she burns like the sun. (romy)

tu déambules, comme toujours, dans les rues de biarritz, tu sors des voie ferrées pour rentrer doucement chez toi, avec ton skate. il fait nuit, mais t'as pas peur. t'as peur de rien et même le grand méchant loup t'affolerait pas. toi, t'es un peu comme un bonhomme. un gars qui t'saoule et tu deviens fille de la cité, tu parles mal et tu te bats s'il le faut. en vingt-deux ans d'existence, t'as jamais été embêtée par les gars du quartier et même que maintenant, tu commences à les connaitre ces gars. c'est pas ton style de les fréquenter, mais ils t'accepteraient sans doute dans leurs bandes à deux balles. tu traînes, roules sur le bitume, sens l'air frais sur ton visage, ton corps. il fait pas trop froid ce soir, et t'es bien. t'aimes bien être seule, dans le calme de la nuit, à sourire aux étoiles. sauf que.
sauf que tu la vois. par terre. putain. que tu penses fort. romy. ta romy, celle que t'aimes et que tu détestes quand elle s'énerve. romy à qui tu tiens tête, romy avec qui t'aimes manger des pizzas en écoutant la musique à fond. t'approches d'elle à toute allure sur ton skate et tu t'arrêtes juste devant ses pieds. la tête amochée elle reste belle. romy, avec ses airs de lionne et de fille boudeuse, elle est toujours belle. elle a ce truc que toutes les autres filles que tu connais n'ont pas : la rage. putain mais t'as foutu quoi encore, romy ? pas de "ça va ?" parce que tu sais que ça va plus ou moins. et puis romy, elle dira jamais si ça va mal. romy elle dit toujours ouais et puis c'est tout. tu la regardes, avec sa comète sous l'œil, et tu soupires un peu, mais fort pour qu'elle l'entende bien et pour que ça l'énerve. en plus t'es moche maintenant avec ton bleu. t'aimes bien l'embêter, même quand elle est pas d'humeur. romy et lou, c'est comme ça. c'est une amitié qui dure depuis des années, alors vous pouvez vous permettre des vannes à tout va, ça vous blesse même plus, vous êtes trop habituées. romy assise sur le trottoir comme une pauvre fille, tu lui tends la main, signe de ton amitié. t'aimes pas vraiment la voir au sol, et puis romy au sol, c'est jamais bon signe, alors vite qu'elle se lève. allez viens, lève toi romy. romy dit pas grand chose, mais tu la connais par cœur, tu sais qu'elle va exploser, comme une comète qui entre en fusion et s'écrase sur le sol. elle explose toujours avec toi ou les autres. sauf avec opaline peut-être, parce que opaline est trop pure, trop douce. et toi, t'es lou, la louve. t'as peur de rien, pas même d'une romy en rogne.

allongée sur un trottoir, tu regardes la bouche d'égout. t'as oublié depuis combien de temps t'es là. à la base, tu t'étais juste assise et puis la fatigue a pris le dessus et t'as voulu te coucher quelques minutes pour te reposer avant de reprendre ta route. puis t'as oublié. alors t'es là et tu regardes la bouche d'égout parce que t'as l'impression que vous vous ressemblez. un trou où tombe tout ce qui est sale et indésirable. ou peut-être que tu délires à cause des coups que tu t'es pris. tu sais pas. et puis tu relèves les yeux vers le ciel comme s'il t'appelait alors que selon les parents d'opaline, dieu t'a quittée depuis longtemps déjà. tu souris avant de lever ton majeur. tu ris toute seule. t'es complètement défoncée après cette bagarre, tu captes plus rien, en fait. tu gardes ta main en l'air, tu l'observes comme si tu venais de la découvrir pour la première fois. putain mais t'as foutu quoi encore, romy ? ça, c'est la voix de lou, tu reconnaitrais sa voix même si tu pissais le sang avec vingt verres dans le nez. ce soir, t'as juste quelques bleus et t'as seulement bu sept verres. seulement. qu'est-ce que t'as encore foutu, romy ? une connerie, pour changer. tu sais qu'elle le sait déjà, c'est un peu rhétorique comme question. c'est toujours des conneries de toute manière quand tu finis avec la lèvre éclatée et du sang sur tes phalanges. tu sais qu'elle va te faire chier par rapport à ça, ça t'énerve déjà alors tu lui fais des gestes obscènes avec tes mains quand elle te dit que t'es moche. t'es vraiment qu'une connasse, lou ... tu dis ça comme ça, mais tu le penses