MINA + (coeur de cactus et coeur mécanique)

• raph' était dans un putain d'état déplorable. ouais. il ne valait pas mieux que les déchets qui vagabondaient un peu plus loin, et qu'il avait l'habitude de regarder avec tant de mépris. il est sept heures du matin et il est encore complètement shooté. il essaie de ne pas trop en faire, pour ne pas sombrer dans pire que simplement l'ecstasy. il essaie de garder la tête haute. surtout que bientôt, on est mardi. il ne peut pas se permettre d'être un junkie. sa petite sœur, la prunelle de ses yeux. il sait qu'elle s'inquiète. elle n'a pas besoin de le lui dire. il la connaît comme si elle était sa fille. comme si il avait vue naître. il connaît chacune de ses expressions, des petites moues sur son visage, notamment parce qu'il en a dessiné une grande partie. il sait qu'elle s'inquiète. qu'elle se demande ce qui ne va pas, chez lui, ces derniers temps. l'homme horloge se dérègle, petit à petit. les rouages sont sur le point de sortir, le coucou va bientôt exploser. et chaque petite aiguille de son cœur, chaque engrenage volera, emporté aux quatre vents. et il se retrouvera sans cœur, juste une sorte de créature de chair, prisonnière de son désespoir. elle le fuit. il n'y a pas besoin d'être un devin pour le savoir. elle le fuit, et ce n'est rien que de sa faute. il ne sait pas quoi faire. il essaie d'anesthésier sa souffrance. il essaie d'oublier qu'il l'aime. il essaie d'oublier que ça lui fait peur. parce qu'il a vu ce que ça faisait d'aimer, de trop aimer. il a été le bourreau trop longtemps. il sait que c'est son tour d'être la victime. d'être la planète sur laquelle le comète mina va s'écraser. et l'enflammer. pour mieux le détruire. pour ne laisser du petit cœur de raphaël que des cendres et des ruines. il a peur de souffrir. mais surtout, il a peur de ce qu'il pourrait se passer après. après qu'il aie enfin trouvé cet éternel éphémère. après qu'il aie trouvé ce qu'il cherche depuis tant d'années. il a peur de l'inconnu autant que de l'amour raph'. alors, il se plonge dans ce qu'il connaît. il se plonge dans le dessin, et dans la débauche, plus fort encore. il y laisse ses petites ailes d'artiste pur, mais peu importe. à quoi bon voler, s'il n'a plus de fée à aller chercher en haut des étoiles ?
• il erre dans les rues encore vides de biarritz. est-ce qu'il sait où il va ? non. il se contente de marcher. au final, si, son inconscient sait où ses pieds le mènent. mais il ne s'en rend pas compte. c'est quand l'odeur parfumée des l'herbe mouillée et des fleurs qui s'épanouissent doucement. il a le cœur qui se dérègle peu à peu. il a envie de gerber. il a envie de fuir. il ne va pas réussir à la regarder, si elle le voit. il veut prendre ses jambes à son cou, mais apparemment, tout le monde n'est pas d'accord dans sa tête. alors, ses pieds le mènent à l'intérieur de la boutique, dont la porte a été négligemment laissée ouverte. comme si, quelque part, elle n'attendait que ça. qu'il entrer. il y a des fleurs partout. suspendues au plafond, groupées. il voit sa chevelure de feu en déborder. il a envie de déposer les jolis coquelicots qui sont là, dans sa toison rousse, et de la dessiner. il veut la dessiner. il veut remplacer tous les tableaux qu'il a détruit ou saccagés, mué par sa colère. elle se penche un peu, certainement qu'elle l'a entendu. certainement pour lui signaler qu'elle n'est pas encore ouverte. elle a une sorte de petit pistolet à eau, le genre qu'on utilise pour dresser les chiens, qu'elle utilisait certainement pour asperger ses plantes. il devrait dire quelque chose. mais il est dans un état lamentable. et il sent, oui, il sent les engrenages appuyer contre les parois de son cœur, cherchant à déborder, cherchant à exploser. il devrait dire quelque chose, mais il reste là, plongé dans un mutisme qui ne lui ressemble pas. un mois et demi. un mois et demi, bordel que c'est long. il a l'impression de la redécouvrir, là.

