La déchéance n'est pas loin (Dorian)

« Tu sais ce que l’on fait aux personnes de ton genre ? Hein ? » Et me voilà acculé contre un mut, avec trois gars quelque peu menaçants qui m’entourait. Je n’avais donc pas d’échappatoire. Je n’étais pas quelqu’un de violent, mais je ne suis pas non plus quelqu’un de passif. Je soupire parce que c’est un peu idéal de penser que je parviendrais à m’en sortir seul et sans dommages. C’était bien ma veine de me trouver dans une telle embuscade. Je sortais de mon travail et je n’avais rien demandé à personne. Mais, apparemment mon apparence était trompeuse parce que je me retrouvais entouré de trois types qui n’avaient pas l’air d’apprécier les homosexuels.

Ma sexualité ne m’avais jamais posé de problèmes, bien au contraire je l’ai toujours plus ou moins assumé, même si ça m’a amené pas mal de soucis. Mais, aujourd’hui je ne changerais rien du tout. Parce que même si je ne parle plus à ma mère pour la simple raison qu’elle refuse de me voir et même de m’apercevoir, c’est tellement moins angoissant que de vivre dans le déni. Et, puis aujourd’hui, cela fait des années que j’ai fais mon coming-out, et je ne le regrette pas.

Mais, aujourd’hui, je me rends compte que l’intolérance fait encore grandement partie de ce monde. C’est désolant, mais, malheureusement on ne peut rien faire contre l’idiotie du monde. De plus, en ces temps quelques peu difficiles, la violence est omniprésente, et c’est un peu démerde-toi pour t’en sortir. La peur avait envahi notre pays depuis novembre dernier, pourtant suite aux attentats, un élan de solidarité entre tous. Mais cela était retombé comme un soufflet, et on vivait dans une méfiance totale. Certains en profitaient plus que d’autres. Comme mes agresseurs, qui faisaient ça presque à la vue de tous. Je soupire doucement, j’étais coincé et ils avaient quand même une sacré force. Ca se confirme quand je sens le poing de l’un des trois, je suis bien incapable de remarquer qui a donné le premier coup puisque les coups suivant ont suivis de manière très rapprochés. Je gémis de douleur, bien que je n’y suis pas sensible, mais les bleus commençait déjà à apparaître.

J’avais pas pensé que la soirée se terminerait de cette manière. Pourtant je n’avais rien demandé à personne, donc je ne vois vraiment pas ce qui leur a déplu, que ce soit dans mon comportement ou même dans mon apparence. Peut-être qu’ils avaient simplement besoin de se déchaîner. C’était tout bonnement tombé sur moi. Je n’avais malheureusement pas le choix que de suvbir les coups en silence. J’avais bien tenté de protester et de rendre les coups, mais ça les avait rendus que plus colériques encore et bien plus violent. Donc je subissais, espérant que ça se terminerait bien assez vite, même si à mon goût, j’aimerais bien qu’ils arrêtent maintenant, mais ils n’avaient pas l’air décidés. Et moi qui avait décidé d’aller à la librairie demain, c’était foutu. Il était hors de question que je me présente ainsi face à Oli. J’avais quand même une fierté à conserver. Et, je ne voulais pas que lui ou son oncle s’inquiète pour ma personne. Ce qu’ils ne manqueraient pas de faire s’ils me voient arriver ainsi. Et puis bon, de toute manière, mon médecin, qui n’était autre que mon employeur, ne me laisserait pas sortir de sitôt. J’étais bon pour être en arrêt maladie. C’était bien ma veine, on était pas encore à la moitié du mois et je sens que la fin de mois va être très difficile, mais je devrais faire avec. De plus, mon père venait me rendre visite après-demain, je n’ose même pas imaginer sa réaction. Ma mère, elle, s’en foutrait royalement, je pense même qu’elle s’en réjouirait. Mais, là maintenant,; je ne ressentais que de la douleur pure et simple.

