pizza and beer ? ok, i love you. ∞ (numa)

20H00. Je viens de finir le boulot, du moins pour aujourd’hui parce que je sais pertinemment que demain je devrais m’y remettre sur ce dossier. Un dossier difficile, je dois défendre un père accusé d’attouchement sur son fils de cinq ans. J’ai horreur de ce genre d’affaire, ça me donne envie de péter un plomb. Certes, je savais à quoi m’attendre en faisant ce métier, mais la réalité est parfois bien plus difficile. J’ai beau essayer de me montrer impassible, j’ai parfois l’impression de me battre intérieurement avec la grande justicière qui voudrait crever les yeux de certaines pourritures. Je ferme la porte du cabinet et me dirige vers ma Fiat 500, je n’ai qu’une envie : rentrer, manger, dormir. Une femme de vingt-quatre devrait, normalement, sortir faire la fête et profiter avec son mec, hors je n’ai pas de mec et je suis crevée. Tant pis, ce soir j’assume mon statut de vieille de soixante ans. La clef encore dans la serrure, je pousse la porte de mon appartement avec ce sentiment de bonheur, le bonheur d’être enfin chez soi. Je balance mon sac, mon manteau, mon écharpe, mes chaussures et je file sous la douche. L’eau est brulante, ça me fait un fou. Je sens mes muscles se détendre les uns après les autres et toute la tension de la journée s’évapore. Je sors de la douche, m’enroule dans une serviette et pars examiner le contenu de mon frigo. « Fait chier. » Il est vide, tout ce qu’il y a de plus vide même. Un fromage blanc se bat en duel avec un kiwi, j’ai envie de pleurer. Mon estomac m’insulte et je le comprends. Comment j’ai pu oublié de faire les courses ? Trop de boulot entraîne la famine. Je claque la porte du frigo et part enfiler un débardeur blanc et un short du Sporting Club de Bastia. Je crois que le célibat commence à avoir une mauvaise influence sur mon style vestimentaire. On sonne chez moi et je me demande bien qui ça peut être. Je n’ai rien commandé, je n’attends personne et je doute que ce soit ma mère. J’ouvre la porte et me retrouve nez-à-nez avec Numa. « Salut petit con. » C’est amical…en quelque sorte. Disons que nous avons un passé compliqué. Je l’analyse, aperçois une pizza et des bières et, soudain, un immense sourire s’affiche sur mon visage. « Je ne t’ai jamais autant aimé qu’à cet instant. » Je le laisse entrer puis ferme la porte derrière lui. Je lui colle vite fait un bisou sur la joue puis je me laisse tomber sur mon canapé. « Comment tu as su que mon frigo est vide et que j’allais mourir de faim ? »

pourquoi est-ce que tu décides de venir la voir ? parce que tu t'ennuies peut-être ... ou peut-être parce que tu veux éviter d'être chez toi ? ou simplement parce que t'as envie de la voir, cette petite là. qui, niveau âge est quand même plus vieille, mais passons. c'est comme ça que tu débarques chez elle, deux pizzas entre les mains et un bon pack de bières. tout ce qu'il faut pour passer une soirée posée, sur le canapé, à regard la télé. rien de plus. alors tu frappes à sa porte et elle ouvre, te salut comme il faut pendant que tu la regardes de haut en bas. les cheveux encore humides, elle semble sortir tout droit de la douche la princesse. « moi aussi j'suis content de te voir » que tu lui réponds simplement. tu vas pas commencer les hostilités tout de suite. pourquoi elle au juste ? après tout, t'es censé la détester ... et au fond de toi, tu la détestes toujours, forcément elle t'a pris roméo, elle l'a écarté pour finalement le détruire mais le soucis, c'est que tu l'as recroisé, que t'as appris à la connaître et que ... que tu t'es attaché à ce bout de femme mais surtout à son caractère. voilà pourquoi t'es là. c'est mal, c'est mauvais, surtout vis à vis de roméo, mais c'est ton petit secret. « arrête de mentir, j'sais très bien que tu peux pas vivre sans moi » tu hausses les épaules et tu finis pas entrer dans l'appartement. tu fais comme chez toi. tu viens t'installer sur le canapé, à côté d'elle et tu ouvres déjà la boîte à pizza. tu détaches les parts pré-découpées et tu sors deux bières que tu décapsules. l'une à l'aide de l'autre, et la dernière avec u briquet que tu sors de ta poche. simple. tu lui tends l'une d'entre elle. « je t'ai entendu te plaindre à l'autre bout de biarritz, pour dire à quel point t'as une grande gueule quoi. » tu la taquines, forcément, puis tu viens trinquer ta bière à la sienne et tu bois une bonne gorgée.

