(Ariel) Est-ce la nuit pour toujours ?

Mon portable vibre pour la énième fois. Il n’a pas cessé de s’activer toute la journée, la veille aussi, même si je n’en ai finalement aucun souvenir. Maona, Gaël, sans doute parce que Maona l’a contacté dans la nuit, tous les deux se sont acharnés, ont rempli ma boîte vocale. Je ne peux pas leur en vouloir, à leur place j’aurais fait exactement la même chose… Mais je n’ai ni le courage de les rassurer, ni de les entendre et encore moins de leur dire que tout va bien, que je suis encore vivant. Intérieurement, c’est la catastrophe. Je me sens vide, apeuré, paniqué de ne pas me rappeler de la veille. Tout ce dont je me souviens, c’est d’avoir souhaité rendre visite à mon père et j’ai fait face à Cameron, mon beau-père, cet homme qui n’avait rien faire là, qui était tout de même dans la maison pour reprendre ses affaires. Il a pris ses aises, il m’a souri, m’a demandé si je souhaitais boire un verre. J’ai refusé. Mais je l’ai tout de même bu à force qu’il me parle. Sa voix résonne dans ma tête, les souvenirs de ma jeunesse aussi… J’essaie d’aller plus loin, de me rappeler, mais c’est flou, c’est le noir complet. Je ne me souviens de rien d’autre. Je ne veux pas me souvenir. « Un autre verre s’il vous plaît. » J’en suis à mon sixième. Le barman me regarde, s’interroge, puis fait glisser le verre sur le comptoir, qui arrive tout droit dans ma main. J’ai de quoi payer, je peux encore m’en offrir dix autres si j’en ai envie. Le liquide coule dans ma gorge, me brûle. Je ne peux pas dire que ça me fait du bien, que ça m’aide à avaler la pilule, ce n’est pas le cas. Ca aide à anesthésier mon cerveau, un petit peu. Je me sens mal, très clairement. Je ne sais même pas comment je vais faire pour rentrer, si j’en ai envie. Dans cet état ? Je n’ai même pas pris de douche et pourtant j’en aurais bien besoin. Une bonne douche pour me sentir plus propre. Je tourne la tête vers une jeune femme qui arrive à mes côtés, qui pose ses mains sur le comptoir pour commander peut-être et je la reconnais. C’est Elle. Celle qui m’a trouvé dans la rue, inconscient, celle qui est restée auprès de moi jusqu’à ce que je me réveille, celle qui s’inquiétait. « Bonsoir. » Celle qui ne me veut pas de mal. Elle a pris soin de moi, elle a été là lorsque j’en avais besoin et quelque part, je lui en suis reconnaissant. « Je vous en offre un ? » Je tiens l’alcool, oh ça oui, mais je sens pourtant que mes mots sortent plus naturellement, que mon comportement n’est pas le même que si j’étais normal, sobre. Je pose ma main sur son bras. Ca non plus, je ne l’aurais pas fait, mais je le fais, je ne sais pas trop pourquoi. « Merci. » Elle aurait pu me laisser croupir dans mon coin, mais elle a décidé de s’arrêter. « Merci pour ce que vous avez fait pour moi. » dis-je, en reprenant mon verre que je bois d’une seule traite. « Un autre s’il vous plaît. » Voyant sa réticence, je pose un billet sur la table pour payer mes consommations, mais aussi celle à venir. « J’ai de quoi payer. » Il n’est pas question de ça, je le vois dans son regard, mais j’insiste. « Vous le connaissez ? Peut-être pourriez-vous le raccompagner ? » « Non, ça va, je vais bien. » « Je pense qu’il a sérieusement besoin de repos. » ajoute le barman, alors que je soupire. Non, ça va, je vais bien.

C'était une drôle de soirée hier, elle rentrait du boulot quand elle a vu cet homme gisant sur le sol. Barbouillant dans sa bouche des paroles peut compréhensibles. Son âme de bonne soeur l'a poussé à aider ce pauvre homme. Bizarrement, elle le ramena chez elle, elle voulait prendre soin de lui. Il devait certainement être dans un mauvais délire, mais il arrivait à s'exprimer, il pouvait dire ce qu'il lui arrivait. Aujourd'hui, enfin ce soir, elle se rend dans un bar, elle savait qu'elle le trouverait. Elle sentait bien qu'il y avait un problème et elle voulait l'aider, bien plus qu'elle ait déjà fait. Elle s'approche du comptoir, remarquant cet homme, ce visage familier.  « Bonsoir » Elle lui affiche le plus grand des sourires, le plus beau qu'on puisse voir. Celui qui vous réchauffe le coeur quand cela ne va pas très bien. Elle secoue la tête, il n'était pas nécessaire de la remercier, c'était elle, sa façon d'être. « Ne vous inquiétez pas, ne me remerciez pas!» Elle se permet de se mettre sur le tabouret à ses côtés, scrutant le barman qui en avait terriblement marre d'être derrière ce comptoir. S'il ne tolérait pas ceux qui avaient besoin de parler et de picoler, il ne fallait pas faire ce travail. Elle dépose sa main sur celle de cet homme, un geste doux, un geste de remerciement qui la touche. « Vous êtes simplement tombé sur la bonne personne au bon moment! » Elle commande un verre de vin blanc, le seul alcool qu'elle aime. Le seul qu'elle supporte vraiment, un alcool bien plus fort la rendrait vite joyeuse. « Vous le connaissez ? Peut-être pourriez-vous le raccompagner ? » Elle soupire discrètement, si cet homme avait envie d'être là, il en avait le droit.« Je m'occupe de lui, laissez le boire!» Elle n'était pas pour les gens qui boivent sans arrêt, mais elle sentait qu'il en avait terriblement besoin. Elle se tourne à nouveau vers cet inconnu glissant ses doigts autour de son verre. « Au fait, je ne vous ai pas dit mon prénom...» Elle sourit à nouveau, elle était toujours du genre positive. « Nous n'avons pas pu discuter réellement hier, je vous ai donné une douche froide pour essayer de refaire tomber sur terre et vous vous êtes endormi comme un bébé dans mon canapé. » Elle boit une gorgée de ce nectar légèrement jaune.« A mon réveil, vous aviez disparu... » Elle le regarde, ne porte aucun jugement sur lui.« Ariel.» Elle lui tend la main pour lui serrer en guise de présentation.

