ELAIA + (embrouilles de rue.)

• tu faisais pas le trottoir, tu pouvais pas encore, pas vraiment. t'étais encore un peu trop blessée de la dernière fois, où ça c'était mal passé. et puis, là, ça allait. t'étais dans un quartier qui craignait pas trop, tu pouvais te permettre de les laisser. et au pire, il y en avait toujours un ou une qui savait se défendre et qui pouvait se battre en cas de problèmes. t'étais passée pour récolter une partie de l'argent. pour éviter qu'elles ne se fassent piquer leur fric. elles te faisaient confiance, tu leur rendais leur part ensuite. mais il y avait déjà eu des ennuis du style. et puis, comme elles avaient personne, tu vérifiais qu'elles aillent bien. t'étais pas le genre de meuf connasse qui se foutait complètement de l'état de ses prostituées. non. tu étais passée par là, et tu savais que tu aurais aimé que quelqu'un prenne soin de toi et vérifie si tu étais toujours en état de prendre des clients. parce qu'il fallait être constamment vigilant, pour pouvoir sentir les mauvais coups et les emmerdes venir. tu avais un don pour ça. mais maintenant, tu t'en servais pour sauver les autres. tu passes distraitement ta main sur ta lèvre, encore un peu gonflée, toujours bleue. tu détestes avoir des marques physiques. notamment parce que tu sais que ça te rend moins désirable. et même quand tu pouvais encore danser, tout se basait là-dessus. tes frères se sont inquiétés, ils t'ont promis d'aller casser la gueule à ceux qui ont fait ça, mais t'as rien, pas même une adresse, puisque ça s'est fait dans une chambre d'hôtel. et puis ils ont payé, et t'as pas placé tes limites, vu comment t'étais terrorisée par la voiture, à partir de là, c'est bon, ils ont rien fait de vraiment mal.
• alors t'es là, adossée au mur, un peu dans l'ombre, juchée sur tes talons alors que tu devrais pas. on te voit pas très bien, et c'est tant mieux. tu tapines pas, toi. tu t'ennuies juste et tu veilles sur ta 'marchandise', comme tu le leur dis en riant un peu. le rire c'est important. prendre tout à la rigolade pour pas se laisser détruire. tu te demandes parfois comment t'as fait, pendant presque un an entier, pour faire ça. et pour y survivre et ne pas t'effondrer en larmes dès que tu entres. comment tu peux encore supporter le contact des gens. et tu sais, au fond de toi. parce que t'avais la danse et t'avais pas le temps de penser à tout ça. parce que t'étais de toute façon, trop crevée pour parler et réfléchir. alors, pleurer, n'en parlons pas. et tu les admires ces gamines qui font ça, qui bossent pour toi. tu regardes les gens passer. y a des jeunes, des vieux, des prudes, et des pervers. leurs regards glissent sur toi, mais t'y es imperméable. t'as bien trop l'habitude qu'on te regarde comme ça, ça te fait plus rien. sauf si tu as choisi la personne. mais c'est pas le cas. tu les détailles. tu essaies de faire fonctionner ta mémoire, de l'entraîner tout le temps, pour éviter ce genre d'amnésies passagères qui te font flipper, ces moments où tu demandes ce que tu fous là, où tu regardes les gens qui t'entourent sans vraiment les reconnaître. quand tu vois cette blondasse jeter un regard dédaigneux, ton sang de créole, ce côté maternel, ne fait qu'un tour. tu te décolles de ce mur dégueulasse, et tu marches droit vers elle, sans ciller. « tu as un souci ? » t'as jamais aimé les blondes, tu t'es jamais entendues avec elles. sauf une, mais elle, elle compte pas. et puis c'est pas toujours l'amour fou entre vous deux. tu la toises, fixement. c'est qu'avec tes talons aiguilles, tu fais la même taille qu'elle. tu détestes te sentir en infériorité par rapport aux gens et devoir lever la tête pour leur parler. « tu as un problème avec les filles ? » y a de l'agressivité dans ta voix, évidemment, mais si en effet y a un problème, t'es prête à écouter et à essayer de réparer les ennuis. t'essaies toujours d'éviter les embrouilles. mais tu peux pas la laisser les regarder comme ça, de haut, comme si elles étaient rien que des poupées, comme si elles valaient rien. elle n'en connaît pas une, t'es prête à le parier. elle a aucune idée qu'elles ne font pas ça pour le plaisir de se faire sauter.