« Arrêtes de mentir, j’sais très bien que tu peux pas vivre sans moi. » Je pourrais l’insulter et commencer à monter dans les tours, mais à la place je souris parce que, oui, sa réplique me fait sourire. Notamment parce que je repense à notre année au lycée où on se détestait. On se détestait tellement qu’il était impossible de nous coller dans la même pièce sans que ça parte en vrille. Je ne le supportais pas et j’étais jalouse de sa relation avec Roméo, quant à lui, il m’en voulait d’avoir éloigner son meilleur ami de lui. Je comprenais parfaitement pourquoi il m’en voulait, à sa place je serais pareille. De toutes façons, concernant Roméo, j’avais merdé sur toute la ligne. Numa me tend une bière que je prend volontiers, il sait à quel point la bière et moi c’est une grande histoire d’amour, sauf quand j’en abuse un peu trop et que je finis par faire et dire des choses qui ne méritent pas d’être répétées. « Je t’ai entendu te plaindre à l’autre bout de Biarritz, pour dire à quel point t’as une grande gueule quoi. » Je lui lance un regard noir, comment ça j’ai une grande gueule ? Bon, il n’a pas tout à fait tord sur le principe, c’est vrai que je suis du genre à l’ouvrir et quand je m’y met, j’ai la voix qui porte assez. Mais je suis comme ça, quand quelque chose ne me plait pas je le dis, je ne suis pas du genre à m’écraser. On trinque, comme si nous étions les meilleurs amis du monde. « En fait, je pense que tu as ressenti mon désarroi car tu es fou de moi. Tu m’aimes tellement que tu as su que je voulais de la pizza et des bières. » Je me tourne vers lui avec un grand sourire un peu trop forcé. On aime se taquiner, on aime s’envoyer chier et, surtout, on aime passer des soirées tranquilles comme ça. Je bois une gorgée de ma bière, même plusieurs en fait. Je n’ai jamais su boire, c’est un fait. Je me descends une bière comme je me descends du soda ou de l’eau. C’est sûr, il ne faut pas que je m’étonne d’être bourrée au bout de la deuxième ou troisième bouteille. « Alors, comment va ta vie en ce moment ? Pas que ça m’intéresse, mais c’est juste histoire de faire la conversation. » Je plaisante, bien sûr. Je me soucis de lui parce que, même si je n’arrive pas bien à définir si le déteste ou non, il est certain que je tiens à lui.

tu réfléchis à sa phrase, parce qu'au fond, tu te demandes pourquoi t'es là. ce n'est pas réellement le lieu de prédilection. il y a encore quelques années, si on t'avait dit que tu serais venu chez elle, chez paola avec des bières et de la pizza ... tu aurais ri au nez de la dite personne. tu lui aurais clairement dit que c'était impossible. normal, vous ne vous entendiez pas à cette époque. à cette époque, elle t'avait poqué roméo et au fond, à cause d'elle, vous étiez toujours autant éloignés parce que tu n'arrivais pas à revenir vers lui. ça viendra, petit à petit ... si jamais il n'apprend pas que tu parles à son ex. tu sais qu'elle lui a brisé le coeur et tu devrais lui en vouloir pour ça, mais tu n'y arrives simplement pas. stupide et trop gentil que tu es. « j'ai pas envie de te faire de la peine, mais j'pense pas que ce soit ça, désolé. » que tu lui dis, simplement, en levant les yeux au ciel. tu poses ta bière, et tu prends une part de pizza que tu enfournes déjà dans ta bouche. tu savoures, lentement, alors qu'elle te pose une nouvelle question. « hum ... qu'est-ce que je pourrai te raconter ... » tu fais mine de réfléchir, avant de t'enfoncer dans le canapé. « rien de bien nouveau au final, c'est pour ça que je suis venu, histoire d'avoir des histoires croustillantes un peu. le boulot ça va ? pas trop dur ? » tu savais qu'elle était avocate, elle était de ces personnes du lycée qui avaient réussi dans la vie, qui avaient travaillé, qui avaient étudié et qui avaient réussi à obtenir un boulot plutôt sympa. tant mieux, toi aussi, c'était sympa, ce n'était certainement pas ce que tu voulais, toi, tu voulais l'eau, les vagues et les planches de surf, mais bon, tant pis, tu ne pouvais plus.

