Alexia | Encore et encore.

Une journée très intensive, encore une fois. Il faut vraiment que je me trouve un travail, ou alors que je devienne bénévole dans une association, où ma jambe ne sera pas un frein. C’est facile sur papier, moins en pratique. Qui voudrait d’une estropier ? Qui en plus, s’est tirée une balle elle-même. Elaia, ou comment foutre sa vie en l’air en trois secondes… Du coup, j’en ai profité pour revoir mes classiques, les classiques de Disney. C’est une valeur sûre, au moins. Donc, j’ai passé la journée à me bousiller les yeux devant Le Roi Lion 1, Le Roi Lion 2, La Belle et la Bête, et la Belle et le Clochard. Pas si mal, non ? En une seule journée en plus. En jogging dans mon canapé, je me dis que ce serait bien que je prenne l’air, ailleurs que pour fumer sur mon petit balcon. Alors je prends une douche –avant de sortir, c’est mieux. J’enfile un jean et une chemise, et je me coiffe rapidement. Je caresse O’Maley et Rosy avant de sortir le sourire aux lèvres.

Je marche dans les rues de Biarritz, le sourire aux lèvres. La météo est douce. Le soleil est en train de disparaître pour laisser place à la nuit, où la lune reflètera sur l’océan. J’adore voir ça. Je m’arrête sur la plage quelques instants, m’asseyant dans le sable. Je regarde ce beau couché de soleil. Non, il n’est pas beau en fait. Il est magnifique ! Je pourrais rester là pendant des heures. Mais malheureusement –ou heureusement, un couché de soleil ne dure qu’un instant court, trop court. Alors je me relève, contente. Au final, c’est plutôt une bonne journée pour moi. Et comment terminer mieux une belle journée que par une soirée entre filles ? J’en profite pour acheter quelques salades dans une charcuterie. Heureusement que les magasins sont ouverts tard à cette saison. C’est pour ça que j’adore Biarritz en été. On peut continuer de vivre tout à fait normalement jusqu’à pas d’heure.  J’aime cette ville. Je m’y sens bien.

Je marche vers le quartier Saint-Charles. C’est dans ce quartier qu’habite Alexia. Je sonne à l’interphone, joyeusement. « Livraison spéciale ! »

Je monte les étages joyeusement, malgré le fait que ce soit compliqué pour moi. Je prends du temps. Beaucoup trop de temps à mon goût. Mais c’est comme ça. C’est mon quotidien dorénavant. La porte est ouverte. Alexia prend toujours le soin d’ouvrir, avant de retourner s’asseoir sur le canapé. C’est comme ça à chaque fois que je viens. C’est presque devenu un rituel en fait. Je passe la porte, et le voit arriver joyeusement. « J’ai du monter tous les étages à pied. Si ça ce n’est pas une preuve que je mourrais d’envie de te retrouver, je ne vois pas ce que ça peut être. » Je souris. J’oublie en fait. J’oublie qu’elle ne voit pas, qu’elle ne voit plus. Quoiqu’il en soit, elle me connait par cœur. Elle n’a pas besoin de me voir pour savoir que je souris, que je suis contente d’être là. Je ris. « A défaut de faire du sport, on mange de la salade. » Je suis de bonne humeur ce soir. Et ça me fait un bien fou. J’aimerais pouvoir être comme ça tout le temps. Mais je ne contrôle pas. Je ne contrôle pas la douleur. Je ne contrôle pas mes souvenirs. En fait, j’ai l’impression de n’avoir plus aucun contrôle sur ma vie, bien que ça revienne peu à peu. « Comme dans le bon vieux temps : popcorn et film romantique comme pas possible. » En y repensant, je n’ai pas le souvenir d’une soirée comme ça, comme quand on était au lycée, depuis que je suis revenue à Biarritz. Il faut dire que j’ai passé pas mal de temps à l’hôpital. Ensuite, c’est Alex qui a eu son accident. Ce n’est pas une année facile, pour l’une comme pour l’autre. Je la regarde chercher des plats, à taton. Je la laisse faire, parce que je sais qu’elle peut le faire toute seule. Et puis moi, je ne veux pas faire la différence entre la Alexia avec la vue, et la Alexia aveugle. Je sais très bien que si elle a besoin de moi, elle me demandera de l’aider. Alors, je m’assois. Il faut dire que ma jambe n’a pas l’air d’avoir envie de me pardonner les étages que j’ai montés. J’entends sa voix raisonner. J’avoue que je ne sais jamais quoi répondre. Je ne sais plus si je vais bien ou non. Je réponds ce qui me passe par la tête. « Plutôt bien ce soir. Je suis tellement contente de passer la soirée avec toi ! » Je souris. « Et toi ? » Je lui pose la question avec une voix douce.