(Bendo) Je manque d'espace, je manque d'air pur

Parfois, je me demande comment est-ce que j’ai pu choisir une profession aussi difficile, avec une spécialisation si compliquée. Le pénal. Le plus difficile, ce n’est pas d’écouter le récit douloureux des victimes, c’est de les voir, elles. En face de moi, cette jeune fille de vingt ans me raconte son calvaire, comment elle s’est retrouvée face à un individu, chez elle, qu’elle ne connaissait ni d’Eve, ni d’Adam et qui a pénétré dans son appartement en profitant qu’elle rentrait ses courses. Il s’est immiscé dans sa vie, lui a fait mal, physiquement, psychologiquement. Il a détruit sa vie. Elle ne sera plus pareille. Je baisse les yeux sur mon dossier, puis les relève après quelques secondes sur elle. Il ne faut pas que je lui montre ma peine, mais elle est bien là, elle se ressent dans mes yeux, dans ma façon de me comporter. J’ai mal pour elle. J’aimerais pouvoir lui retirer tout ce fardeau, mais je ne peux pas. Alors je me contente d’écouter, de prendre des notes. C’est ma toute première cliente, depuis que j’ai terminé mes études, depuis que j’ai validé mes acquis. La toute première que j’ai à moi toute seule et c’est différent, effrayant. Avant, j’avais quelqu’un sur qui compter. Nous étions même plusieurs étudiants à travailler sur les cas qu’on nous offrait et c’était à celui qui allait se faire repérer le plus rapidement. Là, il n’y a aucune compétition avec personne. Il faut juste gagner un procès pour rendre justice, pour emprisonner un homme qui a agi comme il n’aurait pas dû. A la fin de l’entrevue, après avoir eu les réponses à mes questions, après lui avoir expliqué avec peu d’assurance comment les choses allaient se dérouler, je me lève, me tourne, proche de la sortie… Puis lui fait face, de nouveau, en faisant une erreur. Je lui donne mon numéro de portable, mon numéro personnel. Je ne sais pas pourquoi j’ai fait ça, je n’aurais pas dû, mais elle accepte en me remerciant d’un sourire.

En rentrant chez moi, j’entre dans la salle de bain et me douche aussitôt, restant une bonne heure dedans. Un besoin viscéral de me laver, comme à chaque fois que je me sens sale et cette histoire n’a fait que me rappeler d’où je viens, le dégoût que je ressens lorsque je croise le regard de ma mère, dépressive. Je déteste ça, me sentir mal. Une serviette autour de ma poitrine, je rejoins ma chambre et trouve des vêtements. Un pantalon en cuir, un top, bustier, rouge et des petites chaussures à talon qui me rendent bien plus grande que je ne le suis. Un instant, je reste à caresser mon chat qui vient se coller à moi, déposant un baiser entre ses oreilles et me hâte vers la sortie, emportant ma veste bleu marine au passage. Le bar dans lequel j’arrive, je le connais bien pour le fréquenter plusieurs soirs dans la semaine. Il est dix-neuf heures et il est déjà bondé. Il y a du monde dans tous les recoins. Je m’avance jusqu’au comptoir, pose ma main sur celui-ci et attire l’attention du barman qui est aux commandes ce soir. « Laisse-moi deviner. Un Mojito ? » Je lui adresse un faible sourire. Il me connaît bien. « S’il te plaît. » Aussitôt dit, aussitôt fait. Il pose le verre devant moi. J’en verse une partie du contenu et me tourne vers l’intérieur. Il y en a qui sont debout, près de moi, d’autres sur des tabourets. Les tables sont presque pleines. Et puis mes yeux se posent sur une silhouette, un visage. Bendo. C’est bien le seul dossier en cours qui me détend, parce qu’il n’a rien à voir avec des agressions sexuelles. La première fois que lui et moi nous nous sommes vus, j’étais dans une position étrange, avec une serviette autour de ma poitrine, gênée qu’il me voie comme ça… Pour une raison aussi bidon. Celle de m’être enfermée à l’extérieur de chez moi, la poignée étant tombée. Il m’a aidé à rentrer et je lui ai donné de mon temps pour son histoire chaotique. J’hésite. La fille qu’il connait bien a peur de se montrer. Celle qui est vulnérable. Je m’avance, avec un semblant d’assurance sur mon visage et pose ma main sur son bras. « Salut. » C’est toujours très étrange de le revoir, alors qu’auparavant, on se contentait de se parler sur Internet. « Alors, tu as trouvé ta groupie du soir ? » demandé-je, sur un ton sérieux, avant d'ajouter : « Si ce n'est pas le cas, j'aimerais l'être. » Parce que oui, je n'ai pas envie de me prendre la tête à trouver un type ce soir. Il est là. Il me respecte, je le sais, mais il peut me respecter en me prenant dans ses bras.