pas vraiment. lou, c'est vraiment la copine en or, toujours là quand t'as besoin d'elle et puis même si t'as pas besoin d'elle, elle est là. toujours de bons conseils ou toujours à t'entrainer dans des coups foireux. lou, elle est là pour toi, pour opaline, pour les autres. alors quand elle te tend la main, tu la saisis sans hésitation. tu retombes sur tes fesses et t'essaies tant bien que mal de rester dessus. tu clignes des yeux une fois, deux fois, peut-être même quatre ou cinq fois pour t'éclaircir les idées. alors déjà, de un, c'toi la moche là, tes cheveux ont l'air gras, ok ? tu la pointes de ton doigt pas très stable, il divague de droite à gauche parce que t'es pas trop sûre de où elle est ta louve. puis de deux, bah, j'ai encore gueulé avec bendo. tu hausses les épaules. c'est quelque chose de fréquent, mais ce soir, c'était différent, t'as presque failli dire des mots interdits. t'as presque failli montrer la fille que tu veux masquer à tout prix. alors j'ai été au bar pour boire. non, c'est pas avec bendo que tu t'es battue, l'histoire est bien plus longue que ça. la nuit a été longue pour toi, romy. mais maintenant que tu as trouvé lou, c'est comme si elle ne venait que de commencer.

tu l'as déjà retrouvé par terre, toujours énervée, toujours en train d'en vouloir au monde. romy, c'est la lionne, la sauvage, une tempête qu'on peut pas arrêter. elle bouillonne, t'arrives pas vraiment à comprendre pourquoi des fois. c'est une furie, ta furie, et toi, tu l'aimes comme ça. romy calme, c'est plus romy. ou c'est romy, mais défoncée. tu la regardes, rire toute seule, t'as envie d'la secouer, mais elle t'en voudrait toute ta vie alors tu fais rien toi. tu croises les bras, en train de jouer l'équilibriste sur ton skate. romy, elle te fait rire en fait, à te faire des gestes malpolis, des gestes qu'elle te fait tout le temps et que tu lui fais aussi. l'amitié vache, c'est la votre, clairement. ça se voit à trois kilomètres que romy, elle est ivre. ivre de la vie, ivre de tout. elle t'insulte, tu l'prends bien. tu peux pas le prendre autrement venant de ta tempête. putain regarde-toi. tu dis ça un peu pour la critiquer. t'aimes pas quand elle fait ça. t'aimes pas retrouver ta romy mal en point, ta romy avec le cœur cassé. elle attrape ta main et retombe presque aussitôt après s'être levée. sur le coup, ça t'fait marrer, parce que tu t'attendais pas à ça. s'tu veux j'vais m'laver les cheveux et j'te laisse jouer à la sdf toute seule. tu dis ça pour rire. romy, jamais tu la laisseras. romy, tu seras toujours là pour elle, même pour faire un coup à la con à quelqu'un. romy, c'est ta partenaire pour les conneries, pour la grosse bouffe et pour les engueulades. tu lui tiens toujours tête, parce que t'as pas peur, t'as peur de rien toi et c'est pas elle qui te ferait peur, non. des fois, c'est violent romy et toi. des fois, les voisins tapent au plafond de vos appartements parce que vous criez fort. mais c'est comme ça, deux volcans qui explosent. deux comètes qui s'écrasent. et puis le sujet qui revient. bendo. tu lèves les yeux au ciel. encore lui, toujours lui. bendo, celui qu'on te dit de laisser tranquille, mais bendo toi, tu l'aimes pas. il fait mal au coeur de romy, il fait mal au coeur de opaline. j'vais aller lui parler moi à ton bendo. romy, j'en ai marre de te retrouver dans des états pas possible à cause de ce gars. c'est vrai, tu vas aller l'voir. tu vas crier fort, aussi fort que romy quand elle s'engueule avec lui et p't'être qu'il arrêtera de casser des cœurs. bendo tu le connais pas, mais c'est pas un bon gars, t'en es sûre et romy et opaline, elles méritent le meilleur, pas lui. tu soupires et tu t'assois à côté de romy. ok, si tu veux en parler, j'suis là. au final, ça se termine toujours comme ça. t'es là. toujours là. et ça sera toujours comme ça. lou l'amie attentive et franche. tu peux pas laisser romy comme ça. pas ta romy. tout le monde, mais pas elle. t'aimes pas, la voir assise au bord d'un trottoir, la lèvre en sang. tu comprends pas trop pourquoi elle est en sang d'ailleurs. sûrement qu'elle s'en est pris à des pauvres filles dans un bar, comme d'hab.