J’apercevais bien des inconnus se dépêcher de passer devant nous, la peur des représailles subsistaient malgré tout. La peur que l’on s’en prenne à eux surpassait tout. Mais, heureusement il y a, enfin, quelqu’un d’intelligent pour tenter d’intervenir. Je suis déjà à terre, totalement amoché, la seule pensée cohérente que j’ai, c’est que j’ai le corps en miette et que ça fait un mal de chien. Lorsque mes agresseurs se retourne face à celui, ceux ? qui les ont interpellé, je me redresse avec une grimace d’inconfort contre le mur pour qu’il me soutienne. Je ne vois pas ce qui se passe, l’oeil gauche est totalement tuméfié, il commençait même à gonfler. Palpant mes côtes je gémis de douleur, certainement un ou plusieurs côtes de cassées. J’aperçois vaguement les traits de celui qui m’est venu en aide, et qui m’a probablement sauvé la vie. Je grogne un « oui » presque inaudible tout en tentant de me relever prenant appui sur toi, fameux inconnu. Je soupire « ouais, il ne m’ont pas loupé. » Il me faut plusieurs secondes pour articuler cette phrase, ponctué de gémissement de douleur. Je secoue la tête « Sais pas… Je crois que je ne leur ai pas plu… » Je prend appui sur toi, tentant de faire un pas.

Je préférais prendre tout ça à la légère, du moins pour l’instant, encore sous le choc de l’agression, mais le lendemain je serais certainement plus affecté. Enfin, pour le moment c’est bien le dernier de mes soucis. Heureusement ça s’est enfin terminé, même si je suis vraiment mal en point. Je n’aurais plus qu’à rester cloué à mon lit ces prochains jours. Mais bon à part ça je devrais m’en tirer encore sans trop de dommages, du moins rien de cassé, je l’espère. En tout cas, je ne pense pas qu’un séjour à l’hosto soit obligatoire. Je passerais demain au cabinet où je bosse pour me faire examiner, c’est au moins l’avantage de travailler avec un médecin. Si ce n’était pas le boulot de mes rêves, je ne crachais pour autant pas sur les avantages qu’il y a avec. Et notamment, le fait que je ne paie pas la totalité de mes frais, enfin pas ceux qui étaient bénins. Là je sais que je n’y échapperais pas, mais j’ai une confiance totale dans mon médecin, et certainement pas en l’hôpital. Bref, tu finis par m’aider à marcher, même si j’ai l’impression d’avancer encore plus lentement qu’un escargot. Mais bon j’arrive encore à tenir debout et c’est le principal, ça aurait été plus inquiétant si ce n’avait pas été le cas. Je te laisse m’emmener où tu souhaites puisque de toute manière je n’ai pas le choix puisque je suis totalement dépendant de toi. Heureusement tu ne semblais pas me prendre en pitié, je préférais ça, parce que je détestais sérieusement devoir subir la pitié, c’était vraiment le pire sentiment, à mon humble avis. « Oh, je crois simplement que je ne leur plaisais pas… Et c’est Suliac, et toi ? » Je souffle, parler me demande encore un plus grand effort que marcher, et lorsque je vois ta voiture, je ne peux qu’en être soulagé. Une fois installé à l’intérieur, je grimace de douleur, la position assise n’est pas des plus confortable. Mais j’allais devoir endurer cette douleur le temps d’arriver chez moi. Je grimace, tu ne prends pas du tout la direction, et de toute manière tu ne me l’as même pas demandé. Tu sembles déterminé à m’emmener là-bas, soit. Je grimace « Oh certainement pas mes parents, y aurait bien mon père, mais il ne tiendra certainement pas tête à ma mère, bref, tu peux appeler Oli, tu trouveras le contact dans mon téléphone… » Je n’ai pas la force de m’en servir… « Et franchement, tu n’es pas obligé de m’emmener là-bas, chez moi ça irait parfaitement… » Bon, je n’ai pas trop le choix de la direction. Mais je n’allais pas me plaindre, j’avais eu la chance que quelqu’un intervienne et surtout ne me laisse pas, parce que ça aurait pu arriver. « En tout cas, merci… »

