(Raphaël) Le fantôme du passé

La soirée bat son plein. Le karakoé organisé attire le monde. Dans le fond, il y a des casseroles, mais les filles s’amusent et l’alcool aidant, chantent même plus fort. Le bar est plein, les commandes sont nombreuses. Dorian n’a pas une seconde de répit, même pour parler à quelques fidèles clients, c’est difficile, mais il le fait avec plaisir. Jusqu’à ce qu’il le voit. Raphaël. Se pointer avec une bande de potes, dans le bar où il travaille, dans le bar où il ne met jamais les pieds, du moins, pas quand Dorian travaille. Son visage devient pâle, comme le pastis qu’il sert à un client devant lui. C’est sûr, il va le remarquer, il ne va pas avoir d’autres choix. C’est lui le barman, lui vers qui il va se diriger, lui vers qui il va rester planter, après avoir constaté qu’il s’agit de son frère. De Dorian qui est de retour à Biarritz depuis décembre. De Dorian qui n’a pas donné de nouvelles depuis quatre mois, parce qu’il n’avait pas envie que son petit-frère le voit dans cet état, qu’il constate de lui-même à quel point l’armée l’avait détruit, à quel point les cachetons le rendent dépendant. Il n’avait pas non plus envie qu’il s’inquiète, mais c’est pourtant ce qu’il a fait en faisant le mort. Dorian étouffe, Dorian n’écoute plus les commandes des clients, à tel point qu’un collègue s’arrête à côté de lui, pose sa main sur son épaule et l’interroge, lui demande comment il va, mais il ne répond pas, il n’entend pas vraiment même, jusqu’à se reprendre. Dorian baisse les yeux sur le comptoir et acquiesce d’un signe de tête, avant de prendre une nouvelle commande, de la gérer au mieux, alors que ses yeux partent à la recherche du groupe d’amis de son frangin qui s’approchent. Raphaël est noyé dans la masse, mais il finit par poser son attention sur lui pour prendre sa commande. Ca y est, il a compris. Il a aperçu le fantôme du passé. Le fantôme de son frère. Son souffle devient rapide, sa respiration irrégulière. Il ne se sent même pas coupable de ne pas l’avoir prévenu, parce qu’il est revenu dans un sale état, parce qu’il est tombé dans la drogue, avant de s’arrêter il y a plus d’un mois, poussé par l’arrivée de la sœur de sa coéquipière de l’armée, décédée là-bas et qu’il n’avait pas envie qu’elle le voie comme ça, tout comme il n’avait pas envie que son frère voit en lui un zombie. Ce qu’il est, finalement. Ce n’est plus le même homme. Il est différent de celui qu’il a connu, en tout point. Dorian n’est plus que l’ombre de lui-même. Raphaël ne comprendra peut-être pas tout ça, ses motivations… Il lui en voudra peut-être de ne pas avoir voulu lui donner une place pour qu’il l’aide à s’en sortir. Il lui en voudra certainement de penser qu’il aurait fait un bon boulet dans sa vie. Mais c’est ce qu’il pense. Raphaël n’a pas besoin d’un frein. Dorian se tourne finalement vers son collègue pour lui demander s’il y a moyen de le remplacer un peu, le temps de… quinze minutes ? Le voyant dans le besoin, il acquiesce sans hésiter. « Ce sera mieux dehors. Tu me suis ? » Pas même un bonsoir, rien, parce que c’est inutile de faire dans la politesse. Il fait le tour du comptoir, fait quelques pas vers Raphaël pour le regarder de haut en bas. Son cœur bat, très fort. Il attend. Il attend sa condamnation.