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Oh si, je la remercie, parce qu’elle a fait ce que beaucoup n’aurait pas fait. Qui prend un inconnu dans la rue ? J’ai quelques bribes de souvenirs, je ne me souviens pas de tout, mais son visage, en revanche, il est intact. Elle m’a peut-être parlé, rassuré, je n’en sais rien, mais toujours est-il que je me suis réveillé chez elle, dans son univers et que je ne pouvais pas y rester. Il s’est passé des choses hier, des choses terribles, je le sens au fond de moi. Ca me pousse à boire une autre gorgée du verre qui arrive à moi, grâce à la demoiselle qui insiste auprès du barman. « La bonne personne… » J’acquiesce d’un signe de tête. C’est une sauveuse. C’est ma sauveuse, quelque chose comme ça. J’affiche un sourire en y pensant, puis baisse mes yeux humides sur ma boisson. Je n’en peux plus. Je suis à vif. Je cligne des yeux, chasse les larmes qui menacent de couler, ne me donne pas le droit de craquer comme ça, alors que je suis déjà dans un état bien minable face à l’inconnue qui me raconte comment s’est déroulée la soirée, ce qu’elle a fait. « Une douche froide ? » répété-je. Je n’en ai aucun souvenir. Ni de l’eau sur mon corps, ni de la sensation glaciale sur mes vêtements, parce qu’elle m’a mis dans sa cabine habillé, j’avais encore mes vêtements sur moi ce matin. Je n’avais plus mes chaussures, mais le reste, tout était là. Elle ne m’a pas brusqué. Elle a fait ce qu’il fallait. « Eneko. » Je lui prends la main, la serre, puis me tourne vers elle, la dévisage, ses traits de son visage. C’est une belle femme avec un sourire réconfortant, chaleureux, qui semble avoir la joie de vivre, rien de ce que je suis moi. « Vous aviez assez fait pour moi… J’ai pensé que… Je ne sais pas. Que je vous avais déjà assez causé de soucis comme ça. » Qu’elle n’aurait pas envie de voir ma tête au petit matin. « Je ne me souviens de rien. Je n’ai aucun souvenir de la veille. Ou très peu. » avoué-je, en replongeant mon regard dans ma boisson dont je bois une gorgée. « Vous m’avez retrouvé dans cette rue, mais je ne sais même pas comment j’ai fait pour y atterrir. Vous savez… Un trou. » J’avais bu qu’un seul verre. Un seul. L’idée qu’il ait pu mettre quelque chose dans mon verre m’effleure l’esprit, mais je secoue la tête. Je ne souhaite pas y penser, je ne veux pas me dire qu’il a pu faire ce qu’il souhaitait de moi ensuite. « Est-ce que je peux vous demander un service ? » Je sais que je ne devrais pas, que ce n’est pas bien. « Vous avez de la place pour moi, encore une fois, ce soir ? » Je ne veux pas revenir chez moi, je ne veux pas faire face à Maona, je souhaite seulement oublier, dormir. « Je sais que je vous en demande beaucoup, que vous avez déjà beaucoup fait, mais… Je n’ai pas l’envie de justifier autour de moi le pourquoi je n’étais pas là. » Je n’ai pas envie de chercher. Garder le silence, c’est mieux, oui. Je prends mon téléphone portable, effleure le clavier. Il faudrait que j’envoie un message à Maona, pour la prévenir. Je vais le faire, oui.

