(Wilhelmine) Une bonne compagnie

Les cauchemars reprennent. Eneko fronce les sourcils, tourne sur le côté, puis sur l’autre, reste quelques secondes sur le dos, avant de se réveiller en sursaut. Il ne s’est même pas rendu compte qu’il avait parlé durant son sommeil, sans doute un peu trop fort. C’est toujours la même chose. Quand Cameron, son beau-père, se décide à pointer le bout de son nez dans ses rêves, c’est la folie. Il panique dans son sommeil, est en transe. Ca semble être tellement réel… C’est dur à gérer. Il n’y arrive pas. Il sait cependant qu’avoir Maona avec lui est indispensable à sa survie, que sans elle, il ne fait jamais de nuits complètes. Elles durent quelques heures, pas plus. L’homme pose sa main sur son réveil, le tourne vers lui. Il indique trois heures trente du matin. Il frotte son visage, tente de se reprendre et capture son téléphone portable pour envoyer un message à Maona, avant de l’effacer et de reposer l’appareil sur la table de chevet. Si elle se réveille par sa faute, si elle s’inquiète, il se sentira coupable et il n’a pas envie qu’elle voie en lui une âme faible. Il a plutôt besoin qu’elle le pense solide et c’est le cas, il l’est bien plus qu’il y a quelques mois, sauf la nuit où il devient vulnérable. Eneko quitte son lit et tire sur son top pour le décoller de son torse. Il est trempé. Il a bien besoin d’une douche, alors il s’exécute, laisse couler l’eau sur son corps, se débarrasse de ses démons comme il peut, évite de penser au visage de Cameron au-dessus du sien, puis au bout de trente minutes peut-être, il sort enfin et enfile un haut, ainsi qu’un bas de pyjama, puis s’engouffre dans la cuisine où il se serre un grand verre d’eau qu’il s’apprête à boire, mais il a juste le temps de resserrer ses doigts autour du récipient qu’il entend quelqu’un frapper à la porte. D’abord peu confiant, en repensant à ses cauchemars, il s’avance vers la porte, observe par le judas et se laisse ensuite quelques secondes pour respirer. Il est soulagé. C’est Wilhelmine. Sa voisine, son amie. Et d’un autre côté, il ne l’est pas tant que ça. Il déverrouille la porte, lui adresse un sourire en ouvrant la porte en grand, pour qu’elle puisse entrer. « Bonsoir. Tu m’as encore entendu. » Ca ne l’étonne plus, maintenant. Depuis le temps qu’il en fait des mauvais rêves… Sa voisine est toujours là pour s’assurer que tout va bien. « Tu as l’ouïe vraiment développée. » Ils sont sur le même palier, ça aide. Il espère cependant ne pas avoir dérangé d’autres personnes. « Tu dormais ? Je te sers quelque chose ? » enchaîne-t-il, en lui faisant signe de le suivre dans la cuisine. Il a ce qu’elle veut, même de l’alcool. Il n’aimait pas en avoir chez lui lorsque Maona vivait avec lui, mais après leur séparation, il a repris quelques habitudes. Il lui arrive de boire un verre, avec modération. En abuser, il ne peut plus. Cette chose est destructrice.