 Un bar comme un autre, t'es là parce que tu as besoin d'oublier, quelques instants, cette brune qui ne veut pas sortir de ton esprit. Alma. elle a décide, d'elle-même, de venir s'installer sans même te prévenir. tu n'aurais jamais du la rencontrer, tu n'aurais jamais du entrer chez elle, tu t'en rends compte maintenant, que c'était une grave erreur d'avoir fait ça. tu t'en veux, quelque part, d'être aussi faible, tu t'en veux, de toujours penser à elle, à te demander si elle va bien, si elle ne se sent pas trop seule dans sa chambre d'hôpital et tu t'en veux encore plus de ne pas pouvoir aller lui rendre visite. la situation est de plus en plus compliquée, et c'est sans compter sur Nino ... Nino qui veut rentrer dans le game à nouveeau, Nino qui veut revenir dans les embrouilles. dans les emmerdes. tu n'es pas contre, tu ne peux pas être contre, parce que tu l'apprécies le Nino et au fond t'as envie qu'il revienne. t'es partagé finalement. s'il revient et si Alma l'apprend, tu peux être sûr qu'elle ne voudra plus jamais te revoir, ce qui en soit serait une bonne chose, ça te permettrait de ne plus souffrir de la sorte, les choses claires et nettes. seulement, tu sais quelque part, que tu ne veux pas la perdre la brune. le choix est ardu, compliqué, difficile et si lointain ... du coup, t'es là, assis tranquillement, un bourbon entre les mains, tu joues avec le liquide, à le faire tourner en tentant vainement d'oublier. tu sais ce qu'il te faut. une petite ligne de poudre blanche. il t'en faut une. « Salut. » tu lèves la tête, et tu la regardes. Daphné. si intense, si excentrique, si elle. tu tentes un sourire amical. « Alors, tu as trouvé ta groupie du soir ? » tu souris un peu plus, en haussant les épaules. tu es un homme à femmes, à plusieurs femmes, pas à une unique femme, surtout pas ça. « Si ce n'est pas le cas, j'aimerais l'être. » tu pousses la chaise en face de toi avec ton pied.  « installe-toi beauté, tu seras ma groupie ce soir. » que tu lui réponds simplement. tu appelles le serveur qui passe de temps en temps, pour qu'il vienne prendre votre nouvelle commande.  « je ne vais pas être de très bonne compagnie ce soir, à moins que tu n'arrives à me changer les idées. les cartes sont entre tes mains Daphné, qu'as-tu de beau à me raconter ? Tu vas bien ? » Daphné, c'est différent, Daphné, elle est différente, dans ton esprit, c'est pas un morceau de viande, ça en l'a jamais été et ça ne le sera jamais. vous avez longuement parlé, par internet, par messagerie et par téléphone, elle est ... elle-même et c'est sûrement une des personnes qui te connaît le mieux sur cette Terre mais ça, elle n'en sait rien.