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Une vive émotion était présente dans la voix de cet homme, elle ne prenait pas pitié, mais elle était présente si il voulait alléger le poids de cette tristesse.« Enchanté! » Elle pouvait enfin mettre un prénom sur ce visage. Elle dépose délicatement sa main sur celle d'Eneko, en guise de réconfort .Elle ne pouvait pas le prendre dans ses bras alors qu'elle ne le connaissait pas. Elle n'aimait pas voir les gens tristes, elle aurait voulu enlever toute la peine que peut éprouver quelqu'un. Elle qui passe son temps à sourire, à essayer d'être heureuse. Ariel ne sait pas quoi faire quand elle se retrouve face à une situation de tristesse, elle évite très souvent les enterrements. Elle pourrait se mettre à pleurer dès qu'elle voit quelqu'un aux larmes, une part d'émotive vit en elle.« Oui, une douche froide! Vous avez un peu grogné, mais ça a été!» Elle lâche un petit rire, cela lui rappelle quand elle donnait une douche froide à ses petites soeurs pour essayer de les faire décuver avant que leur mère ne voit cela. Elles se seraient faites tuer et Ariel aurait prit beaucoup sur ses épaules pour les deux petites chipies qui sont jumelles.« Vous pouviez rester, j'aurais fait du café! » Rien de tel qu'un bon café un lendemain matin difficile. « Par contre, vous aviez un peu de sang derrière la tête. Je me suis permise de vous soigner et votre pull est resté chez moi, je l'ais lavé étant donné qu'il y avait du sang dessus. » Sa bonté la perdra un jour, mais elle se sent obligé de le faire.Elle a l'impression que la roue tournerait si elle ne le faisait pas, qu'il lui arriverait quelque chose de mal si elle n'aidait pas son prochain. Elle est un peu croyante sur les bords, les traditions sont importantes pour elle. C'est un peu un ovnis dans ce monde, elle est unique en son genre. Elle peut se vanter de ne pas être comme tout le monde. « J'ai une chambre d'ami, vous pouvez vous en servir ce soir!» Elle avait proposé à Judd de s'y installer, mais têtu comme il est, il a refusé.Alors à quoi bon qu'elle soit vide si elle peut servir à quelqu'un ?« Vous pourrez prendre une douche, je pense que les affaires de mon frère vous ira! » Les mêmes vêtements qu'hier, il devait se sentir sale, mal dans sa peau. Elle lui sourit, un sourire accueillant qui se veut aussi rassurant. Ok, elle ne le connaissait pas, mais elle pouvait bien lui rendre ce service. Il n'avait pas l'air si méchant, sinon il lui aurait sauté dessus hier, il l'aurait violenté, mais non, il n'en a rien fait!« Ce que je vous propose, on finit notre verre. On va à mon appartement, pendant que vous prenez votre douche... Je vous ferais à manger! » Une vraie mère poule. « Par contre, je ne mange pas de viande. J'ai des oeufs ou du poisson! J'ai aussi du vin!» Elle extirpe un petit rire de sa bouche et le toise du regard pour voir sa réaction.

Moi de même ? J’aurais juste apprécié que les choses se passent dans de meilleures circonstances, qu’elle ne m’accueille pas comme ça. J’imagine ma réaction lorsqu’elle a décidé de me faire prendre une douche, mon grognement et je tente de me rappeler, en vain. Impossible. Cette fille respire la joie de vivre, l’innocence pure. Elle ne se doute de rien, ne se méfie pas de moi, le gars louche. « Vous faites toujours ça ? Récupérer les hommes dans les rues, leur proposer du café, ne pas vous méfier… Je ne sais pas, je… Je pourrais être un psychopathe. » Je ne le suis évidemment pas. Absolument pas attiré par le sang, par la violence, je préfère rester loin de tout ça, mais c’est juste pour dire que c’est possible, qu’elle ne me connaît pas après tout. Je pose ma main sur ma nuque, la remonte sur ma tête en essayant de deviner l’endroit où il y a eu du sang, sans y arriver. « Du sang ? » Qu’est-ce que j’ai foutu, putain. J’affiche un sourire, très faible, mais il est là. « Vous êtes complètement dingue. » C’est exactement ça. Maintenant, elle fait mon linge ? Je me demande pourquoi. Je ne suis rien à ses yeux, je ne suis ni un ami, ni de sa famille. Je ne comprends pas, encore moins qu’elle accepte ma requête, mais j’en suis soulagé. « Je vous remercie. Je ne vous ennuierai pas longtemps, juste… Ce soir, le temps de… Vous savez… Faire le point, quelque chose comme ça. Faire le vide. » Je ne pourrais pas le faire si à la maison, Maona m’interroge, si elle s’inquiète, je ne saurais quoi lui dire, quoi faire pour la rassurer. Je n’ai pas besoin de ça. C’est retarder le moment fatidique, mais c’est pourtant la seule option qui me convient pour le moment. Je tapote doucement sur le clavier, effaçant les fautes que je trouve, elles sont nombreuses. Je ne sais plus trop ce que j’écris, mais je le fais et je l’envoie. Peut-être devrais-je couper le téléphone pour ne pas recevoir les messages suivants ? C’est ça. Je l’éteins, pose mon attention sur Ariel que j’entends rire. Ce rire qui résonne dans mes oreilles, ce rire cristallin qui est bien loin de toute la peine que je m’efforce d’étouffer. « Je vous remercie, mais… Je n’ai pas très faim, vous savez. » Si je mange, je vais tout vomir. Je n’ai pas mangé de la journée, mon estomac n’a pas été ravi, mais je me fiche bien de ce qu’il pense. Ca ne passe pas. « Le vin, en revanche… » Ca, oui, je veux bien. Je me lève avec difficulté, me tiens au comptoir. Je vois trouble, ma vision est floue, mais j’arrive à faire un pas devant moi. « Pourquoi vous faites ça ? Prendre soin de moi, comme vous le faites. Accepter ma demande, me proposer les vêtements de votre frère… Me faire à manger. J’ai l’impression d’être… un gosse. » Et elle la maman qui s’inquiète pour son gamin. Je lui en suis reconnaissant. Je ne peux pas refuser, parce que j’en ai besoin. Il faut que je retire ses vêtements sur moi, que je frotte ma peau.

