(RORY) that's how a superhero learns to fly

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Le métier de professeur peut dépasser le simple cours magistral et les travaux pratiques. Parfois, le professeur se donne d’autres responsabilités, comme celle d’éducation parce que les parents des enfants ne trouvent pas le temps de le faire. Et puis parfois, faisant face à des cas épineux, le professeur peut se muer en véritable psychologue. Shane aime toutes les facettes de ce métier certes exigeant, mais pour sa part, plutôt réjouissant. Il n’a jamais eu vraiment à se plaindre. Et pourtant, ce n’était pas gagné au départ. Un Irlandais pure souche professeur d’Anglais, ça ne présageait rien de bon. Mais tout le monde s’accorde à dire que l’ex-rugbyman a su conquérir le Pays Basque, ou du moins la ville de Biarritz. Pour autant, il ne reste jamais sur ses acquis et s’il essaie d’inculquer la langue de Shakespeare à ses élèves, il s’intéresse aussi à leurs projets, à leur vécu. C’est le cas de Rory. Chaque élève a quelque chose à faire valoir, certains le savent mieux que d’autres. Ce qu’il regrette avec la jeune Mirage, c’est qu’elle a un sacré potentiel, mais qu’elle ne lui laisse pas le loisir de s’exprimer. A son grand regret, elle rend les devoirs en retard, ou les bâcle, et il ne peut pas lui accorder un véritable traitement de faveur puisque cela serait injuste pour ses camarades. D’autant plus qu’elle possède souvent un délai supplémentaire qu’il n’octroie pas forcément aux autres. Une fois de plus, aujourd’hui, il a rendu les copies à chacun, avec une annotation particulière qui résume le point sur lequel ils doivent bosser en particulier. Pour Rory, il a simplement écrit : « Too lazy to correct. » Comprenez, la flemme de corriger. Quand il a posé la copie sur la table, un peu plus tôt, il lui a demandé de rester à la fin du cours. Il est convaincu que quelque chose ne tourne pas rond chez cette fille. Si elle bossait un peu plus dans sa matière, elle s’assurait presque une mention au bac, mais elle fournissait de moins en moins d’efforts. La réponse de l’intéressée ? Une proposition pour aller boire un verre après les cours. Ca n’a rien d’étonnant. C’est une pratique courante dans la classe de Monsieur Madigan, que tout le monde appelle Shane. Ce rapport de proximité fait hérisser les poils du proviseur, mais plait aux élèves. Et jamais ils n’en n’ont abusé, bien au contraire, ils connaissent les limites. Aussi, c’est pourquoi il est assis à une table au fond de son pub favori avec la jeune fille sur qui il pose un regard bienveillant : « Tu veux boire quelque chose peut-être ? » Il n’est pas là pour jouer les tortionnaires, autant qu’elle passe un bon moment. Lui sait déjà ce qu’il va prendre, l’Irlandais ne déroge jamais à la règle : la Guinness c’est sacré. Shane ne sait pas vraiment par où commencer pour parler de choses sérieuses avec Rory. Il aurait préféré discuter tranquillement dans sa salle de classe, l’atmosphère s’y prêtant un peu mieux, mais il n’avait pas voulu contrarier l’élève de terminale qui avait probablement envie de sortir au plus vite du lycée. La discussion allait mettre du temps avant de s’amorcer.

