Marlow | Je me cacherais là.

On marche côte à côte. Je m’amuse à passer mon bras sur ses épaules, mais elle l’enlève à chaque fois. Le centre-ville de Biarritz, c’est l’un des endroits les plus beaux au monde. Mais l’endroit que je préfère, outre les bars, c’est la plage, quand il fait bien nuit. On voit seulement grâce au reflet de la lune sur l’océan. On arrive sur la plage. Je ne perds pas de temps pour enlever mes chaussures. Marcher dans le sable avec des chaussures, ça craint. D’une, on ne profite pas. De deux, quand le sable vient se glisser sous le pied, on est d’accord pour dire qu’on a juste envie de tuer tout le monde ? Ok, je ne suis pas un psychopathe, on est tous pareils.

Je m’assois dans le sable pendant dix secondes grand maximum. Je ne suis pas du genre patient, à regarder les vagues pendant des heures. J’enlève ma chemise et mon pantalon. Ni une, ni deux, je cours comme un gamin en direction de l’eau. Je plonge, sans réfléchir. Avec la chaleur qu’il fait en ce moment, l’eau n’est pas froide. Elle est fraiche, d’accord, mais pas froide. C’est déjà ça. Je jette un œil vers la plage pour voir Marlow, assise. Quand je suis dans l’eau, j’ai du mal à accorder de l’importance à ce qu’il y a autour de moi. Je pourrais y rester des heures. Après quelques minutes, je me décide quand même à sortir pour retourner voir la jolie brune qui m’attend sagement. Je ne perds pas de temps pour m’ébouriffer les cheveux sur elle. Forcément, elle râle parce que l’eau est trop froide. Moi, je ris. Il faut rire dans la vie. Je m’assois à côté d’elle. « Tu ne veux pas y aller ? » Je suis sympa, je pose la question au lieu de l’y emmener de force.

Je la regarde. Elle, elle regarde cette étendue devant nous. Je me relève. Monsieur patience ! Je prends un billet dans le porte monnaie que j’ai laissé dans mon jean, pour aller acheter deux bières dans le bar le plus proche. Sans pantalon, sans chemise : exactement ! Je reviens quelques minutes plus tard et tend une bière à Marlow, après l’avoir décapsulée. Je bois plusieurs gorgées de la mienne, une fois de nouveau assis. « Ne me dis pas que t’aimes pas la bière non plus, sinon je te mets à l’eau ! »

Je ris. Je ris tellement fort que les gens présents dans la rue se retournent vers nous. Alors, je ris encore plus fort. « Non, je te rassure, je ne mettrais pas à jour mon statut Facebook. La vérité, c’est que t’espère qu’un jour, un mec t’envoie une belle déclaration. » Je la regarde, une fois m’être positionné face à elle. « Mais ce ne sera pas moi ma jolie. » Je repars à marcher devant, joyeusement. C’est ça, elle est comme ça la petite Marlow. Au fond, elle veut juste tomber amoureuse. De moi ? Non, certainement pas. Je ne suis pas assez sage pour elle.

La plage. L’océan. La nuit. Une belle association, non ? Après mon petit tour dans l’eau, je l’entends râler que l’eau est trop froide quand je reviens vers elle. Je la regarde. Excuse refusée. Le blanc et l’eau qui ne fond pas bon ménage. Je ris. Excuse refusée. « Et tu crois que c’est avec cette excuse que tu vas échapper à tour dans l’eau ? » Elle me connait un minimum pour savoir qu’au contraire, je ne vais pas me priver de la balancer à l’eau. Je prends quand même le temps d’aller chercher des bières avant. Les bières sur la plage la nuit, c’est un classique. Comme quoi oui, je peux être un homme classique. C’est ça qui est drôle : tout est possible avec moi.

Je reviens, je lui tends la bouteille. Je sais très bien qu’elle n’aime pas ça. C’est un bon prétexte pour la balancer à l’eau sans scrupules. Je finis la mienne d’une traite. Après tout, pourquoi attendre alors que j’en ai une autre que je vais devoir boire ? Je la regarde. « T’es prête ? » Je l’attrape, et la mets comme un sac à patates sur mon épaule. « Je vais être sympa : je te laisse le choix d’enlever ta robe ou non. » Je la repose quelques secondes et j’attends. Quand elle a décidé, je ne lui laisse pas le temps de partir que c’est reparti : direction l’eau avec Marlow sur l’épaule. Je mets les pieds dans l’eau. J’avance au maximum. Je pose mes mains sur sa taille, avant de la balancer dans l’eau. Non, aucune galanterie. Quant à moi, je m’écarte en nageant. Non, je n’ai pas peur d’elle. Loin de là. De toute façon, elle a la force d’une mouche. Je sais qu’elle va tenter de riposter.