« Je ne suis pas dingue, j'ai simplement un coeur. » Chose qui était rare, à présent, c'était chacun pour soit! Sauf qu'Ariel dérogeait à cette règle, elle était simplement elle. Elle termine son verre en déposant un billet sur le comptoir, elle payait sa consommation comme toute personne raisonnable.« Vous serez tranquille chez moi pour vous reposer, faire la vide! » Il n'y avait pas plus calme que cette jeune femme, elle n'était pas exubérante. Elle ne dansait pas à moitié nue sur une table complétement ivre, elle était souvent silencieuse, préférant l'observation au commentaire. Une douce jeune femme qui est aux antipodes de sa génération. Une vraie hippie née dans le vingtièmement siècle. Certainement le mauvais! Elle se lève remarquant l'habitude d'Eneko. Elle l'aide, glisse délicatement son bras sous le sien, un espèce de soutien sans vraiment l'être. Elle salut le barman pour s'éloigner en compagnie de cet homme. « Vous savez... Si vous vouliez vraiment me faire du mal, vous l'aurez déjà fait! Je serais déjà morte ou gisant dans mon lit. Je suis très observatrice, je sens que vous n'êtes pas le mauvais garçon... Vous êtes simplement perdu, chamboulé par quelque chose qui vous ronge de l'intérieur. Donc, vous ne me faites pas peur! Et je ne me pardonnerais jamais si je vous avais laissé sur le trottoir. Vous n'avez pas voulu que j'appelle une ambulance alors je vous ai pris avec moi! » Elle l'entraîne avec elle, doucement, se calant au rythme d'Eneko pour qu'il ne perde pas l'équilibre. Pourquoi faisait-elle ça ? Car son coeur le lui ordonnait, enfin, elle ne savait pas vraiment. Elle ne supporte pas la souffrance que ce soit humaine ou animale. « Je suis un peu une ovnis dans cette génération. J'aime aider mon prochain, je ne mange pas de viande, car je n'apprécie pas l'égoïsme humain qui se permet de faire souffrir un pauvre animal qui ne demande rien. Je n'aime pas laisser quelqu'un dans le besoin, cela me fait mal de voir autant de monde souffrir! Je suis un peu comme une bonne soeur! » Elle marche en sa compagnie dans la rue, les nuits étaient encore fraîches. « La solitude, c'est bien cinq minutes, mais par moment, j'apprécie la compagnie de quelqu'un. » Elle n'habitait pas très loin d'ici, elle passe par une petite ruelle sombre. « C'est un raccourci, ne vous inquiétez pas!» Elle n'avait pas l'intention de l'emmener dans une ruelle pour le tuer ou violer. « Nous ne sommes pas très loin. »

Un cœur… A ce point, tout de même, je trouve ça dingue. Evidemment que j’aurais fait la même chose si ça avait été une femme, bien que pas toutes, pas par leur physique, mais parce qu’il y a des choses chez les gens qui ne me mettent pas forcément en confiance. J’aurais laissé sans aucun remord n’importe quel homme. Les hommes me répugnent, ceux qui ne savent pas se tenir, ceux qui sont violents, ceux qui… s’en prennent aux gamins. Des hommes comme mon beau-père. « Je vous remercie. » C’est justement de ça dont j’ai besoin, faire le vide. Je la laisse faire, m’aider, m’appuie sur elle, m’accroche à son bras autant que je peux, à elle finalement et je marche, doucement, titubant à chacun de mes pas tant l’alcool coule dans mon organisme, tant il est ingérable. « Qui sait ? Je peux vous en faire plus tard. Les gens en qui vous avez le plus confiance vous font toujours du mal. Ce sont les plus traîtres. Ce sont ceux qui vous connaissent le mieux, qui ont conscience de vos failles, de vos craintes et qui peuvent les utiliser contre vous. Ils n’en retiennent aucune leçon. Ils se fichent bien de vous, tant que ce qu’ils font leur font du bien en premier. » Je pense à Maona, je pense à Solange, ma mère. Je pense à Anna. « Je parle en connaissance de cause. J’ai été marié à une femme qui m’a trompé. Vous savez, je l’ai confié à celle qui est mon épouse aujourd’hui. Vous… Vous savez ce qu’elle a fait ? » Je m’arrête un instant, touche le bout de son nez, totalement à côté de la plaque et avec un large sourire, je confie : « Elle a couché avec son ex-petit ami alors qu’on passait par une phase difficile. Et je l’ai épousée. Vous y croyez, vous ? Je crois que l’on peut écrire « con » sur ma gueule. » Parce que c’est ce que je suis, un con. Je reprends à marcher, l’écoute, tente de percevoir le sens de ses mots, de ce qu’elle me dit. Je ne sais même pas si je m’en souviendrai demain matin, de cette conversation, mais je la poursuis. Elle a raison, je suis paumé. Ariel me fait part de certains détails de la soirée de la veille dont je ne me souviens pas. L’ambulance qu’elle m’a proposée, aucun souvenir. « Il n’y en a pas beaucoup des comme vous. Des ovnis qui pensent aux animaux, qui pensent aux humains… Comme ça. Qui prennent le temps que vous prenez. Vous êtes… Je n’en sais rien. Altruiste. » C’est ça. « Vous faites quoi dans la vie ? » Elle est psy ? Etudiante en psychologie ? Ca ne m’étonnerait même pas qu’elle soit dans le social. Je ne m’inquiète pas, la suit dans ce raccourci, observe aux alentours en essayant de faire ce que je peux pour marcher. « Je ne pense pas être d’une très bonne compagnie. » dis-je, en tournant la tête vers Ariel. « Vous voulez que je vous dise ? Profitez de votre jeunesse, ne laissez personne vous retirer votre sourire. Ce ne sont pas les bonnes personnes. » Elle a un sourire qui ne doit pas disparaître, un sourire qui doit rester sur son visage.

