(Dorian) Besoin de partager

Dorian, il peut parfois faire peur. Quand on le voit si fermé, avec le visage sans sourire qui vient se loger pour égayer son image, il a conscience qu’il ne met pas spécialement en confiance. Et puis ils ne se connaissent pas vraiment tous les deux… Et elle a trop bu, qui plus est. Heureusement que ce n’est pas quelqu’un de mal intentionné, elle aurait eu du mal à s’en remettre. Il acquiesce d’un signe de tête, la réponse lui convient parfaitement et il n’en demandera pas plus. « Je ne sais pas si c’est gentil, mais je pense sincèrement que ça pourrait te faire du bien. » dit-il, en fronçant les sourcils, la regardant fouiner dans sa paperasse. Il y en a tellement, des papiers à ne pas jeter, mais qu’il n’a pas pris le temps de ramasser, parce qu’il l’avait, le temps. L’envie n’était pas là. Elle lui montre son univers, ce qui la passionne, lui laisse une chance de la découvrir. Dorian prend la feuille noircie par l’encre, observe son visage à travers les traits qu’elle a dessiné. Alors c’est ça, qu’il reflète extérieurement ? Ce n’est pas ce qu’il aimerait. Avant, il était plus… joyeux que ça. Maintenant, il n’est plus que l’ombre de lui-même et ça se ressent. « Tu as un joli coup de crayon. » dit-il, en reposant la feuille de papier sur la table. « Pourquoi ne te focalises-tu par sur ça, plutôt que sur le négatif ? Toi-même tu dis que c’est ce que tu as de plus important. » Elle vaut quelque chose, elle sait se servir de ses mains. C’est une artiste qui pourrait aller loin, avec des dessins comme ça. Elle n’a pas été très longue à le retranscrire sur papier. Ce sont des mains en or qu’elle a. Mais il sait que trop bien que même en essayant de mettre toute son énergie là où on a du talent, ça ne suffit pas toujours. « N’empêche que je suis bluffé. » C’est très bien réalisé. Il attrape une tomate cerise dont il croque la moitié, sans la quitter des yeux. « Moi c’est le contraire. Je dessine comme un pied, mais je suis plutôt un bon musicien. » C’est la seule véritable occupation qu’il avait lorsqu’il était gosse. Il s’est arrêté durant des années, parce qu’il avait fait un autre choix, quelque chose qui allait sans doute lui apporter bien plus… Pas toujours en bien. « Qu’est-ce que tu préfères dessiner ? Montre-moi. » Dorian souhaite lui changer des idées, mais c’est aussi parce qu’il s’intéresse à ce qu’elle fait.

Dorian comprend. Il ne peut pas lui jeter la pierre pour ça, il sait ce que c’est et il n’a aucune solution à lui donner, lui-même ne l’a pas trouvé pour lui. Il a baissé les bras depuis longtemps, se contente de vivre une journée à la fois, en essayant de se poser le moins de questions possible, mais quand on est torturé, comme c’est le cas pour lui, pour Maona, c’est compliqué de faire différemment. Alors il comprend. « Ouais, un peu comme toi avec le dessin. Ce n’est pas toujours suffisant. Je joue de la guitare. » Il ne peut s’empêcher de penser qu’ils se ressemblent, même si les situations qu’ils vivent sont différentes, ils ont la même manière d’agir pour s’échapper. L’alcool qui aide bien. Il affiche un sourire, amusé par ce qui sonne comme un compliment ? Si elle ne lui avait pas demandé de quitter sa chambre, il aurait cru à quelque chose comme une avance, mais ce n’est pas ça. « Ah oui ? C'est flatteur. Pourtant, tu ne me vois pas sous mon meilleur jour. » qu’il dit, un sourire en coin, un peu taquin. Il quitte son fauteuil et la rejoint sur le canapé. De là, il peut voir plus facilement le portrait qu’elle dessine et ça n’a rien de joyeux. Ce n’est pas un paysage, ni un portrait avec un large sourire. C’est un homme qu’il ne voie même pas, mais il n’est pas difficile de deviner de qui il s’agit. C’est sombre, bien trop obscur. C’est ce qu’il y a au fond de son cœur, à elle. Dorian n’arrive pas à défaire son regard du dessin qui prend forme, puis pose son attention sur la jeune femme lorsque son crayon s’arrête. Il attrape ce dernier, le pose sur la table, en même temps que le portrait et passe son bras autour de ses épaules, pour la ramener contre lui. Il ne sait pas si elle va le repousser, si elle va se laisser faire, mais il sait une chose, c’est que lui, quand ça ne va pas, il trouve du réconfort dans les bras des femmes, une différente à chaque fois pour ne pas s’attacher, pour ne pas se dévoiler, alors il espère que ce bien qu’il ressent, elle le ressentira aussi. « C’est moche, tu veux dire. » souffle-t-il, le regard fixé sur la feuille noircie. Il aimerait presque la retourner pour éviter qu’elle soit face à leur situation, une nouvelle fois, mais au lieu de ça, Dorian resserre son étreinte, tendrement. « Et tu ne veux pas y rajouter une touche un peu plus joyeuse, à ton dessin ? » Son ton se veut un peu plus léger. Dorian se doute de la réponse. « Repose-toi un peu. Et si tu me le permets, je vais rester là, comme ça. »