• elle lui demande ce qu'il veut. elle le vouvoie. elle fout une putain de distance entre les deux et raph', malgré le brouillard dans lequel il évolue, il sent son pauvre cœur se briser en mille morceaux. tout ça c'est de sa faute. c'est de sa faute, si maintenant elle le vouvoie. si elle le traite comme le premier client venu. comme s'il n'avait aucune importance. parce qu'il lui avait en gros fait comprendre qu'elle n'avait pas d'importance pour lui. qu'elle n'était qu'une fille de plus. qu'il ne voulait que deux choses : qu'elle offre son corps et son cœur à l'artiste, mais aussi à l'homme. il aurait voulu devenir son tout. mais elle était pas comme ça, mina. elle était pas comme les autres filles. elle était une étoile, à des dizaines de centaines de milliers d'années lumières. elle ouvrait pas les cuisses, comme ça, à la première oeillade. il recule d'un pas. il a l'impression de s'être planté de galaxie. de pas être allé là où il le devrait. de s'être perdu. mais ça il le sait. il a pas besoin de se retrouver face à elle pour savoir qu'il s'est perdu. qu'il a tout planté, tout merdé. il aurait jamais dû l'embrasser. et surtout il aurait jamais dû lui dire une chose pareille. insinuer que tout ce qu'il voulait c'était coucher avec elle. parce que c'était faux. il voulait pas la baiser. il voulait la sublimer du bout de ses doigts de pianiste, de ses doigts-pinceaux. il voulait retracer ses courbes avec la peinture de ses baisers. il voulait tracer des constellations entre ses tâches de rousseur. il sait qu'il y en a dans son dos, sur ses épaules, sur ses bras. il aimerait savoir, non pas d'une curiosité presque perverse, juste une curiosité amusée, si elle en a aussi sur le ventre. et puis, il veut retrouver ses lèvres papillons, qui caressent et qui mordent. il veut retrouver tout ça, mais ce n'est pas possible. et il ne peut s'en prendre qu'à lui-même. il a qu'à être moins con.
• alors, il baisse les yeux. il cherche ses mots. il ne sait pas quoi lui dire. il devrait s'excuser. ou bien partir. mais il ne peut pas. parce qu'elle est là, devant lui, depuis un mois et demi. parce qu'il se rend compte que c'est elle qu'il cherchait dans la foule. que c'est elle qu'il attendait de voir à un carrefour, dans un bar, à ses soirées. que c'est parce que les autres ne lui ressemblaient pas qu'il n'était pas tant inspiré, depuis le moment où il lui avait dit de partir. il se mord la lèvre. il a l'air d'un déchet. il est complètement défoncé. mais il n'est pas sûr de lui, il ne sait pas ce qu'il veut. il ne réfléchit pas. il plonge sa main dans sa poche, récupère un cachet et le glisse à sa bouche. il a besoin de rester dans le brouillard. au moins, là, il ne souffre pas. il va finir par s'étaler sur le carrelage, et rester sur le carreau s'il continue sur cette voie. tant pis pour lui. « je... je voulais voir un coquelicot. je... je sais pas ce que je fais en ce moment. » il devrait dire qu'il n'y arrive pas sans elle. il voudrait le dire, mais les mots ne sortent pas. ils restent bloqués dans sa gorge. ils tentent de l'égorger de l'intérieur, pour pouvoir s'échapper dans un flot de sang, mais ce n'est pas possible. alors, les couteaux-papillons se remettent à bouger dans son estomac. il baisse la tête. « c'est trop dur » qu'il murmure « j'ai même plus envie de dessiner. » il peut plus. il veut sa muse. celle qu'il imagine, sans mal, volante, volage, comme les comètes, comme les épiphanies, comme l'éphémère qu'il traque depuis qu'il a conscience de son talent.