« Je ne crois pas en la méchanceté gratuite! » Il tenait à peine sur ses jambes alors comment arriverait-il à lui faire du mal ? Ne restait plus que quelque mètre pour arriver chez elle, il doit tenir bon encore un peu et il pourra se détendre tranquillement dans le canapé d'Ariel. « Si des personnes se jouent de nous, c'est qu'ils n'avaient pas de bonnes intentions en premier lieu!» Elle n'avait jamais fait face à un cas de trahison, elle avait su s'entourer des personnes bonnes. Plus ou moins, car son frère n'est pas le roi de la fidélité ainsi qu'une de ses yeux, mais pour elle, c'était une chose importante. La fidélité était un point vitale dans sa vie, elle n'aimerait pas ressentir la sensation qu'on éprouve lors d'une trahison. Cette sensation qu'on a quand on vous balance la vérité de l'adultère en pleine face.« Vous savez... L'amour est un combat de tous les jours! L'erreur est humaine, mais je ne conçois pas l'infidélité et je ne peux pas être de bon conseil sur cela! » Elle pouvait compter ses relations sur les doigts de la main, une seule main suffit pour cela. Elle n'est pas la personne parfaite pour parler d'amour ni de sexualité. Elle aurait pu faire son serment auprès de l'Église tellement son "dégout" pour le sexe. Enfin,ce n'est pas un dégoût, c'est un espèce de blocage ou je ne sais quoi. « Vous êtes simplement tombé sur les mauvaises femmes.» Elle hausse les épaules, elle n'était vraiment pas de bon conseil à ce sujet. Les voilà enfin sortir de la ruelle, son appartement n'était réellement plus très loin. « Je suis propriétaire d'une boutique de lingerie, ma mère m'a filé l'amour du stylisme. Je suis aussi une surfeuse de l'autre côté, j'essaye de joindre les deux. J'ai fait beaucoup de compétitions. Et vous, que faites-vous dans la vie ? » Elle pousse la vieille porte de son immeuble, la porte faisait sale, mais tous les appartements étaient rénovés. Deux étages, il devait monter deux étages et il serait tranquille. « Vous êtes simplement dans votre mauvaise période,si vous aviez été une femme.. Je vous aurai dit que vous aviez vos règles.» Elle ouvre la porte de son fameux appartement, cela donne sur un couloir. « La salle de bain est la dernière porte sur votre droite. Je vais vous déposer des vêtements ainsi qu'une serviette. » Elle referme délicatement la porte avec le pied, jette d'un geste frénétique ses chaussures dans l'entrée. Un appartement lumineux et harmonieux, son chez elle. Un gros monstre marron qui court vers elle, Bobby, son chien. Le seul homme qu'elle aime jusqu'à présent. « Vous n'avez pas peur des chiens, j'espère. Il est très gentil, un vrai nounours!» Elle s'accroupit à la hauteur de ce chien et lui délivre papouilles sur le dos.

« Mais… » Je fronce les sourcils, m’interroge. « D’où vous venez au juste ? » Elle est tombée de quel monde ? Peut-être n’a-t-elle tout simplement pas vécu des choses difficiles, ou que c’est tout le contraire, mais que ça ne l’a pas détruite, qu’elle s’est relevée, qu’elle reste optimiste. Qu’elle me donne son secret, parce que je suis incapable de faire comme elle. Je suis presque admiratif face à tant d’utopie. « Pas forcément. » Pas pour tout le monde. Cameron, je n’ai aucune raison de penser le contraire, il a toujours eu de mauvaises intentions envers moi, Solange n’en a pas eu, elle s’est juste montrée égoïste, elle a juste regretté ma venue. Elle n’avait pas envie de me faire souffrir, elle n’avait pas envie de m’avoir dans sa vie tout court. « J’suis d’accord… L’erreur est humaine, mais on ne peut pas tout pardonner, on ne peut pas tout laisser passer sous ce prétexte qui autorise bien des choses. » Je hausse les épaules, n’ayant pas besoin qu’elle me conseille là-dessus. N’importe qui pourra me dire ce qu’il voudra que ce sera toujours aussi compliqué dans ma tête, toujours aussi flou. Et j’en ai assez de me battre, aujourd’hui. J’ai juste envie, besoin qu’on me foute la paix, tout simplement, de passer une journée sans être contrarié, de ne pas tiquer sur les regards insistants des hommes sur sa silhouette, de ne pas devenir parano à chaque fois qu’elle reçoit un message, de ne pas repenser à ce qui s’est passé hier. « Certainement. » Ariel a peut-être raison, je ne suis pas tombé sur les bonnes femmes. La seule qui a été à la hauteur n’a pas eu plus que mon amitié, amitié que j’ai foutue en l’air en agissant égoïstement. Ariel me confie ce qu’elle fait dans la vie, une profession à laquelle je ne m’attendais pas et en même temps, ça lui va aussi très bien, la passion du stylisme, celle du surf. « Et vous avez arrêté ? » J’entre dans l’immeuble, me tenant appuyé contre le mur, près des escaliers. Je ne sais pas combien il y en a, dix, vingt, mais mes pas se font lourds, les marches me paraissent interminables. « Je suis architecte, quelque chose comme ça. » Son appartement n’est plus si loin, elle s’arrête, l’ouvre, alors que je la dévisage, que je percute. « Mes règles ? Oh je vous en prie, non. » Tout ce qu’elle voudra, mais pas ça. Je penche la tête en avant dans le couloir, essaie de situer la salle de bain. La dernière porte à gauche ? A droite ? Ou la première ? J’acquiesce, comme si j’avais bien compris. « Non, je… Ca va. Je les supporte chez les autres. » Ce chien, je l’ai aperçu ce matin, mais je ne l’ai pas rencontré de si près. Je me décale, laisse l’animal se frotter à sa maîtresse, jouer avec, puis commence à me diriger vers la salle de bain. « Est-ce que je peux vous demander les… vous savez… les vêtements… » Ceux de son frère, ceux dont j’ai besoin.