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« Rentre chez toi Raph. » Raphaël ouvre les yeux et redresse la tête vers son collègue. La journée a été difficile, beaucoup d'interventions, et une gamine, morte noyée dans une piscine chez ses grands-parents. Les beaux jours sont là, amenant avec eux leur lots d'imprudences, d'incidents... d'accidents. La fatigue est là, mais pas l'envie de dormir. C'est vendredi soir, le week-end pointe son nez et ayant trois jours de repos, Raphaël sait qu'il aura bien le temps de se reposer. Il a d'autres projets pour ce soir, retrouver ses amis, passer un bons moment, oublier un peu ces dernières semaines merdiques. «  A mardi. » Il se lève, attrape sa veste et ferme son casier d'un coup sec. La journée de boulot est terminée, il est temps de passer à autre chose. De penser à autre chose. Tout en rejoignant sa voiture, il consulte son téléphone. Des textos, des appels en absence, il prends seulement le temps de répondre à un de ses amis pour le prévenir qu'il le rejoint directement au bar que le groupe à choisi pour y passer la soirée. Raphaël n'a jamais mis les pieds dans ce bar là, mais il ne dit pas non pour découvrir de nouveaux lieux. Il fréquente régulièrement le centre-ville mais moins les autres quartiers de Biarritz. L'avantage du centre-ville c'est qu'il peut rentrer chez lui à pieds, et donc faire un peu moins attention à sa consommation d'alcool. Arrivé chez lui, Raphaël prend une douche rapide, histoire de se débarrasser une bonne fois pour toute de sa journée. Après avoir enfilé un jean et un t-shirt propre, il enfile de nouveau sa veste et quitte son appartement. Il gare sa voiture dans une petite rue parallèle à celle du bar. Son groupe d'amis l'attend devant et les cinq hommes pénètrent ensemble dans l'établissement. Qui est complètement bondé. Soirée Karaoké apparemment, au son de la voix qui s'élève. Raphaël esquisse un petit sourire, ce genre de soirée peut être très sympa, surtout quand les heures passent et que les taux d'alcoolémie dans le sang augmentent. Autant commencer les réjouissances rapidement, le jeune homme se fraye un chemin parmi la foule pour accéder au bar. Il joue des coudes et se rapproche et... ses sourcils se froncent et son cœur rate un battement. Il est en train de rêver ou... son frère est là, devant lui ? Il le fixe un instant. Il a changé un peu, maigri peut-être, mais c'est bel et bien Dorian qui se trouve de l'autre côté du bar, une bouteille d'alcool à la main, prêt à servir un client. Raphaël est incapable de prononcer le moindre mot. Heureusement, son frère fini par ouvrir la bouche et ils se retrouvent dehors, loin du brouhaha du bar. Il hésite un instant, puis fini par lâcher un soupire. « Qu'est-ce que tu fais là ?! » Son ton est brut, il ne comprends pas. « T'es rentré depuis quand ?! » Cette fois-ci, sa voix sonne comme un reproche. « T'as déjà un travail donc j'imagine que ça fait quelques semaines ? Tu comptais m’appeler ou t'attendais juste que j'sois mort d'inquiétude de ne pas avoir de tes nouvelles depuis des mois ?! » Ok, là, il s’énerve, rentre ses mains dans les poches de sa veste et fait quelques pas sur le côté, soufflant et secouant la tête de gauche à droite.

Au début, lorsqu’il a commencé à travailler dans ce bar, il se doutait qu’à un moment, il devrait faire face à son frère, bien qu’il pensait que ça aurait eu lieu plus tôt, qu’ils se croiseraient plus tôt, mais il était bien content que ça ne se fasse pas, il y voyait même un espoir, même si la part de lui, celle qui est encore un peu vivante, avait envie de le serrer dans ses bras. Peu préparé à leurs retrouvailles, Dorian n’a pas les mots suffisants pour répondre correctement à ses questions, alors il le fait simplement. « Je travaille ici. » dit-il, en portant sa main à sa nuque. Oui, il fait son boulot, mais ce n’est pas la réponse qui va plus déplaire à Raphaël. Mal à l’aise, Dorian s’appuie d’un pied sur l’autre, en fourrant une main dans la poche de sa veste. Finalement, Raphaël reprend, suppose qu’il est là depuis quelques semaines, alors il ne sort pas la bonne réponse, mais ne confirme pas pour autant. Quelques semaines, c’est trop peu. Lui, il est rentré en