Je m’ennuie. Je tourne en rond. Au moins, avant je ne m’ennuyais pas. Certes, j’étais en enfer. L’enfer ou l’ennuie ? Pourquoi choisir ? Je ne veux aucun des deux. Je marche, je fais les cents pas dans mon appartement. Je ne devrais pas. Faire ça revient à me créer une douleur inutile. Tu es stupide Elaia. Je m’assois sur le canapé, où mes deux chats sont déjà installés. Si seulement je pouvais être un chat, ma vie serait bien mieux : dormir, manger, dormir, demander des câlins, manger et redormir. Voilà, j’ai raté ma vocation. En attendant, heureusement qu’ils sont là tous les deux. Rien de plus fidèle qu’un animal, je vous le dis. O’Malley, mon beau chat roux, un peu rondouillard mais monsieur est susceptible, vient sur mes genoux. Il ronronne. J’ai l’impression que toute la ville peut l’entendre. Un peu de tendresse dans ce monde de brutes. Je ne demande rien de plus. Bon Elaia, prends une douche et sort sous beau soleil. Je me lève doucement, faisant quelques étirements. C’est la seule solution pour ne pas hurler de douleur après un petit temps de relâchement. Je vais donc vers la salle de bain, en trainant la jambe. J’enfile ensuite un jean et un sweat, et je claque la porte derrière moi.

Si je sors marcher, c’est bien parce que je n’ai rien d’autre à faire et qu’il fait beau. Bon, il faut dire aussi que j’ai toujours aimé être dehors. C’est d’ailleurs pour ça qu’à l’armée, j’avais choisi le terrain plutôt que les bureaux. Mais aujourd’hui, j’ai mal. Plus que d’habitude. Ce n’est pas insurmontable, sinon je ne serais pas sortie, mais ça me ronge sérieusement. C’est d’ailleurs la seule raison qui peut me rendre désagréable. Les minutes me semblent durer des heures. Je ne sais pas ce qui peut me rendre le plus folle : tourner en rond dans mon appartement ou tourner en rond dehors. J’en ai marre. Les nuages viennent s’imposer devant le soleil. Je m’assois sur un banc, les mains dans les poches de mon sweat. Je soupire, et laisse mon dos retomber lourdement contre le dossier du banc. J’ai le regard perdu dans le vide. Pourtant, d’habitude, j’aime regarder les gens passer, regarder les oiseaux, les fleurs. Enfin je m’intéresse à tout. Aujourd’hui, c’est tout simplement un jour sans. Un jour où je n’ai envie de rien. Je n’ai pas envie de sourire, je n’ai pas envie de parler. Je n’ai pas non plus envie de dormir parce que je sais très bien que je vais faire un cauchemar. Ma vie, cet enfer.

Puis, vient ce moment où une femme vient m’engueuler, totalement gratuitement. Ce n’est pas le bon jour. D’ordinaire, je resterais d’un calme olympien. Pas aujourd’hui. J’ai juste envie de péter un câble. Je me lève brusquement. J’ai encore plus mal du coup. Mais sur le coup, je suis tellement énervée que j’en oublie la douleur. « D’où tu te permets de dire ça ? Je regarde un pauvre arbre pourri et tu m’agresses. T’es civilisée ou non ? » C’est vrai ça. Mon regard s’est juste perdu sur un pauvre arbre, pas très beau en plus. En tournant la tête pour voir de quoi elle me parle, je remarque qu’au loin, derrière cet arbre, il y a des prostituées. J’essaye de me raisonner, et de ne pas m’emporter d’avantage. Vu son calme à elle, ça risque d’être compliqué…