« Je ne pensais pas avoir d'avenir dans le surf, je voulais quelque chose de plus terre à terre. Et je voulais garder le surf comme une passion et non une contrainte. » Elle se relève pour laisser son chien vagabondé à ses activités. Elle avait bien compris qu'il n'avait capté où se trouver la salle de bain.« Suivez-moi!! » Elle passe devant lui en lui faisant un signe de la main. Elle arrive devant cette fameuse salle de bain dont elle ouvre la porte. Elle avait le privilège d'avoir les deux, une baignoire et une douche. Cette salle de bain était spacieuse, merci papa et maman! Elle lui sort une serviette et tout ce qu'il faut, elle les dépose sur les rebords de la baignoire. « Faites comme chez vous! Il y a tout ce qu'il faut sur la commode ainsi que dans la douche. » Elle recule de cette pièce pour en sortir, faisant attention de ne pas trébucher en chemin. Elle lui adresse un sourire aimable et laissant apparaître toutes ses dents. « Je vous apporte les vêtements de suite! » Elle s'esquive pour aller dans la chambre d'ami. Son frère et les lessives, cela fait deux! Puis il avait tendance à oublier des affaires chez elle au passage. Il n'y avait aucun homme dans sa vie pour se permettre cela, les affaires de son frère lui convenait. Elle revient dans cette fameuse salle de bain, les bras portant des vêtements propres. Elle relève la tête, découvrant Eneko à moitié nu. Elle est gênée, elle ne voulait pas lui voler son intimité. « Je, je ... Je suis désolée Eneko!» Elle rougit, elle ne voyait pas souvent des hommes à moitié nu, sauf sur la plage. Elle dépose les affaires sur la commode, faisant attention de ne pas croiser le regard de cet homme. Elle s'en va, à toute vitesse, à toute jambe pour lui laisser son intimité. Elle se dirige dans la cuisine pour sortir deux verres, en attendant qu'il prenne la douche, une bouteille de vin. Elle vient déposer le tout dans le salon en allumant la télévision. Elle profite aussi de cette solitude pour nourrir son chien. Elle lui ouvre par la suite la fenêtre qui donne sur le balcon lié à son appartement. Elle sort sur celui-ci pour admirer le ciel noir.

C’est le risque à prendre lorsqu’on fait ce que l’on aime. Je comprends le point de vue, je crois le comprendre, bien que je ne sois pas certain de tout assimiler à cause de l’alcool. Je la suis, soulagé qu’elle me montre le chemin et penche la tête pour voir l’intérieur. J’y entre, doucement, comme si je craignais de briser quelque chose. La salle de bain est grande, il y a une douche, une baignoire, mais mon regard se pose sur la cabine. C’est là-dedans que je veux être. Je veux pouvoir m’appuyer contre la paroi, laisser couler l’eau couler sur mon corps, laisser mes bras tomber le long de celui-ci sans retenir la pomme de douche. Je la remercie d’un regard, puis commence à retirer mes vêtements. Je me contente du haut que je lâche par terre, en attendant qu’elle m’apporte des vêtements et commence à régler l’eau. Celle-ci devient rapidement chaude. La surprise est là lorsque je l’entends parler. Je ne comprends d’ailleurs pas, puis baisse les yeux sur mon torse nu. C’est ce qui la fait paniquer. « Non, ça va. Il n’y a rien de… de grave. » Je me permets de tirer le tiroir de la commode et en sortir une serviette que je place sur moi, pour ne plus ressentir son regard gêné sur ma silhouette. A croire qu’elle n’a jamais vu un homme dans cette tenue. C’est comme si elle allait à la plage, ce n’est… pas grand-chose. Peut-être que j’aurais dû l’attendre. Je ne suis pas en mesure de bien réfléchir. « Ca va, Ari… » Ariel. Elle s’en va, sans un mot de plus. Je lâche un soupir et entre sous la douche dans laquelle je reste peut-être bien trente minutes, ou plus. Je ne vois pas le temps passer, profite de cette eau qui me fait du bien, qui me lave de mes maux, puis sors, me sèche, m’habille avec les vêtements de son frère qui sont plus ou moins à ma taille. Il doit être un peu plus grand, mais pas de beaucoup. Je reviens dans la cuisine, il n’y a personne. Deux verres sont là, la bouteille de vin est de sortie aussi et il y a comme un courant d’air. La porte du balcon est ouverte, j’entends son chien aboyer une fois et me dirige vers eux. Ariel est là, le regard perdu dans le ciel. J’hésite un instant, puis pose ma main sur son épaule. « Est-ce que ça va ? » Elle a l’air d’aller bien, je ne sais pas pourquoi je pose cette question. C’est la seule qui me sois venu à l’esprit, après… son départ. « Je suis désolé. » Elle avait l’air si mal à l’aise en me voyant. « Ce n’était rien, vraiment. » J’espère qu’elle ne m’en veut pas trop.