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Shane & Rory

Le lycée, les cours, les devoirs, toutes ces choses que Rory n’avait plus envie d’avoir. Elle rêvait de liberté, elle rêvait de ne plus devoir aller tous les jours au lycée. Mais c’était un rêve bien loin, bien trop loin pour elle qui ne bossait pas ou presque pas. Elle disait que ce n’était pas sa priorité, avec les autres élèves, elle ne rigolait. A ses potes, elle disait simplement qu’elle avait la « flemme » de travailler, de tous les soirs rentrer et bosser. Elle disait qu’elle préférait sortir et s’amuser. Comme tout le monde. Sauf que certains de ses amis s’en sortaient mieux que Rory. Certains avaient de l’avance, des facilités, des acquis déjà bien imprimés. Elle, c’est pas qu’elle savait pas, pas qu’elle était plus bête qu’une autre, c’est juste qu’elle avait pas le temps, pas la foi pour tout ça. Elle n’avait jamais pu vraiment avoir la tête dans ses études, n’a jamais eu les bonnes habitudes, la bonne attitude. C’était pas sa faute d’avoir voulu essayer, c’est juste qu’elle n’était pas dans le bon climat pour tout ça. La famille ça jouait beaucoup dans ces moments-là, dans l’éducation, la perception de l’école puis du collège, du lycée. Si on n’est pas cadré dès le début on finit par jamais l’être, si on se fait taper dessus on essaie même pas de faire l’effort de l’être. « Too lazy to correct. » Elle a ce sourire ironique quand elle lit sa copie, ses potes qui rigolent, se foutent d’elle et de Shane, leur professeur d’anglais. Elle savait bien Rory qu’il y avait quelque chose de différent avec ce prof, et avec sa matière en générale, tout simplement parce qu’elle était sans doute beaucoup plus douée en langue que dans tout le reste. Elle avait toujours retenu facilement Rory, elle avait pas vraiment besoin d’apprendre, les langues ça lui parlaient, ça rentraient dans son esprit sans se barrer – ça changeait du reste. Mais c’est pas pour autant qu’elle bossait vraiment, Rory. Elle s’en foutait pas mal d’avoir des bons résultats parce qu’elle savait pertinemment que le bac S, elle l’aurait pas. Elle savait même pas ce qu’elle foutait là, comment elle avait réussi à en arriver là, elle aurait sans doute dû être stopper bien avant dans son élan, envoyée ailleurs en stmg ou L, sans doute aurait-elle eu plus de chance. « Tu me paieras un petit cocktail genre « sex on the beach » ? Promis c’est pas une mauvaise technique de drague, j’oserai pas faire ce genre de proposition à mon professeur de langues. » Elle insiste sur le mot langue, elle pouffe en le regardant. Il avait voulu lui parler, il avait accepté de l’emmener dans un bar, chose qu’elle ne comprenait définitivement pas … Pour la mettre en confiance ou dans son lit ? Non, Shane n’était pas comme ça, c’était plutôt le genre de prof cool qui invitait ses élèves un peu partout, comme un ami, un frère .. Pas un amant. « Sinon le Too Lazy to correct c’était franchement bien trouvé. Est-ce que je peux dire Too Lazy to speak ce soir ? J’ai pas vraiment envie de parler, surtout si c’est pour raconter toujours la même chose sur mon inactivité au lycée tout ça, on est au courant, on change de disque quand ? » Elle savait bien pourquoi il avait voulu la voir et elle n’avait malheureusement aucune envie de parler de tout ça, reste à voir s’il allait réussir à la faire changer d’avis … ou pas.