ville depuis décembre, mais ça, il ne va pas le dire. C’est tendre le bâton pour se faire battre, il n’est pas assez bête pour le faire. « Je comptais… Oui, j’en avais l’intention… un peu plus tard. » Il ne sait pas quand, c’est là le problème. Quand son état se serait amélioré, quand il aurait repris un peu goût à la vie, mais il sait que trop bien, que ça n’arrivera pas. Il ne vit pas, il survit et même pas pour lui. S’il n’avait pas la sœur de sa coéquipière à s’occuper, s’il n’avait pas son petit-frère qu’il pense en bonne santé, il aurait mis fin à ses jours. Ce n’est pas une preuve de courage, c’est un abandon. Il aurait bien envie de baisser les bras, plutôt que de se lever le matin avec des cernes sous les yeux. « Je ne voulais pas t’inquiéter. Je ne voulais pas que tu me voies comme ça. Je ne sais pas quoi te dire de plus que ça. C’était plus facile de faire le mort que… de tout expliquer, que tu me voies comme… ça. » Il se désigne lui-même, en détournant les yeux, n’osant pas le regarder en face. Il sent que son frère lui en veut et c’est tout à fait normal. A sa place, il s’en serait voulu aussi de ne pas avoir donné de nouvelles plus tôt. Dorian ne se sentait pas le courage. « J’aurais dû t’envoyer un message, je sais bien, mais je n’ai pas réussi à le faire. T’as le droit de m’en vouloir. » Il se mord l’intérieur de la joue, puis regarde l’intérieur du bar, dans lequel il y a plein de monde qui s’amuse. « Tu veux un verre ? » Dorian n’a pas de bonnes excuses, si ce n’est le comment il a ressenti les choses. Il n’essaie pas de se faire pardonner, juste d’atténuer la tension entre eux.

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Des dizaines de questions filent dans sa tête à une vitesse hallucinante. Raphaël ne comprends pas ce que son frère fait ici, il ne comprends pas pourquoi Dorian ne l'a pas contacté dès son retour. Il pensait être le premier à être mis au courant, le premier à le voir. Il avait attendu leur retrouvailles, espérant que ce serait pour bientôt. Il n'aimait pas savoir son frère si loin, et surtout de le savoir au front, dans une insécurité constante. Il s'était inquiété ces quatre derniers mois de ne pas avoir de nouvelles... Alors que Dorian est là, devant lui, aujourd'hui. En train de travailler. Non, c'est irrél. « Un peu plus tard... ?! » Il fronce les sourcils, fait quelques pas en avant, souffle, soupire et ressort ses mains de ses poches. « Non mais tu te payes ma tête ?! » C'est une blague ! Une énorme blague. Le jeune homme stoppe sa marche un instant pour écouter son frère. Il écoute chacun de ses mots mais n'en comprends pas vraiment le sens. Dorian ne voulait pas qu'il le voit « comme ça »... Mais « comme ça » quoi ? A part qu'il a l'air fatigué, Raphaël ne voit pas le problème mais il se doute bien que ce n'est pas juste la fatigue qui a fait renoncé à Dorian de reprendre contact. « J'suis ton frère, je ne vois pas pourquoi tu ne voulais pas qu'on se voit. On est censé s'entraider quand ça va pas, c'est ce qu'on a toujours fait malgré le temps qui est passé et malgré tout ce qui nous est arrivé. » La colère est un peu retombée mais pas l'incompréhension . Quoi que son frère ait vécu, Raphaël pense être apte à l'entendre et apte à le soutenir. Mais visiblement, Dorian n'est pas de son avis et c'est presque vexant. « Ce n'est pas que je t'en veux... c'est juste que... je ne comprends pas. Et j'me dis que si on s'était pas croisé ce soir, il aurait encore pu se passer des mois sans que j'ai de tes nouvelles. T'as juste arrêté d'écrire. Je commençais à penser que t'étais mort. » lâche-t-il sombrement. Il avait été habitué à avoir des nouvelles de son frère au moins une fois par mois, et tout d'un coup, plus rien. Évidemment que Raph s'était inquiété. Dorian est le seul membre de sa famille qui lui reste, depuis la mort de leurs parents. « Ouais, un verre. Même deux, ça ne serait pas de trop si tu veux mon avis. » Après tout, c'est pour ça à la base qu'il est venu ici. Les deux frères entrent de nouveau dans le bar et Raphaël suit son aîné jusqu'au bar. « T'es rentré depuis quand ? » demande-t-il en toute innocence, bien loin de se douter que Dorian est de retour depuis plusieurs mois.