Elle sursaute au contact de sa main. Elle était surprise de le voir arriver. Elle s'était pris un verre de vin entre temps, profitant de cette fraîche.« Oui très bien et vous, la douche vous a fait du bien ? » Elle était un peu gênée de la voir dans cette tenue, elle en rougit encore. Elle ne connaissait en rien du corps d'un homme. Elle n'est jamais descendue en dessous de la ceinture. Là où se passent des choses qu'elle n'a jamais goûtés. Des choses qui ne la répugnent pas, mais qu'elle n'a pas encore eu la chance de connaître. On ne sait pas pourquoi, on ne sait pas la cause de ce blocage. Elle n'en parle à personne, elle se fait montrer du doigt par les gens. Elle est une ovni qui n'a jamais eu d'expérience sexuelle depuis son adolescence, elle a encore le privilège d'avoir sa fleur intacte. Sauf qu'elle est adulte, elle devrait passer le cap si elle veut garder un homme auprès d'elle. Arrivé un stade, il faut le faire! Deux adultes sont fait pour faire cela, mais elle, elle n'est vraiment pas comme tout le monde. Elle ne se plaint pas de cette situation, elle aimerait aller au-delà, mais les hommes ont peur de prendre sa virginité. On ne sait pas pourquoi d'ailleurs... Ce serait un privilège pourtant, il n'y a pas plus beau cadeau que celui là! Ah les hommes...« Ce n'est pas de votre faute... J'aurai du toquer avant d'entrer. » Elle lui affiche un petit sourire pour avaler une gorgée de vin par la suite. « Ce n'est pas dans mon habitude de voir un homme dans cette tenue... Je ne suis pas homosexuelle, loin de là... Je ne sui ni une bonne soeur, mais j'ai ma particularité...» Elle ne lui en veut pas, elle ne rentre pas dans le vif du sujet. Elle garde sa part de secret, après tout, elle le connaît à peine. Elle ne va pas livrer son secret au premier inconnu qu'elle croise dans la rue.« Vous pouvez vous servir un verre, si vous voulez...» Elle lui désigne le verre et la bouteille du doigt. Elle se décide de rentrer, se mettant dans le canapé. Un peu de confort et de relaxation ne ferait pas de mal, elle invite Eneko a faire de même, si le désirait. « Je ne sais pas vous.... Mais on pourrait se tutoyer, non ? » Elle appréciait les marques de respect avec le vouvoiement, mais bon, le tutoiement ne tue personne.

« Oui… La douche, ça a été. Merci. » C’est d’en sortir qui est compliqué. J’ai constamment l’impression de me sentir sale, d’avoir des choses à me reprocher. La douche m’aide à me « purifier », mais ce n’est qu’une impression et elle est temporaire. Elle a pris fin bien trop rapidement à mon goût. C’est la même sensation que lorsque j’étais adolescent, parce que Cameron passait par là, parce que Cameron est le dernier souvenir que j’ai de cette soirée, de ce trou noir, parce que c’est insupportable d’y penser, parce que j’ai comme la sensation qu’il a posé ses doigts sur moi, il y a deux jours, mais je refuse d’y croire. Je ne suis plus le pantin d’autrefois. Je suis tout sauf ça. « J’aurais dû vous attendre. » soufflé-je, dans un sourire. Je ne m’attendais pas à ce qu’elle réagisse de la sorte… Si j’avais su, je l’aurais attendu, je n’aurais pas retiré ce haut, mais je n’ai pas toute ma tête, je ne sais pas très bien réfléchir, ce soir et probablement que c’est mieux ainsi. Je penche la tête sur le côté, intrigué par ce qu’elle dégage, par ce qu’elle me dit. « Votre… Votre particularité ? » Elle est pudique, réservée, a l’habitude que les hommes le soient avec elle. Ariel attise ma curiosité. Elle vient de me donner une première partie de son secret, si c’en est un, sans la seconde dont j’ai pourtant besoin pour comprendre le tout. Lorsqu’elle me propose, je ne cherche pas à refuser son offre, me tourne vers l’intérieur de l’appartement, puis repose mon attention sur Ariel en acquiesçant d’un signe de tête. « Bien sûr. Je te remercie pour le verre. » dis-je, pour appuyer le fait que ça ne me dérange pas de la tutoyer et qu’elle le fasse à son tour. Je m’approche de la cuisine, prends une coupe, le rempli de vin puis la rejoint. « Je… Tu crois que c’est possible de garder contact ? » Je sens que je vais avoir besoin d’aide. Je ne veux plus partir comme un voleur, comme je l’ai fait. J’aimerais pouvoir la contacter, quand ça ne va pas, parce qu’elle sait qu’il s’est passé quelque chose de grave, parce que je n’ai pas besoin de le lui expliquer, d’expliquer mon état. Ariel a été témoin de tout ça. Elle m’a tendu la main… C’est quelqu’un de bien, de positif, quelqu’un qui ne semble pas être un nid à problèmes et c’est peut-être ce dont j’ai besoin. Ca fait contraste avec ma personne. J'aimerais la revoir.