• elle se lève la blondasse, et elle te foudroie du regard. et t'aimes pas ça. oh que non. on ne te foudroie pas du regard, toi. tu détestes ça. surtout pas avec cet air presque hautain. tu détestes qu'on essaie de te faire sentir inférieure. tu le fais bien comprendre à tout le monde. tu vaux mieux que tous ceux qui sont là. tu es plus forte qu'eux. tu ne sais pas qu'elle a fait la guerre cette fille, alors tu pars de l'idée qu'elle est certainement de ces garces qui passent leur temps dans un bureau et qu écartent les cuisses pour obtenir une promotion. tu vois du coin de l'oeil une fille s'avancer. comme t'es blessée elles font attention à ce que t'évites les ennuis. mais c'est as à elle de te défendre. ça marche pas comme ça. c'est toi leur responsable. t'es là pour que personne leur manque de respect. c'est pas parce qu'elles sont des prostituées que ce sont des traînées. tu serres les poings, et tu devrais pas, parce que tes blessures se rappellent à toi. bendo ferait la gueule si il te voyait comme ça. il te dirait que c'est pas raisonnable. aaron te tirerait par le bras et ferait signe aux filles de vous suivre. mais y a aucun des deux. peut-être qu'echo va montrer sa face. mais lui, même si tu l'apprécies beaucoup, tu le considères un peu comme un chaton. même si il est redoutable, il est pas le genre qui a de l'autorité sur toi. il pourrait rien te dire de toute façon. « ouais, c'est ça. tu crois que t'es la première à me la sortir, cette excuse ?! que tu regardais ailleurs ?! qu'est-ce que tu crois ? que tu vaux mieux qu'elles ? qu'elles sont que des putes qui font ça pour le plaisir ?! »
• tu es tellement vulgaire quand tu t'énerves, vénus. heureusement qu'il y a pas de gosse dans le coin, il se mettrait à pleurer tellement t'es violente dans ton ton et tes injures. mais t'es comme ça. et tu détestes qu'on s'en prenne à tes protégés. tu ne supportes pas qu'on les rabaisse eux aussi. parce que tu les connais, parce que tu sais ce qu'ils valent. c'est toujours les pires qui sont respectés. tu la regardes d'un air méprisant à ton tour. « et puis, c'est plutôt toi qui nous agresse avec ton air hautain et tes cheveux blond-pétasse qui aveuglent tout le monde quand t'es au soleil. » oui, alors, là, les arguments ad hominem, c'était déjà nul au cours préparatoire, alors, là ? même si t'as jamais aimé les blondes, et que tules as toujours assimilées à des pétasses, t'as besoin de te défouler je crois. c'est juste que tu ne supportes pas de rester là à rien faire, alors tu t'en prends à elle, et tu lâches toute ta frustration. est-ce que c'est une bonne idée ? certainement pas. ça risque de très mal se finir cette histoire. mais je crois que tu t'en fous. tu vas finir par devoir faire un tour à l'hosto, si tu continues à te faire blesser. parce que même si tu t'en sors pas mal question baston, tu feras pas le poids contre un soldat. toi, ton truc, c'est la danse, pas la castagne. à la limite, tu sas comment esquiver souplement et t'enfuir sans faire de bruit tout en légèreté. mais tu ne saispas vraiment cogner dans les règles de l'art. tu connais le combat de rue, même si t'irais pas non plus faire des matches. juste de quoi te défendre si jamais un gars t'agresse dans la rue, ou que tu te fais emmerder par un gang rival du tien. bendo t'a appris, après que tu te sois faite enlever. mais là, vous en êtes encore qu'aux mots, alors y a peut-être une chance que vous n'en veniez pas aux mains.