Non, il ne se paye pas sa tête, non, il ne plaisante pas. Dorian ne répond rien, parce qu’il ne sait pas comment justifier un tel acte. C’est évident, il a déconné. C’est évident, il aurait dû au moins lui envoyer un message, pour ne pas qu’il s’en fasse à son sujet au moins, alors il comprend la colère de son frère. Il acquiesce d’un signe de tête : il a raison, c’est ce qu’ils n’ont eu de cesse de faire, s’entraider, être là l’un pour l’autre, mais là… C’est différent. Il n’a pas envie que Raphaël soit là pour lui, parce qu’il n’y a rien à faire, rien à obtenir. « Je sais. Je sais tout ça, mais… Les choses sont différentes. Tu aurais perdu ton temps. Raphaël, je suis désolé, j’aurais au moins dû te prévenir que j’étais de retour, mais maintenant que tu es au courant, ça ne change strictement rien au reste. Je ne souhaite pas que tu sois là pour moi. » C’est un bon moyen de le préserver, même s’il n’est pas d’accord avec lui. Ca va finir par le rendre malade qu’il ne relève pas la tête, qu’il ne trouve pas une bonne raison pour avancer. Il fait ce qu’il peut avec ce qu’il a et consulte même un psychiatre, principalement parce qu’il est dépendant du traitement qu’il lui donne et ce n’est pas une chose suffisante. Dorian craint qu’en le fréquentant, Raphaël se mette en tête l’idée saugrenue de l’aider à sortir la tête hors de l’eau et c’est peine perdue. Il n’y arrive pas. Il peine à se gérer. Il n’oublie pas les images atroces, les coups de feu, les corps sans vie. Toutes ces choses, Dorian doit vivre au quotidien avec et ça s’avère être compliqué. « C’est presque le cas, Raphaël. C’est presque ça. Je suis juste une enveloppe vivante, face à toi, mais vide, morte. C’est la même chose. » A l’intérieur, c’est nettement moins froid qu’à l’intérieur et l’ambiance y est pour quelque chose, même si ça reste tendu entre les deux frères, même si ça va l’être encore plus lorsque Dorian aura répondu à son interrogation. Pourtant, il le fait sans passer par quatre chemins, sans hésiter plus longtemps. « Depuis décembre. J’ai passé plusieurs mois avant, en Ukraine, loin des armes, mais je suis officiellement de retour depuis début décembre. Tu m’en veux, je sais. Je ne peux pas faire mieux que de te dire la vérité, alors soit tu passes ton temps à me hurler dessus, soit tu passes à autre chose. » dit-il, fermement, en se pointant derrière le comptoir, pour reprendre son travail. « Je te sers quoi ? » Pour sûr, il va avoir besoin de quelque chose de fort pour avaler la pilule. « Au lieu de parler de moi, tu ne veux pas parler de toi, plutôt ? »

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« Perdre mon temps ?! » C'est de pire en pire. Cette conversation, Raphaël ne la comprend pas. Il comprends rien à ce que son frère essaie de lui dire, et même ça l'agace au plus haut point. Il pensait être autre chose qu'un pote lambda a qui on donne des nouvelles quand on a le temps ou quand on a pas le choix. Comme là : Dorian n'a pas le choix. C'est parce qu'il est confronté à son frère. Car s'il y a bien une choix que Raphaël comprend, c'est qu'il aurait pu se passer encore des mois sans qu'il n'ait de nouvelles, s'il n'était pas venu ici ce soir. « On est frères, il ne devrait pas y avoir de notion de perte de temps entre nous. Mais bref, puisque tu le penses ainsi, tant pis. » Il capitule. Il est épuisé de sa journée et ce qu'il vient d'apprendre l'a achevé. Son frère est là, et il devrait se réjouir mais il n'y arrive pas. Parce que ce n'est pas le Dorian qu'il connaît. En fait c'est ça le truc : ce n'est pas son frère qui est là devant lui. C'est juste un