Je tire sur la chaise déjà bien poussée en ma direction et m’installe. Bendo, c’est un gars avec qui je ne souhaitais pas aller plus loin, de peur de ficher en l’air notre amitié, ce lien si différent des autres, mais à le voir là, seul et avec mon état pitoyable, j’ai besoin d’un remontant et je ne parle pas seulement de mon Mojito. Lui aussi, apparemment. Lorsque le serveur arrive, je lui fais signe que pour moi c’est bon en lui montrant mon verre à moitié plein… Mais reviens sur ma décision en finissant d’une traite mon verre entre les mains. Je lui redemande la même chose, laisse Bendo commander à son tour, puis quand le serveur s’est enfin éloigné, j’agrippe ma chaise de mes doigts et m’approche de mon ami, plaçant une jambe entre les siennes, l’autre se collant contre sa jambe, l’emprisonnant de la sorte. « Ca va. Je vais bien. » Faux, ça ne va pas du tout. C’est pour ça que je suis là, face à lui, à prendre les devants. Me montrer entreprenante n’est pas un problème, l’être avec lui est délicat. C’est pour cette raison que l’alcool est mon meilleur ami ce soir, pour me donner une bonne excuse lorsque je me réveillerai demain, même si au fond de moi, je sais la vérité. J’ai besoin de quelqu’un qui me regarde, qui me touche, qui me fasse oublier, comme tous les soirs de la semaine. C’est tellement plus facile de me noyer dans les bras de quelqu’un, plutôt que de ruminer dans un coin. « Apparemment ce n’est pas ton cas. Je peux facilement changer les idées des hommes, lorsque je l’ai décidé. » Je pose une main sur sa cuisse, puis finalement me relève et passe derrière lui. Je pose mes mains sur ses épaules, tandis que le serveur pose nos boissons sur la table avec l’addition cachée. Je saisis mon Mojito, humidifie mes lèvres avec le liquide frais et les place sur son cou, remonte jusqu’à son oreille, sans perdre le contact avec sa peau une seule fois. « Mais ça dépend de toi, de ce que tu veux, de si tu me laisses faire. Est-ce que tu comptes me repousser ? » Je ne le supporterai pas, alors j’ai besoin de savoir d’ores et déjà à quoi m’attendre, s’il est assez mal pour me laisser agir, ou si notre lien important le poussera à m’empêcher d’aller plus loin dans mes gestes, mais la dernière fois, avec son regard baladeur sur ma silhouette lorsque je portais qu’une serviette me laisse bon espoir. Il avait aimé ce qu’il avait vu. Là, je m’offre sur un plateau d’argent sans qu’il ne fasse le moindre effort, sans qu’il n’ait à dire un seul mot pour me draguer, ou à utiliser ses charmes pour m’obtenir.

elle s'installe, termine son frère d'une traite, te regarde, en commande un autre et c'est parti pour un tour. tu la laisses faire, totalement, entièrement, sans la quitter des yeux. tu sens déjà sa jambes errer entre les tiennes, l'autre les bloquer, un fin sourire s'affiche sur tes lèvres même si tu restes surpris et choqué de sa part. un petit peu. elle n'est pas entreprenante avec toi, normalement, elle ne fait pas ce genre de choses, pas avec toi du moins, alors tu es pris de court et ça te fait du bien, de ne pas calculer pour une fois, de ne pas savoir. « Ca va. Je vais bien. » tu ne la crois pas, mais tu n'en dis rien, non, tu ne fais pas de commentaire, tu te contentes de garder le silence et de la laisser continuer. « Apparemment ce n’est pas ton cas. Je peux facilement changer les idées des hommes, lorsque je l’ai décidé. » tu l'observes, tu ne la perds pas du regard une seule seconde. a-t-elle décidé de te changer les idées ? la réponse à ta question ne tarde ps à arriver lorsque tu sens sa main descendre sur ta cuisse. tu serres les dents pour résister à la tentation, tu respires un bon coup et tu tentes de rester de marbre devant Daphné. son corps se lève, tu n'en perds pas une miette jusqu'à ce qu'elle disparaisse derrière toi. ses mains sur tes épaules, ses lèvres se perdant dans ton cou, tu pourrais presque en perdre la tête. presque. « Mais ça dépend de toi, de ce que tu veux, de si tu me laisses faire. Est-ce que tu comptes me repousser ? » tu fermes les yeux à son contact, tu fermes les yeux pour réfléchir et trouver la bonne réponse, la bonne solution. est-ce que c'est bien ? non, parce que tu risques de la perdre, en tant qu'amie et tu as besoin d'amie plus qu'à n'importe quel moment. est-ce que tu as envie de te perdre entre ses bras ? entre ses courbes ? oui, irrémédiablement. tu en as envie. trop envie. tu laisses ta tête se jeter lentement en arrière, tes iris bleutés se plantant dans celles de la brune. tu captes toute l'intensité de son regard.  « chez toi ou chez moi ? » que tu lui souffles alors, un sourire en coin sur les lèvres. tu ne la repousseras pas parce que tu n'en as pas la force ni l'envie, et encore moins le besoin. alors tu te retournes doucement, ta mains se collent dans son dos la ramenant contre toi, entre tes jambes. tu te fiches qu'il y est du monde, vous ne faites rien de mal. pour le moment du moins. tu n'es pas un grand parleur, tu ne parles pas souvent, t'exprimes peu, tu ne vas pas lui faire une dissertation pour lui expliquer que tu ne la repousseras pas. tes gestes suffisent, enfin, c'est ce que tu crois.