J’essaie de sourire à ta répartie avant de grogner. « C’est ça…. » J’économise ma salive, et plus je parle plus la douleur semble devenir de plus en plus puissante. Alors je parlais si c’était strictement nécessaire. Je t’étais reconnaissant de ne pas insister pour savoir ce qui s’était passé, je n’étais pas certain de parvenir à en parler, je préférais mettre une barrière entre ce qui s’était passé, je ne voulais pas encore y penser, sinon je ne suis pas certain de pouvoir rester debout. Ca aurait été bien pire si tu n’étais pas passé par là. Je notais dans ma tête de venir te remercier comme il se doit plus tard, parce que là je ne suis pas forcément en état de le faire. Je trouvais d’ailleurs que les gens faisaient preuve d’une indifférence dont je ne serais pas capable. Rester là, à voir une personne se faire démonter sans même intervenir, je serais bien incapable de rester de marbre face à une telle injustice. Je te souris, hochant la tête pour te dire que j’ai bien entendu. Je n’étais pas très d’accord pour aller à l’hôpital, je commence à croire que ce n’est peut-être pas plus mal au final, vu comment la douleur continuait d’affluer. Mais je pouvais me montrer très têtu quand je le voulais et j’avais bien du mal à admettre que tu avais raison. Je laisse échapper de nouveau un rire avant de gémir de douleur. « Tu n’imagines pas à quel point elle aime tout diriger. » Je grimace, ce n’était vraiment pas un sujet agréable, mais je ne vais pas me renfermer à chaque fois qu’on parle d’elle. « Un peu ouais, enfin c’est plutôt elle qui ne veut rien avoir à faire avec moi. Je te laisse mon portable à disposition, de toute manière je suis bien incapable d’envoyer un message pour le moment, je le ferais plus tard, au pire. « En fait, je ne sais pas, t’as peut-être raison. » Je dis cela avec une mauvaise fois évidente, mais bon force est que je dois bien reconnaître quand j’ai tort. « Oh, il y en a quand même pas mal qui n’ont pas réagi. ». Je tente de me débrouiller pour sortir mais c’est peine perdue. « oh, ça devrait l’faire. Je peux peut-être à peine tenir debout mais je ne vais pas tomber en morceau, heureusement. » Je te souris doucement, ayant seulement sorti mes jambes de la voiture. Décidément je n’irais pas très loin. Je reprends mon portable que j’enfonce dans ma poche avant de trouver un point d’appui sur tes épaules. Me déplacer est encore plus douloureux, j’ai dû me casser plusieurs côtes, et définitivement je crois que je n’ai pas le choix et que je suis bon pour passer le reste de la soirée dans cet immense bâtiment que je hais.