Je termine ma bière, la première d’une longue série à mon avis. J’attrape une part de pizza, il a pris une reine blanche, ma préférée. Je ne peux m’empêcher de sourire en voyant cette démonstration d’affection. Ben oui, il aurait pu prendre n’importe quelle pizza mais il a choisi de prendre ma préférée. Il a beau dire qu’il me déteste, au fond il se pourrait qu’il m’apprécie vraiment Numa et aussi étrange que cela puisse paraître, ça me fait vraiment chaud au cœur. Il me dit qu’il n’a pas grand chose à raconter et me demande comment se passe le boulot. Oui, Numa adore que je lui raconte les affaires tordues sur lesquelles je tombe parfois. Je me suis spécialisée dans le droit pénal, je voulais des sensations, je n’ai pas été déçue par mon choix. Je pousse un soupire et me décapsule une autre bière, comme pour me donner du courage pour raconter le dossier que je traite en ce moment. « Je dois défendre un père qui s’est montré un peu trop tactile avec son fils de cinq ans si tu vois ce que je veux dire. Tu vois, j’aurais mille fois préféré défendre un meurtrier plutôt que lui. Je déteste quand ça touche aux enfants, ça me rend vulnérable et je me sens trop impliquée. » Oui, je déteste quand des enfant sont impliqués, ça me rend vraiment malade et je regrette parfois de devoir défendre ce genre d’ordure. Je termine mon morceau de pizza et avale une gorgée de bière, mon dieu que ça fait du bien. J’observe Numa puis je baisse aussitôt les yeux sur ma bière en me mordant la lèvre inférieure. « J’ai croisé Roméo en ville. » Je ne sais pas si je peux parler de ça avec lui, peut-être que je viens de franchir une limite. Est-ce que je peux parler de Roméo avec lui ? Certes, on a eu quelques explications à ce sujet, mais nous n’avons jamais vraiment parlé de lui, de mes sentiments à son égard ou de la connerie monumentale que j’avais faite. Roméo était un peu un sujet tabou entre nous, je n’osais pas en parler avec Numa de peur de gâcher ce lien qui s’était tissé entre nous. J’appréhendais sa réaction, j’osais à peine lever les yeux vers lui. Je ne savais pas à qui en parler d’autre, mais j’avais terriblement besoin de le dire à quelqu’un. J’avais peur qu’il s’énerve et me dise de ne pas s’approcher de lui, j’avais peur qu’il se remette à me détester de nouveau. Peut-être qu’en fait, j’avais peur de perdre Numa en retrouvant Roméo. Ironique comme situation, non ?

tu l'observes, pendant qu'elle te parle de son boulot, un boulot compliqué, un boulot avec beaucoup de responsabilités, un boulot que tu n'aurais pas pu faire. elle t'explique cette histoire, de cette ordure, et tu te demandes comment elle fait. comment elle fait pour tout garder pour elle, pour avancer, pire, pour le défendre malgré tout ce qu'il peut se passer autour de lui, malgré tout ce qu'elle sait. le secret professionnel, l'idée de défendre quelqu'un même si c'est injuste. c'est un concept de la justice que tu ne comprendras jamais. tu ne sais pas tellement quoi penser alors tu soupires. finalement, t'es bien toi, en tant que commis non ? « j'sais pas comment tu fais ... pour supporter ça, pour arriver à avancer et à faire ton boulot, malgré tout. » c'était comme un compliment, que tu lui faisais n'est-ce pas ? tu ne pouvais pas faire mieux, pas envers paola, pas après toutes ces années de haine que vous vous êtes vouées. alors tu lui fais un compliment à ta manière, tout en t'ouvrant une nouvelle bouteille de bière que tu portes immédiatement à tes lèvres. puis elle continue, elle parle, elle continue sur sa lancée et le prénom à l'origine de vos discordes s'échappent. roméo. « je ... » tu ne continues pas, tu prends le temps de réfléchir, de trouver les bons mots. elle a surement de la chance que tu sois ce type plutôt calme et posé, que tu ne sois pas impulsif. bien au contraire, tu prends le temps de réfléchir avant de réellement parler, avant de réellement dire quoique ce soit. « je ne sais pas trop quoi te dire en fait ... c'est bizarre, vraiment bizarre de parler de lui, que nous deux ... on parle de lui. t'es sûr de vouloir faire ça ? » autant la prévenir, autant être franc. t'as cet avantage de ne pas être un menteur, de ne pas cacher des choses et de ne pas faire semblant non plus. « j'dis pas que j'ai pas envie d'en parler mais ... tu nous connais, tu sais notre histoire et surtout nos différents. tu sais ce que j'pense de tout ça, j'ai pas eu les deux versions, c'est sûr, mais j'ai eu celle de roméo, et j'sais qu'en ce moment encore, c'est compliqué entre nous. »