Il ne me repousse pas et ça me fait un bien fou. Bendo se retourne et je me retrouve rapidement entre ses jambes. Mes doigts effleurent ses bras, mes lèvres reprennent leur place sur sa peau, sur son cou, remontent jusqu’à son menton. « Chez toi. » dis-je, entre deux baisers, un sur sa joue, l’autre en-dessous de son oreille. J’ai mes habitudes. Je n’aime pas être en territoire connu, parce que même si j’ignore qui je fréquente chaque soir, ils ne savent pas où je vis, ne peuvent plus revenir. C’est un risque à prendre et puis surtout, c’est parce que je peux filer juste après, sans m’attarder. C’est ce qu’ils veulent, alors je m’échappe avant qu’ils n’aient le temps de me demander de dégager, avant de prendre conscience que je n’étais qu’un morceau de viande comme un autre et pas une femme qu’ils ont au moins apprécié durant la nuit. C’est tellement mieux de penser de cette façon. De la sorte, je leur laisse un dernier souvenir de mon passage, je leur montre que je ne suis pas comme les autres, que je tiens les rênes. Avec Bendo, c’est différent, je sais qu’il ne me veut pas du mal, qu’il ne me jettera pas demain, c’est beaucoup trop délicat avec notre lien. Et je sens qu’il a envie de se perdre lui aussi, pour une nuit, oublier ce qui se passe dans sa tête. Je récupère ma boisson, laisse la paille sur le côté et bois une petite gorgée de mon Mojito que je n’avale pas. Mon index se place sous son menton pour relever son visage, mes lèvres se pressent contre les siennes et je partage ma boisson, le laisse goûter à cette gorgée au mélange de Mojito et de Daphné en même temps. Ca aurait pu être parfait, si un homme ne s’arrêtait pas entre nous. Il lâche un petit ricanement et c’est ce qui m’oblige à tourner la tête dans sa direction. « Alors Daphné a trouvé sa proie du soir ? » Il est venu me draguer il y a deux semaines de ça et je n’ai pas donné suite à son rentre-dedans. Le fait est que j’étais déjà avec quelqu’un. Je me connais, je l’aurais laissé faire si ça n’avait pas été le cas, par besoin. Je lâche un soupir, prends appui sur une épaule de Bendo, tandis que mon autre main se crispe sur mon verre. Je le déteste. Je le déteste de ne pas me parler, de m’incendier, de me prendre au piège avec ses petits stratagèmes pour repousser les hommes et le pire, c’est que ça marche. Il m’a déjà fait le coup plus d’une fois et ils se sont barrés en me laissant derrière eux. Et je le hais surtout de faire ça devant lui. « Je te conseille d’aller voir ailleurs. Tout le monde lui est passé dessus, sur celle-là. Tu pourrais te choper des maladies inimaginables. »

« Chez toi. » qu'elle te souffle simplement, avant de partager sa boisson avec toi. mojito. tu serres ta main contre son dos, qui dévie doucement sur sa hanche que tu presses en avalant le liquide. tu soupires doucement d'aisance en appréciant son contact. Daphné. seulement, un rire te sort de cette bulle. un ricanement. un type s'arrête, à vos côtés. « Alors Daphné a trouvé sa proie du soir ? » ils se regardent les deux, pendant que tu sembles de trop. ils doivent se connaître. sa proie du soir ? Daphné a donc besoin d'un homme différent tous les soirs ? tu fais parti de son tableau du soir ? ça ne te plaît réellement pas, encore moins la manière dont l'homme la regarde. La main de la brune sur ton épaule, tu ne bouges pas, tu restes de marbre tout en fixant l'inconnu.  « Je te conseille d’aller voir ailleurs. Tout le monde lui est passé dessus, sur celle-là. Tu pourrais te choper des maladies inimaginables. » le problème, avec toi, c'est que tu es sanguin, que tu es impulsif, que tu prends parfois les choses trop à coeur. qu'il l'insulte, là, devant toi, ça t'énerve, te met en rogne, te donne envie de le faire taire, de le faire disparaître. l'autre problème avec toi, c'est que tu te réagis trop vite, trop rapidement et que tu ne te laisses pas le temps de réfléchir. c'est surement comme ça que tu écartes Daphné de ton champ, que tu l'obliges à reculer, coupant tout contact. une de tes mains attrape l'homme, l'emmène à ta suite, le force à te suivre. tu lui plaques le visage contre la table du bar dans un fracas assez conséquent. tu te fiches qu'on te regarde, qu'on vous regarde, t'en as rien à faire.  « écoute moi bien petit con. la prochaine fois, ce ne sont pas des simples paroles que je te donnerai. tu n'approches plus Daphné, jamais. si tu la croises, tu baisses les yeux, sinon, crois-moi, je te retrouverai.  » tu relèves son visage, tu le cognes de nouveau contre la table avec violence.  « tu m'as bien compris ?  » il hoche la tête comme il peut, tu le relèves et tu le jettes dans le bar. il vient s'écraser contre le sol, au pied de la foule qui s'est créée entre vous. tu ne les regardes pas, tu prends ton verre, le finis d'une traite avant de partir sans un regard pour Daphné. t'es énervé. trop énervé.