Je n’ai pas vraiment eu le temps de penser au pourquoi les gens n’intervenaient pas. De plus cela est quand même répréhensible par la loi. Mais, ils ne pensent pas à ça, la peur les amènent à fuir cette scène insupportable, encore plus pour moi qui est au coeur de l’action. Pourtant je ne peux pas leur vouloir, je le sais, si ça se trouve sur une scène équivalente, je n’aurais peut-être pas mieux fait. Bon d’accord, je ne suis pas du genre à rester spectateur d’une scène d’une telle violence ou même de m’en aller sans rien tenter. Ca ne me ressemblait pas d’être comme eux. Mais heureusement, un avait assez de folie, ou d’esprit, pour s’interposer entre mes agresseurs et moi. « Oh, c’est partout, on ne s’en débarrassera pas, et de toutes les formes de lâcheté. » Mais la pire des lâchetés était celle que je venais de subir et dont je ne sortirais pas indemne. Mais j’étais vivant, c’est tout ce qui comptait. si tu n’étais pas intervenu je ne sais pas dans quel état j’aurais été, mais bien pire que celui où je suis actuellement. Je te devais une fière chandelle, je le sais. Je te suis et fini par me laisser tomber sur le siège où tu m’as amené. Je te laisse faire tout ce qu’il faut pour qu’on me prenne en charge sans même avoir l’envie de protester parce que je ne pouvais rien faire, ce qui était loin de me ressembler. Tu finis par revenir vers moi. Je te souris faiblement avant de secouer négativement ma tête. Rien que l’idée d’avaler quoique ce soit me donne la nausée. « Non, rien, mais merci. Je ne me sens pas d’avaler quoique ce soit. » Je te souris avant de bouger de place pour essayer de trouver une position un peu plus confortable tout en continuant de te voir. Je n’avais pas beaucoup de force pour parler, mais je n’avais pas envie de me terrer dans le silence et laisser les pensées m’envahir. « Non, je bosse déjà, j’ai pas vraiment fais de longues études… » Je souris avant de secouer doucement la tête « Tu n’es pas loin, j’ai 22 ans. Et toi ? Tu fais quoi ? » Et déjà défiguré, c’est mal barré pour les années suivantes ! Je grimace à l‘idée de passer la nuit ici, ça ne me plaît guère,mais ai-je vraiment le choix ? « Tu penses qu’ils me laisseront partir ? » Je fais une image quelque peu grossière, parce que je ne pense pas que dans mon état ils se le permettent, même si j’ai déjà vu bien des cas où ils relâchaient les personnes sans examens alors qu’elles en avaient bien besoin. Les incohérences de l’hôpital. Je soupire doucement passant une main, encore ensanglantée, sur mon visage, laissant de nouvelles traces.

J’opine de la tête, mais si je ne suis pas dans ce genre de cas. Je suis loin d’être quelqu’un qui fait de grandes choses. Pourtant je ne suis pas du genre à me dévaloriser non plus. Mais ce n’était pas ma prétention. Peut-être que je ne devais pas faire de grande chose dans ma vie. De toute manière en ce moment je ne ferais pas grand chose dans l’état où je suis. Et puis de toute manière, je n’avais pas le choix de faire ce métier, secrétaire médical, car je devais payer mon loyer et de quoi manger. J’avais eu de la chance d’être tombé sur cet emploi, je le sais. Même si ce n’était pas un boulot de rêve, c’était toujours mieux que d’autre travail. Et puis, je m’entendais assez bien avec toute l’équipe du cabinet. « Oh, oui j’y vais quelque fois, mais je ne me souviens pas de t’y avoir déjà vu. » Pourtant j’y étais assez régulièrement, mais peut-être que je n’y allait jamais pendant tes horaires. L’ambiance de l’hôpital me semblait morbide, je n’aimais pas vraiment y mettre les pieds. J’avais qu’une hâte, c’est d’y sortir, mais apparemment je n’étais pas prioritaire. En même temps je n’étais pas entre la vie et la mort donc c’était compréhensible, même si mon état n’était pas très agréable. « Hum ouais, je crois que je suis bon pour une nuit dans cet endroit, malheureusement. » Je hausse les épaules. J’espérais quand même que ça ne soit pas trop grave, je ne supporte pas de rester sans rien faire trop longtemps, et surtout d’être dépendant de quelqu’un. Je me débrouillais seul depuis assez longtemps, je n’était redevable à personne. « Oui, enfin, pas avant des heures dans ce cas, je présume. De toute manière, mon boss est médecin, c’est pas comme si je craignais vraiment quelque chose… » Je souris tout en haussant les épaules. « On verra bien ce qu’ils disent, je ne pense pas avoir trop le choix. Et puis si Oli débarque, je risque déjà me faire souffler dans les bronches. Ca sera pire si je sors de l’hôpital. » Je passe une main dans mes cheveux tout en grimaçant. Je me tourne vers toi, autant essayer de passer le temps agréablement, et surtout oublier quelque peu la douleur. « Je suis secrétaire médical dans un cabinet médical. Rien de bien exceptionnel. Mais ça me paie mon loyer et de quoi manger. » Et puis je m’y plais assez, sinon je chercherais autre chose.