Qu’elle est mignonne. Elle m’interdit de la jeter à l’eau. Je ne peux m’empêcher de rire. Je ne réponds pas. Elle se rendra compte toute seule que c’est complètement stupide. C’est évident que, dès lors qu’on m’interdit de faire quelque chose, je mets tous les moyens en œuvre pour le faire quand même. Là, en l’occurrence, je n’ai pas trop à me fatiguer. Elle est légère comme une plume. « Tu songeras au régime ! » C’est gratuit, juste pour la taquiner. Parce que c’est plus fort que moi. Mon objectif premier c’est de l’emmerder. Enfin je ne sais plus si c’est le premier, mais ça m’amuse en tous cas. « Je m’en bas les couilles ma jolie, je marcherais. » Eh un argument qui tombe à l’eau (sans jeu de mot) pour Marlow, un ! En fait, c’est vraiment plus fort que nous. L’un comme l’autre, on a ce besoin inexplicable de tout faire pour taquiner l’autre, en envoyant bouler toutes ses réflexions. J’ai toujours été comme ça, alors ça m’amuse de pouvoir jouer vraiment, sans limites. C’est ce qui est drôle d’ailleurs : ne pas se mettre de limites.

Je nage. Maintenant qu’elle est dans l’eau, j’en profite. Elle va très certainement vouloir me cogner la tête contre un rocher, ou juste me couler. Enfin je ne sais pas mais je la connais assez pour savoir qu’elle va se venger. Je m’arrêter de nager et me retourne. Je ne la vois plus. « Sors de l’eau, ce n’est pas drôle. » Je regarde encore. Il fait nuit, donc elle est peut être juste cachée quelque part. Le silence règne quelques secondes. Je m’avance là où je l’ai déposée. Le temps passe, et je ne rigole plus. Les secondes semblent super longues. Je la sens sous l’eau, et l’attrape. Je vois qu’elle ne réagit pas. Je la porte dans mes bras, vers la plage. Je la pose sur la plage. Je commence à paniquer sérieusement. Je n’ai jamais ressenti ça. Si ça se trouve, elle ne sait pas nager. Non, elle me l’aurait dit quand même ! Je n’arrive plus à réfléchir. Je me pose à genou, à côté d’elle. Je m’apprête à lui faire un massage cardiaque en posant mes mains sur elle. « T’as pas le droit de me laisser comme ça… »

Je ris aux éclats. Elle rampera s’il le faut, mais jamais je ne lui payerai le taxi. « C’est beau de croire au Père Noël à ton âge ma jolie. » Rien à foutre de sa robe blanche, du taxi qu’elle compte prendre, je la balance à l’eau. « Trouves toi un milliardaire pour ça ! » Un clin d’œil, et je m’éloigne en nageant. C’est ensuite que les minutes défilent, jusqu’à ce que je ne la vois plus et que je finisse par la sortir de l’eau. Je flippe. J’ai flippé. Je sursaute comme un gamin quand elle ouvre les yeux. J’aurais envie de la claquer. Je m’écarte. Je respire fort. Mon cœur bat à cent à l’heure. « Saloperie ! » Je tape du poing dans le sable avant de me relever. Je n’aime pas cette blague. Pas du tout. On ne joue pas avec la vie comme ça. Je suis là, comme un con, à tourner sur la plage alors qu’elle rit. Ca m’énerve. Je suis hors de moi. Susceptible ? Non. Rancunier ? Non. Pas de mauvaise foi non plus. Je reconnais que ce n’est pas le genre de blague que je serais capable de faire. Pourtant, tout le monde sait que je peux aller loin, très loin. Elle est quand même allé jusqu’à couper sa respiration. La conasse. Je veux me venger. Je n’ai que cette idée en tête. Ma vengeance, elle pourra durer des années. Une fois ne suffira pas. Elle va le regretter, de m’avoir fait cette blague de merde.

C’est décidé. Je retourne vers Marlow, sans dire un mot. Je suis toujours énervé. Elle, elle ne cesse de rire. Je l’attrape, et la pose comme un sac à patates sur mon épaule. J’avance dans l’eau, d’un pas affirmé. Je la balance, avec encore moins de bonne intention que la première fois. Je ne dis rien, même si l’envie de lui hurler dessus est intense. Je retourne sur la plage, et je continuer de marcher, en mettant des coups de pieds totalement inutiles dans le sable. C’est malin, elle m’a gâché ma soirée. Heureusement qu’il me reste de la bière. Je retourne près de mes affaires pour en prendre une, et la descendre d’une traite. Je ne lui accorde pas un regard. Je ne fais plus attention. Si elle se noie, je n’irais pas la chercher ce coup-ci.