acidbrain

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Il aimait bien venir ici. C’était un peu son quartier général. Shane ne faisait pas de distinctions entre ses élèves et ses potes. Si l’envie prenait un élève de se joindre à lui ou eux pour boire un verre, il n’y avait aucun problème. C’était ce qui faisait grincer des dents la plupart des autres enseignants parce qu’il n’y avait pas de limites dans son comportement. Au fond, il y en avait, mais elles étaient implicites et pour autant personne n’avait jamais osé les franchir. Pour autant, il n’avait jamais invité une élève à venir en sa compagnie pour parler de choses sérieuses, d’avenir. D’habitude, il faisait cela dans sa salle de classe. Mais puisque Rory semblait décidée à aller boire un verre, autant la mettre à l’aise. Shane trouvait que cette fille gâchait son avenir. Elle avait cet air je-m’en-foutiste qui lui collait à la peau et c’était déroutant parce qu’il craignait qu’elle s’enferme dans cette attitude et qu’elle s’en rende compte bien trop tard. Elle avait du talent en anglais, ça ne faisait aucun doute, mais il aurait espéré qu’elle fournisse un peu plus d’efforts. Et puis, au regard de ses résultats, que faisait une telle fille en filière scientifique alors qu’elle s’épanouirait en littéraire ? Et ce n’était pas tout, la jeune fille usait d’un comportement un peu déplacé qui devait fonctionner à merveille avec certains professeurs, mais qui ne prenait pas toujours avec l’Irlandais. Certes il lui donnait plus de temps qu’aux autres pour faire ses devoirs, mais il ne la notait pas en fonction de ses capacités, oubliant parfois même de lui donner une note, parce qu’elle ne prenait pas la peine de donner son maximum. Assis en face d’elle, il la sondait du regard, constatant qu’elle était parfaitement à l’aise ici, comme si elle se trouvait dans son milieu naturel. Même si la demande de la jeune femme le surpris, maligne au possible, joueuse comme jamais, il n’afficha aucune réaction, se contentant de hausser les épaules : « Tu as dix-huit ans si je ne me trompe pas, donc si tu souhaites un cocktail, je te l’offre. » Quant à son petit jeu de mots peu fin, il n’y prêta pas attention. Il ne savait pas ce qu’elle cherchait, mais lui était là pour parler d’une situation sérieuse. Le serveur arriva et il passa commande : une Guinness et un Sex on the Beach. Comme à son habitude, l’Irlande jusque dans le verre, Shane démarrait avec la marque fétiche de tout habitant de Dublin. Rory donnait tout de suite le ton. Non, elle ne comptait pas épiloguer sur ses résultats, son absence d’investissement et son comportement rebelle, elle l’avait décidé. Elle renchérissait sur la petite blague de Monsieur Madigan qui ne put réprimer un sourire à cette éventualité, ricanant même discrètement. Elle avait de l’humour la jeune fille. Conscient qu’elle n’ouvrirait pas la bouche pour parler du sujet qui l’intéressait, bien trop intelligente pour cela, il décida de faire un détour dans la conversation. « Et si tu me parlais de toi, Rory. Ta vie, tes envies, tes rêves. Ca m’intéresse. » Elle allait probablement voir là une mauvaise technique de drague, mais peu lui importait, il avait besoin d’en apprendre plus pour ensuite essayer de la ramener à la raison. Leurs verres arrivèrent, et prenant le sien, il le souleva pour trinquer : « Cheers ! » Il but une longue gorgée qui vida le tiers de la pinte.

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Shane & Rory

Shane Madigan, c’était un peu un mystère de prof, au lycée. Jeune plutôt mignon, paraissait même qu’il se faisait draguer par une lycéenne de seconde, du rentre dedans comme Rory elle-même pourrait en faire. Elle voudrait bien la connaitre, la petite, qui osait s’affranchir des règles de cette façon, surtout qu’elle le clamait haut et fort, qu’elle s’en cachait pas vraiment. Elle se demandait bien Rory ce que ça pouvait lui faire, à monsieur Madigan, de se faire draguer comme ça par une élève de cet âge-là. Elle comptait pas lui demander – même si elle le pourrait – mais elle en avait jamais eu l’occasion, elle était plutôt du genre à éviter les professeurs, qui qu’ils soient. Shane, c’était peut-être encore l’un de ceux avec qui elle avait le plus de contact. Elle le trouvait plutôt drôle, différent. Pas du genre à la bombarder de questions, lui demander dix mille fois pourquoi elle ne bossait pas. Il lui faisait comprendre plus subtilement, pas forcément en lui demandant directement. Ça lui plaisait pas mal les petits mots sur ses devoirs, les regards qu’elle comprenait. Il suffisait de ça, à Rory, c’était pas la peine de lui répéter la même chose toutes les heures, elle comprenait tout, elle écoutait tout, mais presque tout rentrait et sortait immédiatement de son esprit. Enfin, surtout ce qui concernait le lycée, les cours, le bac, l’avenir, le futur .. Ce genre de choses dont elle avait peur, ce genre de choix qu’elle devait faire … Est-ce qu’elle avait demandé un jour, elle, de naitre dans une famille comme la sienne ? De même pas savoir qui elle était, qui elle voulait être ? De jouer tous les jours à la princesse alors qu’elle était qu’une petite grenouille, même pas assez riche pour réparer toutes ses magouilles et arrêter toutes les embrouilles. Et là elle était là, avec Shane, sans savoir vraiment pourquoi elle avait dit oui, sans vraiment comprendre où ça allait l’amener de le suivre ici, au bar où elle retrouvait toutes les semaines ses amis. Ses amis. Y’en avait combien de vrais ? Elle soupirait avant d’attraper le cocktail que le serveur venait de lui tendre – elle en aurait sans doute bien besoin pour supporter la conversation qui venait. « Parler de moi ? T’es psy ou prof?» Elle le regarde, presque amusée, avaler le tiers de sa pinte. Elle le suit, boit quelques gorgées. Moins maligne, elle aurait pu croire à une technique de drague – mauvaise, certe, mais technique de drague tout de même. Mais elle voyait bien comment il la regardait, il avait pas les yeux d’un envieux, juste quelqu’un de soucieux, soucieux de savoir comment elle allait, où elle en était. « Ma vie imparfaite, mes envies inaccessibles et mes rêves brisés, tu veux dire ? » Elle boit une nouvelle gorgée. Elle la montrait rarement, sa vulnérabilité. Mais ce soir, à ce bar, elle avait pu l’envie de jouer. Et puis c’était juste avec ses potes de lycée, qu’elle mentait. Avec les autres, parfois, elle redevenait la véritable Rory. «J’suis pas une poupée, j’ai rien de beau à raconter, pas de rêves à exprimer ou en tout cas pas de ceux qui pourraient être exaucés. » Nouvelle gorgée. Elle avait presque envie que ça tape fort. Parfois elle avait envie de tout balancer. Depuis qu’elle vivait chez Numa, elle se sentait beaucoup moins fausse, elle voyait des personnes sincères, des vraies. Des gens qui pourraient peut-être l’aimer. Connerie, elle y croyait toujours pas, qu’on l’aimerait un jour, mais elle pouvait toujours espérer. « Je sais, c’est pas la Rory que t’attendais. J’peux aussi la jouer petite princesse qui a tout ce qu’elle veut dans la vie mais j’ai peut être assez menti pour aujourd’hui. » Ses pupilles accrochent celles de son professeur. Elle se sentait soudainement en confiance avec lui, alors qu’elle n’aurait jamais pensé pour l’être encore quelques mois plus tôt. Sa fuite hors de chez elle avait fini par la faire changer et mentir, aujourd’hui, commençait à la lasser.