inconnu. Un parfait inconnu. Physiquement c'est lui. Mais comme le dit Dorian, c'est une enveloppe vide. « T'es vivant. Tu bouges. Tu parles. Bon, tu dis beaucoup de conneries, je te l'accorde, mais tu parles. Donc t'es vivant. » Raphaël soupire et secoue la tête. C'est n'importe quoi. Il est en train de rêver, y'a pas d'autres solutions. Dorian n'est pas là, il est en train de rêver et plus les secondes passent et plus il se dit qu'il va se réveiller. Mais rien ne se passe. Dorian est toujours là, froid, de marbre, au fur et à mesure qu'il lui répond à ces questions. Décembre. 5 mois donc qu'il est revenu à Biarritz. «  Décembre ? Putain. » Il jure, énervé. « Ouais, ouais, effectivement, je t'en veux. Et encore plus quand je vois que t'en a juste rien a faire. Si on n'était pas tombé l'un sur l'autre ce soir, j'aurai encore pu attendre des mois pour avoir de tes nouvelles. Et ça ne te fait ni chaud ni froid. T'en a juste... rien à foutre ! » Il souffle, serre ses poings. Dorian le regarde mais aucune expression sur son visage. « Trois pression et deux get 27. » Ses potes l'attendent et cette conversation ne rime à rien. « Nan laisse tomber, pas la peine de me faire la causette. Je ne te ferai pas perdre plus ton temps que ça. » Il attend ses consommations pour retourner auprès de ses amis. Qui eux au moins, sont un peu plus contents qu'il soit venu ce soir.

Il est blessé et Dorian ne peut que le comprendre. Il pose les boissons sur le comptoir, sauf la dernière afin de le retarder. S’il lui donne sa commande entière, il est convaincu qu’il s’en ira et il ne le souhaite pas. Il l’aime, son petit frère. Il n’a pas su gérer la situation, il n’a pas pris les bonnes décisions et il lui fait du mal à l’instant, mais il l’aime et rester en froid n’est pas dans son objectif, alors il pose sa main sur son bras, cherche ses yeux afin de planter les siens dedans. « J’ai déconné, complètement, j’aurais dû te prévenir, j’aurais dû t’envoyer un message pour te dire que j’étais revenu, je te présente mes excuses Raph’. » dit-il, pour commencer. C’est important qu’il sache tout ça, qu’il n’en a pas rien à faire, qu’il a conscience de ses erreurs, de la souffrance qu’il a pu lui faire endurer avec son absence. « C’est juste… Je ne voulais pas que tu me voies comme ça. Je ne voulais pas que tu t’inquiètes, que tu te sentes obligé d’être présent, alors que… Ca ne sert à rien. » Il pense être une cause perdue. Il est tellement mal, avec tout ce qui s’est passé qu’il n’arrive pas à relever la tête hors de l’eau. Il n’avait pas envie que Raphaël essaie, qu’il perde son temps avec lui, là où il sait que ça ne sert absolument à rien. Dorian est dépressif. C’est ce que le psy lui a dit, c’est pour ça qu’il lui prescrit des médicaments pour qu’il puisse mieux dormir, ou dormir tout court, pour son anxiété. Raphaël n’a pas besoin d’un gars comme lui. « Je n’en ai pas rien à faire de toi. C’est justement parce que je tiens à toi que je préfère t’éloigner de moi. » Il n’est pas une bonne fréquentation. Il sait qu’il est capable d’enfoncer ceux qui vont bien rien qu’avec sa façon d’être. Il ne s’amuse pas tellement, il est bien trop effacé pour donner la joie de vivre à son entourage. Finalement, il pose le dernier verre sur le comptoir, crispe ses doigts dessus, de peur de voir son frère s’en aller sur une mauvaise note. « J’ai déconné. » ajoute-t-il, pour lui faire comprendre qu’il le sait, qu’il se sent coupable aussi de ne pas avoir fait les choses correctement avec Raphaël, alors que jusque-là, ils ont toujours été très uni.

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