Intérieurement, je commence à bouillir. J’ai beau être impulsive, je n’aime pas me battre. Quel paradoxe pour une militaire. Paradoxe Elaia : le retour. J’ai tendance à foncer tête baissée, comme un bélier. Au moins, l’armée a eu l’avantage de me canaliser un peu. Parce qu’un militaire qui fonce sans réfléchir, sous le coup de l’émotion et de l’impulsion, ce n’est pas bon. J’ai appris à prendre sur moi. Et ça, c’est quelque chose qui me sert dans ma vie de tous les jours. Le problème c’est qu’aujourd’hui, j’ai tendance à refouler tout ce que l’armée a pu m’apporter en bien comme en mal. Le déni. Ils appellent ça comme ça les psys. Alors là, c’est la Elaia d’avant qui s’énerve. La Elaia qui vient du sud, avec l’accent basque, l’impulsivité –cliché, le sourire mais en fait non, pas le sourire à ce moment précis. Je suis hors de moi. Je pourrais la frapper. Mais j’essaye de garder un minimum de contrôle de ma personne. J’ai horreur de me faire agresser comme ça. J’ai horreur de me faire agresser de base. Sans raison, c’est encore pire. « T’as vraiment un problème, pauvre fille ! » Je m’avance. Mon regard est noir. Je pense que si j’avais des mitraillettes à la place des yeux, elle serait raide morte depuis quelques secondes. Je ferme le poing. Je me contrôle. Je me maîtrise. J’essaye, du moins. J’inspire. « Tu vois le mal partout. Tu devrais te faire soigner au lieu d’agresser les gens gratuitement. » Je ne lâche pas. Non, je ne la laisserais pas gagner. Oui, je vais lui tenir tête. Je ne suis pas du genre à laisser couler. Je prends les choses trop à cœur. Elle aussi visiblement. Mais le problème c’est qu’elle, c’est sans raison. « Et puis franchement, ça me passe tellement au dessus ce qu’elles peuvent faire. » J’ai beau avoir mal, avoir cette putain de jambe qui me fait souffrir, je ne laisse rien paraître. Elle est assez conne pour profiter de ma faiblesse si elle en a connaissance. C’est la première chose qu’on apprend à l’armée : être fort, cacher les faiblesses. « C’est pas des lunettes qu’il te faut, c’est un labrador, pauvre fille ! Fais la différence entre le châtain et le blond, et après tu viendrais m’emmerder. » Je m’avance. Je me redresse au maximum. « T’as tellement pas d’argument que t’es obligée de parler à leur nom. » Pourquoi défendre ces filles, à qui je ne demande rien, à qui je ne reproche rien ? C’est vrai ça. Je n’ai rien fait. Je n’irais pas jusqu’à dire que j’admire ce qu’elles font, mais elles ont un courage que même moi, militaire, je n’aurais jamais. « Tu me juges plus que je ne les ai jamais jugées. Donc en fait, c’est toi la plus hypocrite de nous deux. » Plus je lui réponds, plus ma voix est froide. Je ne me laisse pas impressionner. Ce serait la pire chose à faire. Je ne suis pas en tord, donc je ne cèderais pas. C’est logique et facile à comprendre, non ?

intervention d'aléas de la vie

je contrôle tout

oups, vénus a le sang chaud, et vénus, elle a la main qui part oui. Elle écrase une gifle sur la joue d'elaia.

• cette fille, elle t'assène des arguments qui t'offusquent comme certains gars enchaînent les coups à leur adversaire. elle te lance un regard noir. elle s'avance, toujours, tout le temps, et tu as l'impression qu'elle entre dans ta bulle. elle essaie de te menacer physiquement. elle ne te connaît pas. elle ne sait pas que ce genre de choses, ça ne te fait pas peur. ça te met juste hors de toi. elle dit que tu parles en leur nom par manque d'arguments. elle te dit que t'es hypocrite. c'est pas cet argument le pire, c'est celui d'avant, mais ça finit de te mettre hors de toi et tu lui claques une grande baffe dans sa tronche. depuis le temps que ça te démangeait, tiens. c'est presque pas étonnant venant de toi. tu devrais te calmer. et tu vois, du coin de l'oeil, les filles se rapprocher. tu veux pas qu'elles se mêlent de ça. cette pauvre fille va prendre tous les coups que tu as encaissé dernièrement, et dont ton œil au beurre noir témoigne. tu vas te venger sur elle, alors qu'elle a rien demandé. mais t'es comme ça. il faut que tu te défoules, et le premier venu qui vous regarde un peu mal fait l'affaire. c'est pas la première fois que tu t'embrouilles avec des inconnus. mercure est as ton jumeau pour rien. mais toi, t'en arrives jamais à te retrouver chez les flics. c'est aussi parce que t'es jamais là où il y a des flics. c'est normal. t'as pas envie de te faire coffrer pour prostitution et proxénétisme. tu apprécies l'adrénaline qui se rue dans tes veines comme de la lave en fusion. tu aimes cette sensation qu'elle te procure. tu as besoin de cette violence. tu as besoin de te défouler. alors, sans réfléchir un seul instant, sans parler, tu lui en recolles une. vous allez finir par vraiment vous battre et ça va très mal se passer. mais tant pis. je t'aurais prévenue.