tu l'écoutes plus la louve, tu tu fixes le vide. tu repenses à tes déboires de la soirée. tu repenses à bendo, à ce que tu as essayé de lui dire. tu te souviens de ses lèvres sur les tiennes, de ses mains sur ton corps, de ses yeux dans les tiens. pourquoi ça te suffit pas, romy ? pourquoi t'as besoin de tout compliquer, romy ? pourquoi t'as besoin d'amour ? t'es qui pour demander quelque chose de bien à la vie ? t'es qui, romy ? t'es personne. et tu mérites rien. t'as envie de crier, de te déchaîner, de libérer l'ouragan de sentiments que t'as en toi. et pour une fois, tu le fais, c'est sans doute l'alcool. lou, t'as déjà eu l'impression que tu valais rien et qu'être heureuse, tu le méritais pas ? ton ton est calme et sérieux. t'empestes bien l'alcool, t'es pas dans ton état normal, mais t'es bien consciente de ce que tu racontes. c'est la première fois que tu déballes ton sac comme ça. même opaline et lou, elles t'ont jamais vues comme ça parce que c'est pas toi. tu peux être romy la fragile, la vulnérable. toi, t'es la dévastatrice, tu veux que les autres aient peur de toi, qu'ils te fuient parce que peut-être que comme ça, ils auraient tous la chance d'être heureux, sans toi. t'es pas certaine que toutes ces pensées aient du sens. tout se bouscule dans ta tête et t'es complètement paumée. tu passes une main dans tes cheveux en soupirant. putain, lou, qu'est-ce que je fous de ma vie ? tu baisses la tête, une main de chaque côté de tes tempes. t'es au plus bas. t'es vide, romy, vide d'amour. t'as besoin qu'on remplisse ton coeur, mais tu sais plus vers qui te tourner. apparemment, ce soir, l'alcool ne t'arrête plus alors tu parles, tu parles, tu parles encore. depuis qu'alexis est parti ... tu marques une pause pour te remémorer la jour où il t'a quittée sans rien dire. c'est lou qui t'avait appelée pour t'avertir ce jour-là, il y a cinq ans. tout ce que vous aviez retrouvé dans sa chambre, c'était un mot, un désolé sur un petit bout de papier tout chiffonné. un gars de la bande, un gars de ta vie, le gars de ta vie qui n'était plus qu'un souvenir de vos vies. depuis qu'il est parti, tu reprends, je repousse tout le monde ... parce que tu vaux rien, romy. tu mérites pas l'amour, romy. tes sentiments remontent et tes larmes aussi. ça fait des années que t'as pas pleuré, mais apparemment cette nuit, t'as l'alcool triste. tu sanglotes doucement. je sais que ... que ... opaline ... tu laisses ta phrase en suspens parce que tu sais qu'elle sait. lou, ça a toujours été la bonne épaule pour se poser, celle avec des conseils de merde, mais au final, c'est toujours à elle que tu te confies. tu oses enfin relever la tête vers elle, les yeux mouillés, l'état déplorable et l'âme brisée. dis-moi qu'est-ce que je dois faire, lou ?