acidbrain

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Shane avait une vision bien particulière du professorat et de l’enseignement. Etant jeune, il se voyait mal traiter les élèves comme des êtres culturellement inférieurs, ou comme des cerveaux vides qu’il fallait remplir de matière et compétences. Il considérait que les élèves apprenaient plus vite lorsqu’ils étaient en confiance. Il fallait donc jouer sur leur terrain, être une figure de soutien, un semblable. Shane n’avait pas quitté les bancs de l’école depuis si longtemps et puis, l’anglais n’est pas une matière qui s’enseigne comme on peut apprendre les règles en maths ou en littérature. Il faut le sentir, le comprendre. Apprendre l’anglais littéraire ne sert à rien. Le plus utile, c’est de les former à avoir une conversation, un échange oral ou écrit, et c’est la raison pour laquelle, à part former les élèves au bac puisque l’épreuve est nationale, il tente de leur apprendre à parler anglais par divers moyens. Il a d’ailleurs quelques projets de conversations skype en salle informatique, mais surement en demi-groupe pour que chacun puisse s’entendre. Rory pointe du doigt une autre facette de l’ex-rugbyman. Etant très proche de ses élèves, il essaie aussi de les comprendre, et de les aider dans la résolution de leurs problèmes, ce qui n’a pas plus à Nathan la fois précédente et que Rory ne peut s’empêcher de faire remarquer. « Pourquoi tout le monde me demande ça ?! C’est mon job de m’occuper des jeunes, non ? » Il se défend de cette manière. A quoi bon mettre en place des séances sympathiques en anglais, si les élèves ne sont pas dans les meilleures dispositions pour apprendre ? Il pensait d’ailleurs que la jeune femme refuserait d’aborder le sujet. Or, elle lui donne tout de même quelques pistes, ce qui le rassure sur son intervention. « Oui, de tout ça. Dis-moi tout. Evidemment, ça reste entre nous. » Jamais il n’ira balancer à qui que ce soit. A part si l’élève fait face à une situation d’urgence comme un viol ou une horreur du genre. Elle commence à se confier, à laisser entrevoir le fait qu’elle joue un jeu en permanence, et Shane a presque envie de lui dire qu’elle n’est pas la seule à le faire. Lui aussi prétend aller bien tous les jours. La vérité, c’est qu’il ne devrait pas être professeur et qu’il ne le supporte que difficilement. Rêve brisé. C’est exactement ce qu’il ressent. Pourtant l’Irlandais reste impassible, ne laissant aucun signe de mal-être. Tout le monde a des rêves, et il regrette que Rory pense déjà que les siens sont irréalisables. Calmement, finissant sa pinte en l’écoutant, il tente d’engager la conversation sur une piste sérieuse. « Rien n’est impossible si ce n’est de retourner dans le passé et donc fatalement tout ce qui est lié au passé, alors dis-moi quels sont tes rêves Rory ? Tu te vois où dans dix ans ? » Lui, à son âge, il répondait : Rugbyman pour le Leinster, le meilleur demi d’ouverture qui est. A présent, il est loin de ce tableau idyllique, mais il a une situation stable. « Je ne te demande pas d’être une autre personne. Je m’intéresse justement à celle que tu es. » A l’identité qu’elle s’est forgée, à celle qu’elle sera demain, à celle qui ne doit sous aucun prétexte, passer à côté de sa vie. Il se corrige tout de suite, sentant bien que la jeune femme peut sauter sur l’occasion pour s’amuser de ses propos. « Enfin je veux dire, à ta personnalité hein, ne me fais pas dire ce que j’ai pas dit. » Il est son professeur, rien de plus.