Elle ferme cette porte fenêtre, car la fraîcheur commençait à lui donner la chair de poule. Elle n'aimait pas le froid, elle était plutôt une bête de chaleur, elle appréciait la sensation que donne le soleil quand il vous tape sur la peau. La couleur qu'il peut donner à une peau en un rien de temps, elle est une fille d'extérieur, mais avec une limite... Quand la température est un peu trop basse, elle préfère s'enfermer chez elle ou s'emmitoufler sous des couches de vêtements. Enfin, elle aime la fraîcheur à petite dose quoi... « Oui, je suis assez particulière pour une jeune femme de mon âge. Je suis en total décalage avec ma génération et je me sens un peu perdue par moment dans celle-ci. Beaucoup n'ont plus les valeurs de la vie, les valeurs de ce qui nous entoure et la valeur de sois même. Il n'y a plus aucun respect pour sois et pour autrui. Je crois être la dernière à être comme ça... » Elle marque une pause, ajustant un sourire à ses lèvres. Elle ne parlait jamais d'elle enfin surtout de son secret, c'était un peu tabou et elle n'aimait pas qu'on se moque d'elle. Chose qui arrive fréquemment quand elle ose enfin avouer cette particularité. On lui dit qu'elle est bizarre, qu'elle est folle. On lui dit qu'elle rate pas mal de choses en ne faisant pas cette chose. « Je suis toujours vierge.» Elle se lance, elle attend la réaction d'Eneko. Elle pense qu'il va réagir comme toutes ces personnes à qui elle l'a déjà dit. Elle se trompe peut-être, après tout, il était différent. Peut-être qu'il sourira à l'annonce ou peut-être qu'il l'applaudira. C'est rare d'être à notre époque et d'être encore vierge, très rare, mais cela peut-être une très grande qualité pour quelqu'un. Enfin, toute personne est différente et sa réaction de même. Elle ne s'attendait pas à ce qu'il lui demande de garder contacte. Elle pensait qu'il repartirait sans vouloir lui reparler ou la revoir.« Avec plaisir! » Elle boit une gorgée de vin, répondant simplement par ces deux mots. Il n'était pas nécessaire de faire de grands discours, mais elle est assez philosophe donc il lui arrive souvent de détailler chaque réponse qu'elle peut faire, cela peut être agaçant. Elle fait preuve d'une telle maturité pour son jeune âge qu'il est fort apprécié par des trentenaires.« Ma porte te sera toujours ouverte. » Elle lève son verre pour trinquer avec lui, en guise de contrat entre eux. Comme quoi sa porte serait toujours ouverte, qu'il serait toujours le bienvenu.« Mais tu m'as dis que tu étais marié, ta femme va réagir comment si tu t'absentes pour rendre visite à une autre femme ? » Son ton était toujours paisible, il n'y avait que rarement des haussements de ton chez elle. Elle n'aimait pas les disputes et ne cherchait jamais l'affrontement. Elle ne cherchait jamais à faire de mal à quelqu'un, ni à le juger.

Ariel est tout le contraire des jeunes que je croise. Elle est posée, mature, un peu trop pour son âge, mais elle semble le vivre bien. Et ces valeurs dont elle parle… Ca me fait sourire. Ce discours est agréable à entendre. « Restez comme vous êtes. » Je ne la connais pas depuis longtemps, mais elle m’a tout l’air d’être une jeune femme avec la tête sur les épaules. Je ne m’attendais cependant pas à ce qu’elle me confie son secret et quel secret… Mais d’un côté, je n’en suis pas étonné. Je me rappelle sa réaction dans la salle de bain, sa gêne à m’avoir vu torse nu. Elle en a rougi aussitôt, elle s’est éclipsée aussi vite qu’elle est entrée. Ariel était vraiment mal à l’aise et ce n’était pas une petite gêne de passage. « Vous vous réservez au bon ? » Est-ce qu’il y a une bonne personne ? Je doute. « Je ne juge pas. » C’est un choix et plutôt respectable. Elle ne fait pas partie de ces femmes décrites pas Sebastian, celles avec qui l’on s’amuse pour une nuit, mais elle fait bien partie de la catégorie des femmes avec qui l’on peut faire sa vie, une femme à qui on peut faire confiance et ça me conforte dans l’idée de garder contact avec elle. Ariel sait se montrer rassurante. « Tu as quel âge ? » Je ne pense pas lui avoir demandé. Ou alors la veille, peut-être bien, si j’ai sorti quelques phrases, mais je ne m’en souviens pas. « Je te remercie. » Je suis touché de l’apprendre, touché qu’elle ne me ferme pas la porte, rassuré d’avoir quelqu’un vers qui me tourner, quelqu’un qui sait qu’il y a eu quelque chose de grave, sans en connaître les détails. Je n’ai pas besoin de revenir sur le sujet, puisqu’elle m’a vu en l’état. A sa question, je hausse les épaules et bois une longue gorgée du verre. « Est-ce qu’elle m’a demandé mon avis lorsqu’elle a retrouvé son ex ? » Non. Bien sûr que non. Elle l’a fait. Elle a mené sa vie comme elle l’entendait pour se sentir mieux, alors je peux bien en faire de même et ne pas tenir compte de Maona. Pour une fois, j’ai besoin de penser à moi. Alors l’avis de Maona, ce qu’elle pense, ça me passe au-dessus. Elle fera avec ça, comme j’ai dû faire avec son erreur de passage, sans avoir donné mon avis sur la chose. « D’autant plus que je ne faute pas, moi. Et je ne le ferai pas, même si l’envie de lui montrer à quel point son acte m’a détruit est là. » Je ne le ferai pas. Ma rancune est tenace, mes valeurs le sont encore plus. Je ne m’abaisserai pas à ce niveau, même avec de l’alcool dans le sang.