Non Elaia, ne craque... Je n’ai même pas le temps de finir de penser que je sens le contact de sa main sur ma joue. Je prends une grande inspiration. Je ne dois pas céder à cette violence. Je serre mon poing droit. Non Elaia, ne fait pas ça. Je me raisonne. J’essaye, du moins. Et elle me gifle une deuxième fois. Quelle conne ! Ni une, ni deux, je lui colle mon poing dans la mâchoire. Je me rends compte que ça faisait longtemps. Et que ça fait encore plus mal que dans mes souvenirs. Je me suis déjà battue, étant jeune. Même si mon père m’a toujours répété que la violence ne résout rien. Je suis quand même une ancienne militaire, donc je sais me battre. J’aurais pu esquiver ses claques. Si seulement j’avais mes appuis solides sur mes jambes. Ce n’est pas le cas. Là plus que jamais, je ne dois pas lui montrer ma faiblesse. Je ne veux pas partir non plus. Ce serait la laisser gagner. Mais je suis consciente que, si je me bats, je vais y laisser ma jambe un peu plus chaque seconde. Je la regarde. Mon poing me fait souffrir, mais je ne lui montrerais pas. Ce qu’elle ne sait pas, c’est que je suis une très bonne comédienne pour ce qui est de cacher ma douleur et mes faiblesses. « Je ne m’écraserai pas comme elles doivent toutes le faire face à toi. » J’en remets une couche. Elle n’est pas assez à bout. Si elle veut se battre, je vais lui donner une vraie raison. « Tu es loin de savoir à qui tu as à faire. » Si elle connaissait mon métier, elle ferait surement moins la maline. Ce n’est pas la première impulsive sans raisons valables que je vois attaquer. J’en ai vu beaucoup. Beaucoup trop. Les réflexes reviennent vite. Je ne suis pas certaine de gagner, loin de là avec ma patte folle. Mais je sais que je pourrais lui tenir tête. J’ai le poing en feu. Je cognerais seulement si elle me touche. Je n’ai plus l’habitude d’être violente à ce point. Je ne pensais pas que ça me ferait du bien, de retrouver cette adrénaline.

• elle te colle son poing dans la mâchoire et tu grimaces. putain. c'est pas la première fois qu'on te cogne. mais tu pensais pas qu'une nana pouvait avoir autant de force. ta têt est emportée dans le mouvement. tu sens le goût du sang emplir ta bouche. mais tu sais que ce n'est qu'une illusion. la douleur, tu sais composer avec. tu as su danser, alors que tu venais d'arracher l'ongle de ton gros orteil. tu as aussi dansé avec une cheville qui était pas loin de craquer, tu as dansé avec une entorse, l'empirant, évidemment. et tu danses toujours, quand il n'y a personne, et tu fais du surf, avec cette blessure qui te lance souvent. tu devrais marcher à plat, tu ne devrais pas force, tu ne devrais pas être autant sur tes jambes. mais tu n'as jamais su rester chez toi, au lit, ça a toujours été comme ça. t'étais la première à sortir, même avec quarante de fièvre. et puis elle te provoque. elle te dit que les filles s'écrasent devant toi. qu'elles ont peur de toi. elle ne connaît rien de toi, elle ne connaît rien d'elles, et pourtant, elle ose t'accuser d'une chose pareille. tu sais pas te battre, vénus, tu devrais pas. mais tu fermes ton poing et tu lui assènes un coup, te faisant très mal aussi au passage. tu sens le crac de tes jointures. pourquoi ? parce que ce sont elles qui ont rencontré en premier le visage de la pas si blonde que ça. parce que tu n'as pas fermé ton poing comme il aurait fallu. tu le sais pourtant. bendo t'a entraînée. mais tu n'y penses pas. tu penses juste qu'à l'instant précis, et ce, malgré la douleur, malgré ta maladresse, tu te sens mieux. tu te sens moins sale. tu oublies les marques partout sur ton corps. tu en auras de nouvelles, peu importe. si tu étais en danger, tu ferais plus attention. si tu risquais de mourir, ou de te faire violer, comme cette fois, juste avant l'accident, qui émerge peu à peu ces derniers temps, quand tu forces, quand tu essaies de plier ton esprit à ta guise, dans ce cas là, oui tu aurais fait attention, tu aurais appliqué les conseils de ton leader. tu aurais même utilisé un couteau, une arme, peu importe. mais c'est pas le cas. et même cette douleur, qui n'est pas tellement malgré toi, cette douleur dont tu peux te venger si tu le désires, elle a quelque chose de libérateur. « les filles ne me craignent pas. je les protège des connards et des connasses qui leur font du mal. ou qui les méprisent. »

» keep your smile (elaia)
» Girl's night with Elaia
» (absence) louane, elaia, marko, samuel