• elle lui tend un coquelicot. et il le prend. il le tient délicatement entre ses doigts. il regarde sa corolle rouge et il a la gorge qui se serre. pourquoi il peut plus la tenir comme ça hein ? il veut pas d'une fleur. il veut sa fleur. il veut la voir s'ouvrir au soleil, la voir s'épanouir sous son regard et balancer ses pétales au gré du vent. mais il avait merdé. il l'avait perdu. la fleur, il l'avait balancée au fin fond du champ. et tout ce qu'il lui restera d'elle c'est ce coquelicot. elle en a d'autres dans les mains, la fleur sauvage, son opium. elle lui dit que c'est une jolie fleur. et il la regarde. y a des larmes invisibles dans son regard. il a besoin de pleurer. il a besoin de sentir son toucher délicat. il besoin de la dessiner. il en crève. il en crève de douleur, de manque, et de peur. il a peur de ce qu'il se passera après. il a peut de voir son coeur brisé. il a peur de souffrir. et puis il a peur de la nouveauté, du changement. il a peur de se retrouver accro, plus qu'il ne l'est déjà. il a peur de se retrouver collé, attrapé dans la toile de l'amour. il a peur de s'approcher de trop du soleil-mina, de se brûler les  ailes et de se noyer dans la mer. "j'en ai vu un magnifique. une fois. puis je l'ai abîmé. il baisse les yeux. évidemment, il fait référence à... ce qu'ils avaient. le peu qu'ils avaient. c'était au moins ça. plus d'elle, c'est pire que juste la voir de loin. c'est moins douloureux. au moins elle est là. au moins elle le regarde. puis elle laisse tomber les fleurs. comme il l'a laissée tomber. et elle presse doucement son bras. elle le supplie du regard. il baisse  les yeux. non, il a plus envie de dessiner. "non. j'en ai plus envie. tenir un pinceau, ça me donne envie de vomir. je... y a plus rien qui m'inspire. j'ai plus envie parce que..." il prend une grande inspiration. c'est pas son genre de dire des choses comme ça. mais il est pas dans son état normal. il est défoncé, encore. "parce que t'es pas là."
• il évite son regard. il a envie de vomir. il se sent mal. il sait qu'il vient de faire une énorme connerie. il aurait jamais dû dire ça. il regarde son coquelicot et il se baisse pour ramasser les autres. il les pose sur une table. il pleure. il s'en rend pas compte mais il pleure. elle lui manque, elle lui manque et il le supporte pas. il caresse doucement son visage, en évitant son regard. il a besoin de sentir sa peau sous ses doigts. il veut la serrer dans ses bras. il prend un coquelicot et le glisse dans sa chevelure rousse. ça lui va bien. tout lui va bien. il sait pas quoi dire. "pardonne moi. s'il te plaît. jsuis bon qu'à faire des conneries." il l'aime. il assume pas mais il l'aime. il a des sentiments pour elle, son coeur appelle, crie le prénom de mina. il la veut pour lui, il veut la prendre dans ses bras, il veut qu'elle soit rien qu'à lui. il la veut dans son lit, il veut ses sourires, il veut ses rires. il veut son coeur. il le chérira. il en prendra soin de celui là. il supporteeait pas de le blesser, de l'écorcher. mais il peut rien promettre. c'est dans sa nature d'être un connard. il a jamais été autrement. Il a jamais été amoureux non plus. il retire sa main. il veut pas casser son visage de porcelaine. il veut pas abîmer sa douce candeur, sa délicatesse. son sourire innocent, son regard pur. il veut pas détruire tout ça. jamais il ne se pardonnerait une telle chose, il le sait. il veut qu'elle soit heureuse parce que jamais une si jolie muse ne devrait se sentir malheureuse. il ferme douloureusement les yeux. il essaie de réfléchir. mais il n'y parvient pas,avec tant de drogue et d'alcool dans le sang. il est misérable et pathétique. ses yeux rouges et ses pupilles étrécies balayent la pièce du regard. il est tombé dans un autre univers encore. mais celui ci est bien moins source de tourments et de souffrances que les yeux de son ancienne muse. il se doute qu'elle ne veut plus de lui. qu'elle ne lui pardonnera jamais d'avoir été si cruel. de lui avoir laissé croire qu'elle était exceptionnelle et unique, là où il ne comptait seulement que sucer jusqu'à la moelle tout ce qu'elle pouvait lui apporter, pour la laisser seule, et vide, comme un coquille sans rien à l'intérieur. mais elle avait toujours été différente. par l'univers qu'elle avait, par sa grâce, par sa manière de tenter de disparaître quand il la faisait poser pour lui. et puis pour tout ce qu'elle lui faisait ressentir.
