Dorian | Plus qu'un souvenir.

Dorian le lui souhaite. Elle semble tellement vouloir de choses, elle semble avoir envie de se relever. Ce n’est pas en fréquentant un gars comme lui qu’elle arrivera à le faire, lui qui est tout son contraire, lui qui n’a pas envie d’avoir d’enfants, de se marier. C’est de la connerie. Surtout si c’est pour faire endurer à ses gosses un avenir cruel, parce que ce monde l’est. Il ne veut pas de tout ça. Il ne veut pas se battre, il ne veut pas vivre, comme elle le lui recommande. La personne pour qui il trouve encore le courage de se lever le matin, c’est Tara. Parce que Tara a besoin de lui. Parce que Tara, c’est juste la fille la plus importante. Si elle n’était pas là, il se serait tiré une balle dans la tête tant c’est insoutenable de tenir une journée entière. Dorian ne répond pas, il se contente d’être ravi pour elle. Si l’armée peut lui apporter une nouvelle vision de la vie, alors il faut qu’elle en profite. « C’est bien de voir les choses comme ça, d’y arriver. » Ce n’est pas son cas et il ne se bat pas pour changer. Ca ne lui ressemble pas, il ne veut plus, n’est pas partisan du moindre effort à ce niveau. Dorian l’écoute parler de son père militaire et il comprend. « Ton père est toujours de ce monde ? » Si c’est le cas, alors il ne comprend pas pourquoi il l’a laissé partir en sachant toutes les horreurs qui s’y passait, mais comment retenir une personne décidée ? Lui l’était, personne n’aurait pu le faire changer d’avis. Il aurait regretté de ne pas avoir suivi ses propres choix, mais il regrette aussi de l’avoir fait. C’est terrible d’être en conflit permanent avec soi-même. « Je ne sais pas. Non, peut-être pas tant que ça. Les deux extrêmes sont possibles. » Ils sont visiblement l’opposé l’un de l’autre, mais il s’en réjouit pour elle, encore une fois. Dorian est réceptif à son baiser, en redemande même, ça lui fait du bien, cette tendresse, cette proximité… Avant d’être arrêté en la voyant si perdue. Dorian pose ses deux mains sur ses épaules, puis attrape sa main et la guide vers le canapé. « Pose-toi là. » Il la quitte, récupère un verre d’eau qu’il place entre ses mains. Il faut qu’elle boive beaucoup d’eau, ça va lui faire du bien. « Tu n’as qu’à te reposer ici. » Dorian a soudainement perdu le fil de ce qu’il voulait. Son envie s’est atténuée, parce qu’elle n’est pas consciente, parce qu’elle n’a pas l’air de savoir ce qu’elle veut. « Je t’apporte une couverture. » Il quitte le salon, part dans sa chambre et ouvre les placards en grand, récupère une couverture qu’il place au pied du canapé. Ses yeux captent les siens, puis il se recule, de sorte à pousser la table basse derrière lui et à pouvoir tirer sur le canapé qui devient lit. « Ca va ? » demande-t-il, en arborant un faible sourire qui se fait aussitôt la malle. Il n’est pas sûr que ça aille.

Dorian voit dans ses yeux à quel point c’est dur et quand elle lui apprend la nouvelle, il hoche simplement d’un geste de la tête, sans pour autant détourner les yeux. Ce n’est pas parce qu’il a fait l’armée qu’il a les bons gestes, les bons mots. Il ne les a pas plus que n’importe qui, mais il comprend et c’est ce qui le pousse à garder le silence, à caresser son bras aussi, parce qu’il sent qu’elle a besoin d’un soutien, mais pas des mots comme « je suis désolé », ces mots que lui sortent parfois des gens qui ne savent pas comment réagir face à la situation, mais ne rien dire peut suffire amplement. « Si je trouve ça bizarre… ? J’en sais rien. On a tous une raison d’y aller. » Il ne la juge pas, il ne pense pas que c’est une cinglée. « Peut-être que t’as voulu finir le travail. » dit-il, en haussant les épaules. Il ne sait pas mieux qu’elle pourquoi elle s’est engagée, si c’était une erreur ou non. Tout ce qu’il sait, c’est que pour lui comme pour elle, ça a été terrible, que rien ne changera les images qui tournent en boucle dans leurs têtes, mais Elaia s’en sort bien plus que lui. Il aimerait pouvoir faire la même chose, ne pas regarder derrière lui, mais il pense sans cesse à Thea. Thea qu’il voit, parfois, Thea à qui il parle comme si elle était là, mais pour lui elle est là. C’est son esprit qui la fait vivre, qui le torture. Dorian n’en a encore jamais parlé, de peur qu’on le prenne pour un fou, mais n’est-ce pas ce qu’il est au fond ? C’est ce qu’il se demande lorsqu’il s’engueule avec une femme invisible. « Je me doute bien… Mais on va s'arrêter là avec l'alcool. » souffle-t-il, à propos de la vodka, mais elle a assez bu et de l’eau lui fera bien plus de bien que l’alcool, maintenant, ainsi qu’un peu de sommeil. Il ne s’attend pas à ce qu’elle lui dise ces mots-là. Ses doigts se crispent sur la couverture qu’il relâche, les yeux plantés dans les siens. Elle a l’air si sûre d’elle quand elle lui annonce ça… « Merci… Toi aussi, tu es quelqu’un de bien. Un peu paumée aussi. Quelqu’un de bien. » murmure-t-il, dans un sourire qui disparait avec le bruit. Ce n’est pas ce qui le fait sursauter, c’est plutôt Elaia, sa surprise. Dorian retire ses chaussures et s’installe à ses côtés, en resserrant sa main avec tendresse. « Je ne te laisse pas. Ca va, tu peux dormir. Tu peux te reposer, je suis là. » Il n’est pas loin, même s’il ne va pas dormir. Il ne dort jamais avec les femmes et ne souhaite pas faire d’exceptions à cause de ses cauchemars, cependant il cale son bras autour de ses épaules, la prend dans ses bras et resserre son étreinte en caressant ses cheveux. « Tu n’as aucun souci à te faire, t’es en sécurité ici. » C’est son petit cocon. A la porte, il y a bien quatre verrous. C’est une manière de se protéger, de faire plaisir à sa paranoïa aussi. Ce n’est pas un homme heureux, c’est un homme qui se bat tous les jours pour survivre.