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Shane & Rory

Rory était du genre méfiante avec tout le monde et personne à la fois. En ce moment, elle pouvait se confier tout d’un coup, craquer avec n’importe qui, et la seconde suivante redevenir la fille froide et hautaine qu’on connaissait. Elle avait tout balancé à Numa, son colocataire, ou plutôt l’homme qui avait accepté de l’héberger sans vraiment qu’elle ne sache pourquoi, juste parce qu’il avait vu qu’elle avait besoin d’aide, besoin de lui. Et aujourd’hui, voilà que son professeur d’anglais se mettait lui aussi en tête de l’aider. Sa première réaction était de passer à l’offensive, se défendre, éviter de répondre, esquiver les questions, tout ce qu’elle avait l’habitude de faire, sa marque de fabrique. D’autant plus avec quelqu’un du lycée, quelqu’un qui pouvait briser sa réputation d’un claquement doigt en révélant à tout le monde ses secrets. Mais quel serait son intérêt ? Rory savait que Shane n’était pas le genre de professeur à enfoncer les élèves, bien au contraire il essayait de les aider tout en les écoutant, en les relevant et en les piquant aussi, les piquant dans leur orgueil pour les faire réagir, comme il le faisait avec ses messages sarcastiques laissés sur ses copies. « J’croyais que ton job c’était d’enseigner l’anglais. » Elle lui rétorque, levant les yeux au ciel de façon ironique et amusée. Après tout, la plupart des profs se contentaient de faire ça : enseigner. Lui semblait vouloir aller plus loin et dépasser les limites qu’il devait peut être ne pas franchir … Payer un verre d’alcool à une élève, n’était-ce pas aller trop loin ? Rory s’en fichait pas mal, mais espérait qu’il ne tombe jamais sur un inspecteur un peu trop respectueux des règles. « Dans dix ans ? » Rory pouf, réfléchie et se tait, boit une gorgée de sa boisson alcoolisée. Elle sait pas où elle se voit dans dix ans, elle sait pas ce qu’elle veut faire de sa vie, elle se sent pas capable de grand-chose même si paradoxalement, elle aimerait faire de grandes choses. Elle aimerait devenir réellement celle qu’elle laisse entrevoir, la fille riche et pleine de confiance qu’elle dit être mais celle qu’elle n’est pas vraiment, juste un jeu. « Et toi dans dix ans tu te vois toujours prof dans ce vieux lycée ? C’est marrant, tu ressembles pas aux autres .. t’as toujours rêvé de ça ou tu t’es trompé de route ? » Elle finit par lui demander, parce qu’il était pas comme les autres professeurs. Il était différent, et cette différence devait bien venir de quelque part. Peut-être que finalement, il n’aurait jamais dû faire ce métier. Peut-être que ça lui était tombé dessus comme ça, ça arrivait. « Disons simplement que je suis moins heureuse, moins riche et plus sensible qu’on le croit. Mais à quoi ça sert de parler de ça ? J’ai toute ma vie pour passer du jeu à la réalité. » Elle lui dit, sirotant son cocktail en pensant que demain serait forcément meilleur, surtout depuis qu’elle avait quitté le domicile familial et son père violent.