Wilhelmine avait eu une journée très épuisante. La femme de vingt-sept ans avait dû faire trois gâteaux. Deux pour des anniversaires et l'autre était pour un mariage qui avait lieu le lendemain. Il faut dire que c'était sa priorité. Les gâteaux de mariage sont toujours les contrats les plus important aux yeux de la jeune Allemande. Elle, qui désirait se marier, pensait qu'elle faisait parti du mariage, d'une certaine manière, en faisant les gâteaux. Évidemment, elle gardait ses pensées pour elle, se disant que cela serait ridicule. Wilhelmine adorait son travail. Elle ne se voyait pas faire autre chose. La jeune Leibnitz avait eu d'autres expériences de travail dans le passé, mais le métier de pâtissière était le métier de ses rêves. Elle ne pouvait pas être plus heureuse. Wilhelmine sortie de la boutique, saluant ses collègues avec un doux sourire. Elle s'entendait merveilleusement bien avec eux. La belle blonde n'avait plus le même comportement qu'elle a eu au lycée. Elle était totalement différente et c'était à cause de ce lycéen, son ancien petit-ami, qui l'avait trahi en la trompant. Wilhelmine a eu du mal à s'en remettre, mais elle s'en est sortie. La jeune femme embarqua dans sa voiture et roula jusqu'à son appartement, dans le quartier de Milady. Wilhelmine entra ensuite dans son appartement et caressa ses deux chats quelques secondes, avant de leur donner à manger. L'Allemande alla se faire un repas, tout ce qui a plus de normal, c'est-à-dire des pâtes à la sauce bolognaise. Elle mangea tranquillement devant la télévision. Après avoir mangé, elle lava et rangea sa vaisselle. Elle retourna devant la télévision et c'est alors qu'elle s'endormie, étant totalement épuisée, mais Wilhelmine se réveilla quelques heures plus tard. Il était deux heure du matin. La jeune femme était perdue, se demandant depuis combien de temps elle dormait sur le canapé. Bien qu'il était très confortable, il ne l'était pas pour dormir. Wilhelmine avait entendu son voisin, qui était également son ami, crier fortement. Elle était habituée à cela, sachant qu'il faisait souvent des cauchemars. Cela n'était pas évident pour Eneko. Il avait divorcé, il y a un mois et son ancienne femme ne s'en rappelait pas. Wilhelmine aimait être présente pour lui. Elle décida alors d'aller lui rendre une petite visite. Elle sortie de son appartement et alla frapper à la porte, attendant une réponse qu'elle reçu trente secondes après. « Bonsoir. Oui, en effet. » Wilhelmine voulait vraiment qu'il aille mieux, mais elle savait que cela allait prendre du temps. « Il faut dire qu'on vit sur le même palier, alors... » La belle blonde entra et regarda autour d'elle, avant de reporter son attention sur Eneko. « Oui, mais ce n'est pas grave. Je m'étais endormie sur le canapé. Je veux bien un verre d'eau, merci. » Wilhelmine passa une main dans ses cheveux qu'elle avait coupés depuis quelques jours désormais.

Eneko se dirige derrière l’îlot central et récupère un verre d’eau dans le placard qu’il remplit d’eau. Il se sent tellement navré qu’elle se réveille à chaque fois en même temps que lui, que ses cauchemars soient les siens. Ce n’est pas juste, elle n’a rien fait qui puisse mériter ça, juste habiter sur le même palier que lui. Il est le premier qui aimerait que tout ça s’arrête, mais il n’y arrive pas. Ca travaille fort dans son subconscient. Il se rappelle de bribes de souvenirs, des vieux, des plus récents, dû à son trou noir lorsqu’il avait rendu visite à son beau-père, mais pas la totalité de ce qui s’est passé et il ne sait pas s’il a vraiment envie de s’en rappeler. Alors il essaie de faire avec tout ça… Même si c’est difficile à vivre. Il souhaite aller mieux, Eneko, mais ne sait pas comment s’y prendre. « Je suis désolé. » dit-il, sincèrement, en sortant une bouteille d’eau dans le réfrigérateur. Il la rejoint dans la pièce, lui tend le verre d’eau et boit une longue gorgée de sa bouteille. C’est frais, ça fait du bien. « Tu es témoin de tout ça sans que je ne le veuille. » S’il pouvait garder les choses pour lui, il le ferait sans aucune hésitation. Il s’installe sur le canapé, passe une main sur son visage, décontenancé. « J’ai revu Maona, tu sais. Enfin… Je t’ai doucement fait part qu’elle ne se souvenait de rien, sans ajouter plus de détails. » Il l’avait vu en coup de vent, simplement et la rumeur a défilé vite dans l’immeuble, comme quoi la femme d’Eneko serait de retour dans sa vie. Les personnes âgées, ça parle. Il n’en veut à personne, ça l’amuserait même en temps normal de voir à quel point leur histoire les a intéressés, même s’il n’aime pas l’idée que ça manque de discrétion. Il aime que sa vie personnelle reste privée. « J’ai remis le couvert. » Certains de ses amis désapprouveraient, mais pas lui. Ce n’est peut-être pas bien, pas une solution, mais elle lui manque terriblement. « C’était plaisant de la retrouver comme au premier jour. » Déstabilisant aussi, mais plaisant, tellement agréable. Il n’y a plus de problème d’alcool dans sa vie, elle ne se rappelle pas de leurs erreurs, du fait qu’ils se soient tous les deux éloignés, perdus. Ni même de leur séparation, leur divorce et encore moins le fait qu’il ait vraiment compté dans son cœur. Tout est à refaire. Il voit ça comme une autre chance, c’est étrange. « Et toi, comment tu vas ? » Il espère qu’elle aille bien mieux que lui, que son esprit soit plus clair que le sien.

