que la nuit est tombée. Je vais donc plutôt courir en fin de journée, pour oublier les tracas de la journée et rejoindre le dernier membre de famille totalement. Ce jour-là, le soleil était au rendez-vous et je décidai d'aller courir sur la plage, un endroit que j'aimais beaucoup dans cette nouvelle ville. J'avais promis à ma petite soeur de ne pas faire long, n'allait donc courir que quelques kilomètres avant de la rejoindre et de m'occuper d'elle. Les écouteurs de mon portable dans les oreilles, j'oubliais tout ce qui se passait autour de moi, n'écoutant plus que le rythme de la musique et le bruit de me coeur. J'oubliais lentement la mauvaise journée que je venais de passer, j'oubliais le nombre de chambre que j'avais nettoyé avec la mère de Rory et j'oubliais surtout qu'une nouvelle fois, je n'avais pas retrouvé ma jumelle. Alors que je pensais être seul sur la plage, un objet non identifié atterrit au milieu de mon front, ce qui me stopper net. Est-ce que je venais de recevoir un freesby ou une balle en pleine tête ? Alors que je baissais lentement la tête, une main m'aggripai et je vis en même temps à mes pieds un portable. UN PORTABLE ? Non  mais qui avait eu cette idée ? Je savais qu'il y avait des gens bizarres dans toutes les villes, mais alors là. Je relevai lentement la tête, de peur de me recevoir un nouvel objet en pleine tête et mon regard tomba sur une séduisant jeune femme, entrain apparemment, de me parler mais vu que j'avais encore ma musique dans les oreilles, je ne comprenais rien à ce qu'elle était entrain de me dire. Rapidement, je retirai un de mes écouteurs et le son de sa voix me parvint plus clairement. C'est vous qui ? Question stupide, question que je ne finis même pas, parce que c'était évident que c'était elle qui avait essayé de me tuer avec un portable. Ne vous en faites pas, j'ai la tête dur. J'aurais simplement une bosse durant quelques jours. Un bon moyen pour ne pas vous oublier. Et voilà. je ne pouvais pas m'empêcher d'à moitié la draguer, mais bon, la pauvre était tellement paniqué, que je n'avais rien trouvé d'autre à dire. Drôle de moyen de draguer, c'est une nouvelle mode ? Un léger rire s'échappa pendant que je me baissais pour ramasser le portable. Tenez. je vous rends votre arme du crime.

Le Monsieur Blond a la parole ! Et j’en suis soulagée. Il a l’air de bien se porter, mais je m’inquiète tout de même et observe son visage, son front, sans oser le toucher davantage. « Oui, je suis désolée, quand je suis énervée j’ai tendance à casser des objets et en balancer d’autres… C’est tombé sur vous. » Ah la boulette. Je me hisse sur la pointe des pieds pour apercevoir un peu mieux l’endroit où mon portable a décidé de se cogner. Un léger bleu, en apparence. Celui-ci risque de prendre plus d’ampleur d’ici quelques heures, s’il ne met pas une crème dessus et bien sûr, formera une bosse, chose dont il a conscience, mais il n’en a que faire. Amusée par son rentre-dedans, j’affiche un large sourire. « Au moins, on ne peut pas dire que vous ayez perdu la tête. Vous savez ce que vous faites. » Même si c’est dangereux, finalement. Toujours est-il que je préfère qu’il prenne ça avec légèreté, plutôt qu’il me tombe dessus en me traitant de tous les noms d’oiseaux. A sa place, c’est ce que j’aurais été capable de faire, impulsive, un peu trop entière, parfois.

Je lâche un rire à sa tentative d’humour, ou ce que je crois être de l’humour et récupère mon portable. Il n’a même pas une fine rayure, juste du sable sur le clapet. S’il avait été foutu, pour le prix auquel je l’ai eu, ça ne m’aurait pas dérangé de le jeter. Vingt euros. C’est un appareil à l’ancienne. « J’ai le don de faire très bonne impression, à la première rencontre. » C’est ironique, bien sûr. Justement, soit on me prend pour une cinglée à éviter, soit on s’en amuse, mais généralement, on a un souvenir de mon passage et je n’en suis pas toujours fière. « Je peux faire quelque chose pour votre tête ? Je dois avoir une trousse de secours dans ma voiture, de la crème pour atténuer la douleur, pour prévenir des bosses, aussi. » Ce serait la moindre des choses que de le soigner. « Je m’appelle Jolene. Encore désolée pour… ça. » Il n’y a pas pire gaffeuse que moi, je crois. A chaque fois, j’ai le don de me mettre dans des situations improbables. A croire que je cherche les ennuis.