La scène se passe sous mes yeux, avec une telle rapidité que j’ai juste le temps de retrouver mon équilibre en posant ma main sur la chaise qu’il l’a déjà empoigné par le col. Plusieurs personnes se sont déjà stoppées dans leurs activités pour les observer. Bendo s’emporte. Je sursaute en entendant le bruit de son visage contre la table, une nouvelle fois. Il vient d’agir en tant qu’ami qui n’aime pas qu’on me manque de respect, mais il y a autre chose. Il ne m’adresse pas un seul regard, termine sa boisson et s’en va, comme ça, alors que mes yeux sont fixés sur cet homme qui peine à se relever. Je revois la scène violente passer en boucle dans ma tête, les mots de Bendo, puis je réagis enfin, récupère mon manteau que j’enfile et me hâte vers la sortie du bar. Je tourne la tête à droite, puis à gauche. Bendo s’est déjà bien engagé dans la rue, alors je retire mes escarpins et cours pour le rattraper. A quelques centimètres de lui, je saisis son bras, le tire doucement pour qu’il s’arrête. « Bendo arrête-toi, s’il te plaît. » Je me place finalement devant lui, le souffle court. Je lâche mes chaussures par terre, pose mes mains sur ses bras. « Je suis désolée, pour ce qui s’est passé. Je suis désolée. » Je me sens navrée qu’il se soit emporté de la sorte, pour moi, alors que tout ce qu’il a dit, c’est la stricte vérité. Enfin, que plusieurs sont passés par là. Les maladies, ça, ce n’est pas vrai. Je suis clean. Je n’aurais jamais risqué de mettre la vie de Bendo en danger à cause de mes conneries. Je fais glisser mes mains le long de ses bras, pour l’apaiser, bien que je doute que ça puisse avoir cet effet. Il a l’air si… énervé. « Tu es furieux contre moi ? Pour ce qu’il a dit ? » Qu’est-ce que je peux bien lui dire ? Que c’est faux ? Ce serait lui mentir que de lui dire une pareille chose. « C’est vrai. Je fréquente des hommes différents chaque soir, mais je ne te considère pas comme une proie, ou quelque chose comme ça. » Je ne considère personne de la sorte. Je n’ai pas un agenda avec tous les noms des hommes qui finissent par me présenter leur lit, ni une photo pour m’en souvenir. Je m’en rappelle naturellement, parce qu’ils ont tous de l’importance. Bendo en a plus que les autres. C’est une personne qui compte.