• il la regarde. il se perd dans ses yeux-galaxies. il aimerait retourner dans le temps. ne pas l'embrasser. et pourtant... pourtant il avait tellement aimé poser ses lèvres sur les siennes, les caresser tendrement, profiter de leur goût si floral, comme si les fleurs l'avaient accepté comme des leurs. sa miss acacia, toute en finesse, en délicatesse, dont se dégageait un parfum si tentateur. mais il recule d'un pas. il ne veut pas refaire cette erreur. l'effrayer de nouveau. et puis il aurait peur qu'elle comprenne les sentiments qu'il a pour elle. qu'elle en veuille. son pauvre coeur blessé et meurtri par tant d'égoïsme ne demande qu'à donner, mais l'artiste le retient, endigue ce flot d'amour qui effraierait autant mina qu'il effraie raph'. il baisse les yeux encore une fois. il essaie de retenir ses larmes, tellement le fait de voir la rousse en face de lui sans pouvoir la toucher lui est douloureux. [i]"j'ai saccagé une partie de mes tableaux. certains en particulier." il avoue ça sans la regarder. il sait qu'elle aime ses tableaux. il sait qu'elle aime voir le soin qu'il apporte à ses oeuvres, la manière dont il les chérit. elle va lui en vouloir il n'en doute pas un seul instant. il a détruit tout ce qu'il lui restait d'elle. parce qu'il ne la mérite pas. parce que tout ce qu'il parviendra à faire de cette muse de cristal, c'est la briser en un millier de morceaux. briser son corps et son coeur et la laisser se disséminer aux quatre vents, jusqu'à devenir millions de grains de sable. elle s'envolera, et elle sera partout autour de lui, mais surtout nul part devant ses yeux. il se mord la lèvre. il essaie de relever ses yeux. mais il n'y arrive pas. "pardon." qu'il murmure doucement, de façon presque inaudible.

• elle lui rappelle que c'est de sa faute si elle n'est plus là. si elle ne vient plus illuminer l'atelier de sa joie solaire, de son regard amusé, et de ses gestes légers. les aiguilles de son cœur se retournent contre lui, et l'homme horloge se sent transpercé de part en part. il a l'impression que cette lame, qui lui cisaille la gorge depuis qu'il est entré dans la boutique, est devenue cent mille haches qui ne cessent de le torturer, créant de profondes incisions, des plaies béantes dans son cœur malade. il regrette. il regrette chaque geste, chaque mot, chaque lettre qu'il a prononcé ce jour maudit. il hait l'homme insupportable, prétentieux et égocentrique qu'il a été. il méprise cet immonde personnage qui se joue des femmes, qui les utilise uniquement pour s'élever dans l'art. il se méprise comme il avait méprisé le personnage de Bel-Ami. il n'étais pas si différent de lui au final. le coquelicot est pris dans le givre, pour se protéger, pour continuer à vivre sans être abîmé par les mains grossières et terreuses de l'artiste mauvais. le givre pique, le givre blesse. et raphaël a le cœur blessé au bord des lèvres. il a le goût du sang au fond de la gorge. il a un désert dans l'estomac, qui le tire vers le sol. et il a les chutes du niagara qui sont prêtes à couler de ses yeux. il se hait pour avoir entraîné une telle situation. il se hait d'avoir repoussé le feu-follet, gracile et rapide. alors il lui caresse la joue, comme pour marquer à jamais, à l'encre noir, dans son esprit, la sensation, les parfaites irrégularités de sa peau. il aimerait l'embrasser. lui offrir un baiser au goût de regret. au goût d'amertume, un baiser-pardon. un baiser d'adieu aussi. parce qu'il ne peut pas. il ne supporte pas. il ne supporte pas de voir la déception, la colère, dans ses iris pourtant si sereins habituellement. elle s'insurge. et lui ne dit rien. il se contente de regarder le sol. parce que tout ce qu'elle dit est vrai. parce qu'il ne sait plus parler. parce qu'il ne sait plus quoi dire. il sait que s'il prononce le moindre son, les larmes vont redoubler et les sanglots vont arriver. il se sent assez misérable comme cela.
