(nora) the sky is grey

deux jours que tu y es, dans ce putain d'hôpital, deux jours que tu refuses tout contact, que ce soit avec tes amis, ta famille ou même les médecins. tu ne veux voir personne, absolument personne. tout ce que tu veux, c'est être seul et donc ça fait deux jours que tu es seul. puis, de toute manière, seuls les médecins savent que tu es là. côté amis et famille personne n'est au courant, pas encore, tu espères pas tout de suite, tu espères avoir encore quelques jours tranquille. quelques semaines peut-être ? ça serait le top. ton regard se perd une nouvelle fois sur ta jambe, qui n'est plus; sur ta jambe qui n'existe plus. c'est pas possible que la couverture soit aussi plate, et pourtant, tel est le cas. puis, tu as eu la confirmation. il est venu le chirurgien pour t'annoncer que tu n'avais plus de jambe, qu'ils avaient du t'amputer et qu'ils n'avaient pas eu le choix. tu t'y attendais, mais entre t'y attendre et le vivre, ce n'est définitivement pas pareil. tu entends la porte s'ouvrir et tu détournes ton regard. tu ne veux voir personne toi. vraiment personne; tu n'es même pas encore capable de regarder ta jambe, enfin, ce qu'il en reste. « partez. » que tu demandes, rapidement. tu ne veux pas qu'on vienne t'aider, mais tu tournes tes yeux pour voir cette petite brunette. une infirmière certainement. elle ne doit pas être au courant que tu as demandé à ce qu'on te laisse tranquille. « sérieusement, j'ai demandé à rester seul, si vous pouviez vous en aller ... je n'ai besoin de rien. »

Invité

you're beautiful, just the way you are

Numa & Nora

Tu venais d’aller rendre visite à ton père pendant ta pause déjeuné. Comme à son habitude, il t’avait laissé faire la cuisine en arrivant – même si tu lui répétais toujours que tu n’avais que trop peu de temps. Il disait qu’il en était incapable – que c’est maman qui faisait toujours ça, avant. Plus d’un an qu’elle était morte et pourtant, le deuil était là, toujours présent, marquant. Père en fauteuil roulant, t’aurais aimé lui rendre visite plus souvent, l’aider plus longtemps. Souvent, tu avais voulu revenir habiter avec lui, mais il t’avait toujours dit non, il ne voulait pas te gâcher, te compliquer la vie. Il voulait que tu en profites, de cette vie, que tu sortes avec tes amis, que tu rentres tard dans la nuit. T’avais pas envie de le laisser seul, alors tu passais souvent, presque tous les midis, le soir si t’avais le temps. T’aimais le voir, lui raconter ta vie, le rendre heureux par ton propre plaisir. Puis tu retournais à l’hôpital, reprenait le train train quotidien. T’entends parler d’un jeune homme qui ne veut voir personne – tes collègues, ils te demandant gentiment d’aller le voir. Tu es nouvelle ici, mais tout le monde sait déjà que tu as quelque chose dans la voix, quelque chose en toi qui réussirait à faire fondre n’importe quel patient récalcitrant. Mais l’amputation d’une jambe, c’est pas anodin, tu sais très bien qu’il ne suffira pas d’un sourire pour qu’il oublie de souffrir et qu’il se mette à rire. Tu ne prends pas la peine de frapper, Nora, parce que tu sais qu’il t’éjectera avant même que tu ais touché la poignée. « Partez » Bingo, il veut pas de toi. Ton sec, cassant et pas un seul regard vers toi – son ton se radoucit quand ton regard croise le sien. « sérieusement, j’ai demandé à rester seul, si vous pouviez vous en aller … je n’ai besoin de rien » Mais tout le monde demande la même chose, toutes les personnes vivant ou ayant vécu un traumatisme veulent rester seules, faire le point, réfléchir .. Finalement sans le savoir se détruire, s’anéantir. Refaire le monde avec des si, s’apitoyer sur son sort, réfléchir à des solutions pour s’en sortir .. Mais y’en a plus, de solutions, quand la santé est touchée il ne reste plus qu’à s’en accommoder et profiter du temps qui est toujours compté. « Vous n’avez besoin de rien et je ne suis rien pour vous ... Est-ce que ça pourrait vouloir dire que quelque part vous avez besoin de moi ? » Tu t’approches de lui, un rictus amusé sur les lèvres pendant que tu le regardes. Physiquement et moralement éteint, il faut bien que quelqu’un trouve quelque chose pour lui redonner le sourire – même si tu n’as pas la prétention de pouvoir le faire. « Sérieusement, y’a quoi de si enthousiasmant avec le fait de rester seul toute la journée – dans un vieux lit d’hôpital, qui plus est ? Ca m’intéresse, si je finis vieille fille j’aurai bien besoin de quelques conseils pour ne pas m’ennuyer … » Tu ne lui parles pas de sa jambe, tu ne la regardes même pas, tu fais comme si ça n’existait pas, comme si ça n’avait jamais existé. T’es certaine que ça lui ferait du bien, qu’on ne lui parle pas que de ça et qu’on le regarde dans les yeux sans être attiré par cette jambe qu’il n’avait plus. T’étais certaine qu’il avait besoin d’oublier ça, même si c’était quelques minutes avant que la réalité le rattrape.

acidbrain

« Vous n’avez besoin de rien et je ne suis rien pour vous ... Est-ce que ça pourrait vouloir dire que quelque part vous avez besoin de moi ? » qu'elle te dit en s'approchant de ton lit. tu la regardes faire, sans bouger, tu ne peux pas bouger. tu repenses à ce qu'elle vient de te dire. tu ne veux pas qu'elle approche, tu veux juste qu'on te laisse tranquille, tu n'en demandes pas plus, tu ne leur demandes rien, si ce n'est la paix de l'esprit. « Sérieusement, y’a quoi de si enthousiasmant avec le fait de rester seul toute la journée – dans un vieux lit d’hôpital, qui plus est ? Ca m’intéresse, si je finis vieille fille j’aurai bien besoin de quelques conseils pour ne pas m’ennuyer … » elle te regarde, là, droit dans les yeux, elle ne te lâche pas du regard, elle te fixe et tu fais de même sans gêne; qu'est-ce qu'elle attend de toi, que tu la laisses faire ? que tu acceptes ? tu ne veux pas accepter et tu n'accepteras pas qu'elle te touche. elle peut te parler, oui, ça elle peut, mais pas plus, vraiment rien d'autre en plus, tu ne le supporterais pas. pas encore, c'est trop tôt, beaucoup trop tôt. « vous ne finirez pas vieille fille. » que tu réponds, le plus simplement du monde. tu sais pas vraiment pourquoi, mais c'est tout ce que tu as retenu de son discours. « s'il vous plaît je ... laissez-moi. on a du vous le dire, je les aies toutes renvoyées à la chaîne, je n'ai pas besoin qu'on s'occupe de moi, je n'ai pas besoin de votre pitié. s'il vous plaît, laissez-moi. » que tu reprends finalement, tu ne veux pas qu'on s'occupe de toi. ils ont certainement tous beaucoup mieux à faire, oui, des choses beaucoup plus intéressantes que se crever derrière une éclopé qui ne veut pas d'aide. tu ne veux l'aide de personne. tu veux juste rester dans ta solitude, pourquoi est-ce qu'on ne veut pas te laisser; d'autant que tu sais que la douleur va te rendre aigri. une très mauvaise compagnie, il vaut mieux qu'on te laisse tout seul.

» Nora | Une femme sans défense.
» (Nora) Quand l'une des terreurs ne va pas bien...
» si tu parles dans mon dos, c'est que j'suis devant. (nora)