acidbrain

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Shane pensait que l’enseignement ne s’arrêtait pas à une discipline. C’était bien plus que ça. Un professeur doit être capable d’être un modèle et de permettre aux élèves de mener à bien leurs projets, d’être un soutien quand les parents ne le sont pas. Alors bien sûr, il s’intéresse à la vie de chacun, à leurs rêves, leurs aspirations. Il fait comme il peut pour les maintenir à flot, parce qu’il sait ce que ça fait de voir ses rêves s’envoler, mais il faut être plus fort que les aléas de la vie et faire en sorte de rebondir. Ce n’est pas parce qu’une situation est bloquée à un moment, qu’elle le restera toute sa vie. Il hausse les épaules à la question de Rory. Il est professeur d’anglais, certes, mais à quoi sert l’anglais si les élèves n’écoutent pas ? Il s’est toujours dit que l’anglais pouvait être un outil puissant pour les élèves français qui faisaient l’effort de l’apprendre parce qu’évidemment, la plupart ne savent même pas aligner deux mots. C’est un atout non négligeable. Pour Rory, c’est différent, elle le parle déjà suffisamment bien, mais on a toujours quelque chose à apprendre. « C’est le cas. Mais comment tu veux voir des élèves réussir s’ils ne sont pas bien dans leur peau ? » Il en avait vu des élèves face à de nombreux troubles à l’adolescence. Shane n’avait pas souffert parce qu’il avait toujours été bien dans sa peau, tourné vers le rugby, garçon poli et dévoué qui même s’il n’était pas brillant à l’école avait des notes acceptables. Mais il savait que trop bien que certains n’avaient pas sa chance, et Rory semblait faire partie de ce groupe de jeunes loin d’être en phase avec l’image qu’ils souhaitent renvoyer. S’imaginer son avenir, ça permet de planter le décor, de se dire qu’on peut y parvenir, comme on peut échouer. Mais à l’aide de personnes avisées, on peut avancer dans la bonne direction. « Plus ou moins. » Dit-il, ce n’est pas dix ans pile poil, mais dans un ordre d’idée. Rory ne répond pas, une fois de plus. Elle lui pose alors la même question et le surprend même en suggérant qu’il n’a pas vraiment la tête de l’emploi. Ca le fait sourire, et il choisit de lui répondre pour l’inciter à en faire de même. « Je serais surement toujours professeur dans dix ans, mais peut-être que je serais de retour en Irlande. Je ne sais pas, mais j’imagine que j’aurais une situation stable, une famille. » Parce qu’il songe de plus en plus à fonder une famille, à réaliser ce que la plupart des Hommes sur Terre font : mener une vie normale. Il aurait probablement eu des enfants plus tôt s’il avait eu la carrière florissante qu’on lui avait promise. « Non, ce n’est pas une vocation. J’ai choisi de me lancer là-dedans quand j’ai dû mettre un terme à ma carrière de rugbyman sur avis médical. » Il est honnête, et il ne s’en cache plus. Autrefois, il peinait à en parler, mais Shane a progressé sur le chemin du regret. S’ils sont encore présents, ils ne sont plus qu’épisodiques, le laissant profiter de chaque instant. Rory semble sceptique sur le bien fondé de leur discussion. Elle croit que tout ceci ne rime à rien, mais elle se trompe. En avouant qu’elle jouait un rôle devant les autres, elle l’a démontré toute seule. « Ca sert parce qu’on se croit toujours plus fort que ce que l’on est vraiment. Tu es comme tu es Rory, ça ne sert à rien de prétendre, car tôt ou tard, tu en souffriras. » Et puis, il tente de lui expliquer autrement : « Je ne suis pas en train de dire que tes notes au lycée seront forcément décisives dans ta vie, mais ça peut jouer à un moment donné. Ne gâche pas ton potentiel, car je pense réellement que tu en as. »

» (mino) Sometimes being a sister is even better than being a superhero.
» waiting (rory)
» take the pain away (rory)
» groundhog day ჻ rory
» (RORY) rivalité ou amitié ?