un pied après l'autre, tu t'en vas, tu fuis. le plus vite possible. tu ne dois pas faire demi-tour, non, tu ne dois pas faire demi-tour et retrouver ce type parce que tu sais de quoi tu es capable, tu sais que tu pourrais t'emporter, le frapper encore et encore. juste parce qu'il t'a énervé ? oui, entre autre, mais aussi parce qu'il a insulté Daphné, une de tes seules amies. tu secoues ta tête. tu ne l'entends d'ailleurs par arriver jusqu'à ce qu'elle touche ton bras et s'exprime. « Bendo arrête-toi, s’il te plaît. » tu l'écoutes, même si t'es à deux doigts de reprendre ta route. tu ne bouges pas, elle fait le tour, arrive devant toi, te fixe et tu fais la même chose. « Je suis désolée, pour ce qui s’est passé. Je suis désolée. » désolée ? désolée de quoi ? tu t'en fiches qu'elle soit désolée, ce n'est pas ses excuses que tu veux.  « j'en ai rien à foutre de tes excuses.  » quand tu es énervé, il est compliqué de te radoucir, personne ne le peut vraiment, personne sauf .. alma ? peut-être, t'en sais rien, tu ne veux pas savoir, ce n'est pas le sujet, certainement pas. « Tu es furieux contre moi ? Pour ce qu’il a dit ? C’est vrai. Je fréquente des hommes différents chaque soir, mais je ne te considère pas comme une proie, ou quelque chose comme ça. » tu secoues la tête, tu ne veux pas savoir tout ça,ce ne sont pas tes affaires. tout ce que tu retiens, c'est que t'as failli tomber dans ses bras alors que tu n'es pas censé la considérer comme telle. quelque part cet homme vous avez sauvé d'une erreur ...  « écoute, ce que tu fais tous les soirs, ça ne me regarde pas, j'veux pas savoir. comme tu veux pas savoir ce que je fais.  » non, elle ne voulait pas savoir que tu trafiques, que tu vends de la drogue, que t'es d'ailleurs complètement accroc à cette poudre blanche. non, elle ne veut pas savoir que tu sait manier les armes à feu, que tu as même déjà tirer sur quelqu'un, non, elle ne veut pas savoir que tu as tué quelqu'un récemment. non, elle ne veut pas savoir.  « tu me considères comme quoi alors ? sérieusement Daphné, c'était une erreur, toute à l'heure, j'veux pas de ça avec toi tu ... putain, t'es mon amie non ? tu fais chier. » tu ne peux pourtant pas partir, ou même la laisser alors, alors tu la fixes.  « c'est bon, viens chez moi ...  » peut-être qu'elle a besoin de parler ? t'en sais trop rien, tu ne sais même pas si tu seras à la hauteur de quoique ce soit.

Non, je n’ai pas envie de savoir ce qu’il fait, je ne souhaite pas que l’image que j’ai de lui soit mise à rude épreuve par ce qu’il pourrait bien me dévoiler… Et en même temps, je suis curieuse. Lui aussi a été témoin de quelque chose dont je ne suis pas fière. Après ça, il peut très bien me cataloguer de fille facile, ou d’une nana qui attire les hommes dans son lit pour les faire souffrir ensuite, les rejeter. Est-ce que c’est ce que je suis ? Quelqu’un qui fait du mal à ceux qui s’approchent d’elle ? Ce n’est pas comme s’ils s’attachaient à moi, comme s’ils souffraient de mon départ. Ils profitent, ils n’en ont rien à faire, peuvent se trouver une nouvelle midinette le lendemain sans problème. Je ne suis que de passage. « Et qu’est-ce que tu fais ? » J’appuie ma question en resserrant mes doigts sur sa peau, pour l’inciter à se livrer, à me dire ce qu’il me cache. Qu’on soit sur la même longueur d’ondes, quelque chose comme ça. « Comme… Comme… Un ami. Je te considère comme mon ami. » Je n’aurais pas dû l’allumer tout à l’heure, pas avec ce qui nous lie et pourtant, ça ne m’empêche pas de me rapprocher une nouvelle fois de son corps, d’agripper son t-shirt avec ma main libre, comme si je craignais qu’il s’en aille, qu’il me laisse là. C’est ça, j’ai peur de me retrouver toute seule cette nuit, que demain il ne me rappelle pas, me tienne rigueur de comment je me suis comportée envers lui. « Je suis ton amie, aussi, mais qu’est-ce que ça change, après tout ? C’est juste un contact physique, pas vrai ? Ce n’est pas parce qu’on cède ensemble que demain, les choses s’arrêteront. » Je suis désespérée. J’ai besoin de lui, ce soir, cette nuit. J’ai besoin qu’il me fasse oublier tout ce qui s’est passé dans la journée, toutes ces choses qui rôdent dans ma tête, qui tournent en boucle et qui seront encore là demain matin. Elles viennent me narguer, me font comprendre que je n’arriverai jamais à me débarrasser de mes maux. Alors, quand il me dit que je peux venir chez lui, j’en suis soulagée. Je me hisse sur la pointe des pieds, dépose un baiser sur le coin de ses lèvres et murmure au creux de so oreille : « Si tu as peur que je t’abandonne, je peux te promettre que ça n’arrivera pas. Je n’abandonne jamais ceux qui comptent, ceux qui ont de l’importance. » Et il en a, pour moi. Je me penche vers mes chaussures, les récupère et ajoute : « Je te promets. » dis-je, les yeux plantés dans les siens.