• en détruisant les tableaux, en les recouvrant de peinture brute, pas même mélangée, en déchirant la toile peinte avec tout ce qu'il a pu trouver, il n'a pas seulement détruit ses œuvres. il n'a pas seulement cherché à se blesser lui. mais il a détruit toute trace d'une possible relation entre eux. il avait eu des couples qui s'étaient mal terminés avec ses muses. qui s'étaient même très mal finis. mais pas à ce point là. il avait fait disparaître mina de sa vie, là où tout ce qu'il espérait, c'était la revoir. elle abat ses petits poings sur le torse maigre de raphaël et il prend doucement les mains dans les siennes, plongent son regard humide dans celui de la jeune femme. il aimerait la serrer dans ses bras, mais il n'ose pas. il l'a assez blessée comme ça. il l'a assez effrayée. son corps appelle le sien d'une manière nouvelle pour lui. il ne veut pas coucher avec elle. pas une seule fois cette pensée traverse son esprit. le seul contact qu'il désire est platonique. la seule chose qu'il veut c'est sentir son cœur battre contre le sien. c'est sentir sa peau sur la sienne, et la caresse de ses cheveux de feu dans son cou. tout ce qu'il veut c'est mina, dans ses bras. tout ce qu'il veut, c'est elle dans sa vie. mais il a dit les choses. et même s'il regrette, il ne peut pas changer la décision qu'elle a dû prendre. celle de l'oublier. elle lui dit qu'elle ne peut pas lui pardonner, ni lui en vouloir. mais ça ne l'empêche pas de murmurer « je suis désolé, mina. si tu savais comme... comme je m'en veux... » elle se blottit contre lui et il referme ses bras autour de son corps fin. il passe sa main dans sa chevelure folle et il en hume le parfum de fleurs. « je ne voulais pas te faire tellement de mal... » qu'il souffle encore. il veut partir. il veut s'en aller, se terrer dans un coin et ne plus bouger. là, au moins, il ne risquera de blesser personne. là, au moins, il arrêtera de venir réduire en cendres ce qu'il reste de leurs cœurs.
• elle se recule et il voit les larmes dans ses yeux. c'en est trop pour l'horloge. l'horloge qui aimait la régularité, la répétition des mots et des gestes, avec chacune des femmes, la répétition du modus operandi. mais elle, elle lui fait ressentir quelque chose, pour la première fois. et ce n'est pas juste de l'amour mièvre qui coule dans ses veines, comme un miel langoureux. non. c'est de la rage. de la rage, du désespoir, de la passion, et tellement, tellement de regrets. le mécanisme se casse face à tant de pression. le cœur explose. il envoie ses rouages, et ses engrenages balader. il se dérègle. il bat à l'envers, à l'endroit. plus à gauche qu'à droite. plus à droite qu'à gauche. les aiguilles partent piquer le reste du muscle, enfermé par tant de monotonie. les aiguilles piquent le cœur malade, cancéreux, de tant d'égoïsme. et raph' se rapproche soudainement. il vient embrasser les étoiles qui tombent du ciel azuré que sont les yeux de la jeune fleuriste. il relève doucement son visage par le menton, du bout des doigts. et il ne cesse de murmurer, entre deux baisers sur le haut de ses joues « je t'en supplie, ne pleures pas. » « ne pleures plus. pas pour moi. nul ne mérite de voir tant de chagrin. » il va l'effrayer. il y a trop de choses qui filtrent dans sa voix. il va lui faire peur, comme un cheval panique quand on est trop brusque. elle va le repousser, parce qu'il a fait éclater sa bulle de protection. parce qu'il est de nouveau entré dans la tour d'ivoire dans laquelle elle se protège. il ne la touche pas, pas vraiment. il effleure juste ses joues, du bout des doigts. il ne les caresse pas. c'est seulement pour donner l'illusion qu'il lui maintient la tête dans cette position. il veut qu'elle le pardonne, mais il est impardonnable. il veut qu'elle l'excuse. il n'est pas sûr de vraiment vouloir qu'elle l'aime. ce n'est qu'accessoire. il sait que tout ce qu'il veut, à cet instant précis, c'est qu'elle revienne. qu'elle revienne dans sa vie, qu'elle revienne devant lui, à poser pour ses toiles. il veut lui offrir un coquelicot, un coquelicot dans un givre qui ne blesse pas. un coquelicot qui sera à l'abri du temps. qui restera à tout jamais peint. comme un accord muet entre eux.