Wilhelmine pouvait comprendre qu'Eneko vive des moments difficiles. La jeune femme le connaissait depuis son arrivée et, avec le temps, elle avait appris qu'il faisait des cauchemars régulièrement et elle aimait l'aidr. Wilhelmine n'était pas une psychologue, bien au contraire, mais elle apportait son soutient, du mieux qu'elle le pouvait. La belle blonde aimait le soutenir dans les moments difficiles de son ami. Elle savait qu'il avait divorcé et que son ancienne femme avait perdu la mémoire. Cela ne devait pas être évident pour Eneko, puisqu'il aimait sincèrement son ancienne femme. Wilhelmine se demandait pourquoi des choses aussi tristes pouvait arriver à une personne aussi extraordinaire qu'Eneko. Elle se le demandait souvent, mais n'avait jamais de réponse. Il faut croire qu'elle n'aura jamais de réponse. « Arrête de t'excuser. Tu n'as pas à le faire. » Wilhelmine était très sincère. La jeune femme n'aimait pas quand son ami s'excusait. Ce n'était pas de sa faute s'il faisait des cauchemars. On ne peut pas contrôler cela, même si on aimerait cela. Ces choses-là prennent du temps, beaucoup de temps. La jeune femme pris le verre d'eau et but une gorgée. Cela faisait énormément de bien. Elle avait la bouche sèche, alors se réhydrater la soulageait. Elle regarda Eneko, souriant doucement. « Que tu le veuilles ou non, cela arrive et ce n'est aucunement de ta faute. Tu as vécu des moments difficiles. » Wilhelmine suivit alors son ami dans le salon et s'assit à côté de lui, le verre d'eau dans les mains. L'eau était bien froide, comme elle l'aimait. La belle blonde écoutait toujours son ami avec une oreille attentive.  « Oh, c'est vrai? Je suis contente pour toi. J'imagine que ce n'est pas toujours évident qu'elle ne se rappelle de rien. » Wilhelmine ne sait pas comment elle aurait réagi, si l'homme qu'elle aimait aurait perdu la mémoire. La jeune femme se disait qu'elle était bien célibataire, faisant ce qu'elle doit faire, mais elle aimerait bien rencontrer quelqu'un et être heureuse en couple, mais elle ne fait plus beaucoup confiance aux hommes, depuis que son petit-ami du lycée l'ait trompé. « D'accord, c'est très bien pour toi. Tu sembles heureux en parlant d'elle. J'imagine que c'était plaisant, en effet. J'espère que tout ira mieux entre vous. » Elle but une autre gorgée d'eau, passant une main dans ses cheveux blonds qui étaient désormais courts. Elle n'était pas trop habituée, mais aimait bien cela. « Moi je vais très bien. Je travaille comme une folle, alors je n'ai pas beaucoup de temps pour moi, mais je ne me plains pas, j'adore mon travail. »

« Oui… Et c’est épuisant, vraiment. » Il en a assez de ses cauchemars, il aimerait que ça s’arrête, qu’il soit enfin en paix avec lui-même, mais il est conscient que ça n’arrivera pas tant qu’il n’aura pas tous les éléments en sa possession, tant qu’il n’aura pas été jusqu’au bout des choses, mais parler, se vider, exprimer ce qu’il ressent au fond de lui, il en a assez. C’est beaucoup trop. Il est du genre à prendre sur lui, à imploser, plutôt que le contraire, mais ça se ressent lorsqu’il dort. « Ce n’est pas évident, oui… Surtout parce que j’ai constamment l’impression de dire des choses qu’il ne faut pas, qu’elle n’a pas connaissance, pour le moment. Et c’est dur qu’elle ne se souvienne pas de moi. D’un autre côté… Elle va bien. » Plus d’alcool, plus de souvenirs avec Nino lors de leur nuit ensemble. Plus toutes ces choses qui les ont blessés, tous les deux. Oublier n’est pas la solution à tout, mais il profite clairement de ça pour rattraper leurs erreurs et sans doute que la réalité le frappera en plein visage un jour, mais ce n’est pas encore le cas. Il acquiesce d’un signe de tête. Lui aussi, il espère sincèrement que tout se passera bien. « Je te comprends. Je ne pourrais pas te jeter la pierre pour te donner à cent pour cent dans ta profession. » Il est exactement pareil. Il se donne comme jamais, parce que ça lui plait, autant que ça plait à Wilhelmine. La pâtisserie n’est pas chose évidente, c’est beaucoup de boulot, d’horaires. Elle ne doit pas se reposer énormément et puis lui qui la dérange avec ses mauvais rêves… « Et à part le travail ? » Rien, vraiment rien ? Autrefois, il laissait très peu de temps à sa vie personnelle. A présent, il voit les choses différemment. Il sort un peu plus, aussi, parce que ça lui fait du bien de voir du monde à l’extérieur, de se détendre ailleurs que dans son bureau, ou en déplacement.